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Où sont donc passés les vrais Hassidim ?

Où sont donc passés les vrais Hassidim ?

Par le Rabbin Arhur Green -

Qu’est-il arrivé au Hassidisme   ? Comment un mouvement audacieux et novateur, tourné vers un renouveau spirituel du Judaïsme, a-t-il pu se transformer en un noyau dur de défenseurs amers d’un passé perdu, pétri de querelles intestines, générateur de contrevenants médiatiques aux normes éthiques juives, et qui voit le monde extérieur complètement souillé et hostile ?

Cela fait un demi-siècle maintenant que, pénétré d’affection et de respect, je lis et étudie les sources du Hassidisme  . J’ai œuvré en tant qu’historien de la pensée hassidique, et plus récemment en tant que théologien avec l’objectif de tenter de bâtir un Judaïsme contemporain sur les bases de l’optique hassidique. A l’instar du maître hassidique Pinhas de Korzec, qui jadis remercia Dieu de la naissance de son âme après la révélation du Zohar « car le Zohar m’a permis de rester Juif », je sais que je dois mon propre Judaïsme essentiellement au Baal Shem Tov et à ses adeptes.

Pendant cette même période cependant, j’ai observé, avec une consternation croissante, les prises de position du Hassidisme   contemporain sur des sujets concernant tous les Juifs.

Le dernier incident en date – le plus ridicule et le plus dégradant – est l’affolement à propos de l’intégration Ashkénaze-Sépharade qui bouleverse actuellement Israël. Au centre de ce scandale, on retrouve l’école Beit Yaakov, située à Immanuel en Cisjordanie. Des jeunes filles, pour la plupart Sépharades, ont été littéralement emmurées, mises dans un enclos pour ne pas entrer en contact avec les jeunes filles, principalement Ashkénazes, dans la lignée hassidique de l’école, avec pour seule justification l’existence de différences religieuses.

J’ai à la fois ri et pleuré en lisant cela ; afin de se conformer au courant prôné dans cette école hassidique, les jeunes filles devaient prier - même chez elles - avec la prononciation ashkénaze de l’Hébreu. Combien se souviennent que les Hassidim (eux-mêmes ashkénazes) furent férocement conspués pour l’utilisation de versions sépharades de prières juives, celles-ci étant à l’époque considérées comme véhiculant un niveau de sainteté plus élevé ?

Qu’est-il arrivé au Hassidisme   ? Comment un mouvement audacieux et novateur, tourné vers un renouveau spirituel du Judaïsme, a-t-il pu se transformer en un noyau dur de défenseurs amers d’un passé perdu, pétri de querelles intestines, générateur de contrevenants médiatiques aux normes éthiques juives, et qui voit le monde extérieur complètement souillé et hostile ?

Pour comprendre comment le Hassidisme   s’est égaré, il faut connaître son histoire, et les défauts qui étaient présents dès sa conception.

Le but des adeptes du Baal Shem Tov était de recentrer la vie juive sur ses fondamentaux : l’amour de Dieu, la joie d’appliquer Ses commandements et la croyance en une divinité présente en toute chose. La tâche du Juif était de rechercher des étincelles de cette sainteté au travers de la création et de ramener ces étincelles à leurs racines, tout en célébrant le privilège qu’ils avaient de bénéficier de cette sainteté. Le divin se trouvait dans les champs et les forêts, dans les lettres de la Torah, et dans le cœur des Juifs.

En dehors de cette belle équation, on se trouvait confronté à la communauté humaine non-juive au sein de laquelle vivaient les Hassidim en Europe de l’Est. Il est aisé d’affirmer que la Chrétienté polonaise et ukrainienne, pénétrée de stéréotypes antisémites, avait déshumanisé les Juifs - et les juifs ont parfois réagi par réciprocité.

Mais l’histoire est plus compliquée que cela. L’idée que les Gentils   étaient moins entièrement humains que les Juifs, voire dépourvus d’une âme divine, plongeait ses anciennes racines dans une partie de la tradition cabalistique.

Fâcheusement, cet aspect raciste du folklore juif existe chez les Hassidim (et chez quelques autres !) jusqu’à aujourd’hui. Bien que cela ne devrait rien avoir à faire avec les divisions internes aux Juifs (notamment entre ashkénazes et séfarades), nous savons que la souillure du racisme est de celles qui tendent à se propager.

Deux autres évolutions ayant engendré le déclin, voire la dégénérescence du Hassidisme   peuvent être attribuées à des décisions prises aux détours de son histoire.

La première évolution est le leadership dynastique. L’idée que le charisme d’un saint homme puisse se transmettre à ses fils et petits-fils, a débuté vers la fin du 19è siècle dans quelques familles clés de lignée hassidique, en totale opposition avec le mode de choix maître-disciple, pourtant plus évident et plus intrinsèquement Juif. Les petits-fils et arrières-petits-fils de sages   hassidiques s’opposaient les uns aux autres sur des questions de loyauté, de doctrine, mais aussi et surtout sur des questions d’argent. Au fur et à mesure que le nombre de plaignants augmentait, le mouvement en est arrivé à se caractériser par sa mesquinerie et par des instances dirigeantes de plus en plus faibles, de moins en moins inspirées. Bien que quelques grandes figures ultérieures s’érigèrent en exception dans la gouvernance du Hassidisme  , la tendance générale était à une qualité et une originalité dramatiquement moindre il y a déjà plus de cent ans.

La seconde évolution émane de la réponse du mouvement hassidique à la modernité. Quand l’impétueux nouveau mouvement hassidique est apparu sur la scène de l’Histoire, les instances rabbiniques d’Europe de l’Est (qui se targuaient de la présence en leur sein du Gaon   de Vilna) furent scandalisées. Pendant 30 ans à partir de 1772, ces mitnagdim – les « opposants » au Hassidisme   – excommuniaient quiconque avait à voir de près ou de loin avec les Hassidim. Mais aux alentours de 1810, les instances rabbiniques, se sentant menacées par un ennemi bien plus dangereux, la Haskalah (les Juifs éclairés), firent cause commune avec les Hassidim afin de combattre la modernité.

Les hassidim, soucieux de plaire à ceux qui furent auparavant leurs persécuteurs, menèrent la charge avec enthousiasme. L’héritage universaliste du Baal Shem Tov se transforma en une arme servant à matraquer tous ceux qui osaient dévier des normes du 18è siècle, que ce soit dans leur pratique religieuse, leur manière d’éduquer ou même dans leur manière de se vêtir.

Et voici le Hassidisme   qui a traversé les générations.

Comme le combat devint de plus en plus féroce, et plus particulièrement face aux différentes pressions de la société, le Hassidisme   devint fielleux, faisant usage de techniques de résistance dont aucune fierté ne pouvait être tirée.

Au début du 20è siècle, la bataille était perdue et les enfants de hassidim se tournaient en masse vers divers mouvements juifs séculiers, dont le Sionisme. Ceux du mouvement hassidique qui avaient survécu s’orientèrent vers la politique, créant dans la foulée Agudat Israel et d’autres mouvances dont le but était de défendre contre vents et marées la domination hassidique et ultra-orthodoxe  .

La première guerre mondiale, les pogroms qui l’ont suivie et la soviétisation ont décimé les rangs des Hassidim en Europe de l’Est. Hitler paracheva l’œuvre. Au tournant de 1945, il ne semblait plus rien rester.

Arriva alors la période la plus marquante de l’histoire hassidique. La communauté commença à se reconstruire, sur les cendres de l’holocauste.

Le très anti-sioniste rabbin   de Satmar, Joel Teitelbaum, refonda à Williamsburg (New York) et à Jérusalem un important noyau composé de Hongrois d’avant guerre. Solomon Halberstam, l’un des descendants de survivants de Bobover, qui avait perdu presque tous ses disciples, prit contact avec des Hassidim rescapés qui avaient, eux, perdu leurs rabbins  , afin de reconstruire la Galicie, tout d’abord à Crown Heights, puis à Boro Park. Les Loubavitchs avaient un réseau souterrain qui avait permis de maintenir des étincelles de Torah en Union Soviétique. Ces Loubavitchs – finalement suivis par ceux de Bratislava – se tournèrent, souvent avec succès, vers les enfants des Juifs modernes. Les rabbins   de Gur et de Belz, tout deux sauvés pendant l’holocauste, reconstruisirent leurs empires autour d’imposantes forteresses à Jérusalem, puis ouvrirent des voies de plus en plus larges en Israël.

Tout ceci se passa avec l’aval des autres Juifs, y compris notamment le gouvernement israélien.

Nous avons tous été profondément émus et impressionnés par les manifestations de foi enthousiastes de cette ancienne-nouvelle communauté engagée dans sa reconstruction dans un milieu aussi nouveau qu’hostile à leur mode de vie.

Leur taux de natalité impressionnant, en contraste avec le nôtre remarquablement bas, permit aux Hassidim d’après guerre de reconquérir un avantage numérique certain au sein du monde Juif.

Les lois israéliennes qui les dispensaient de service militaire contribuèrent à créer une immense société de Hassidim majoritairement oisifs, censés étudier la Torah à plein temps. Ce phénomène n’a jamais eu d’équivalent dans l’histoire hassidique antérieure.

Avec des Hassidim habitués à voir le monde extérieur au travers du prisme de l’hostilité Est-européenne, le hassidisme   qui émergea fut une étrange combinaison mêlant amour et joie – héritage de la première période du mouvement – mais dirigées vers eux-mêmes, un extrémisme ultra-orthodoxe   absolu, voire souvent même hystérique, des calomnies cinglantes à l’encontre de tous les autres Juifs – héritage pour le coup de la 2è période de l’histoire hassidique -, et du mépris pour le monde non-Juif, héritage des persécutions anciennes et récentes.

On trouve bien évidemment des étincelles de sainteté chez les Hassidim. Il existe de jeunes gens à la limite du hassidisme   qui sont toujours soucieux de vraiment combattre pour l’Avodat Hashem, pour la vraie dévotion. Mais le gros des troupes demeure retranché dans un pur mimétisme du passé. Ainsi que l’enseignait le Rabbin   Kotzker il y a bien longtemps, « un homme devenu Hassid à force d’imitation n’est qu’une imitation de Hassid ».

Nous qui aimons le Hassidisme  , qui méditons longuement sur des écrits tels que le « Kedushat Levi » ou le « Sefat Emet » pour trouver notre inspiration, comment pouvons-nous nous revendiquer de cette version étroitement exclusiviste, auto-vertueuse et intolérante qu’est ce visage du Hassidisme   contemporain ? La réponse réside dans notre devoir de sauver le Baal Shem Tov de ses adeptes plus récents. La religion prônée par les Hassidim d’aujourd’hui – eux-mêmes victimes d’une histoire tragique et complexe – ne doit pas constituer le seul héritage du Hassidisme  .

Rabbin   Arhur Green est une des grandes personnalités du judaïsme américain.

Ordonné rabbin   au JTS   en 1967.

Auteur de nombreux ouvrages, notamment sur le hassidisme  .

En français on peut lire : La Sagesse dansante de rabbi Nahman : Biographie d’un maître hassidique

http://www.massorti.com/La-sagesse-...

Il est recteur de l’Ecole Rabbinique de l’Hebrew College. Il est l’auteur du « Judaïsme radical : repenser Dieu et la Tradition » (Editions Universitaires de Yale).

Article publié dans The Forward en juin 2010

Le rabbin   Arthur Green

http://en.wikipedia.org/wiki/Arthur...

Messages

Où sont donc passés les vrais Hassidim ?

Je crois que l’analyse est hors sujet :
Le judaïsme en Israël a souvent a arrière gout politique et financier. Ôter cette dimension à l’analyse fausse les résultats. Le mot "subvention" n’est cité nulle part

Où sont donc passés les vrais Hassidim ?

Encore un idiot de plus sur ce formum qui se croit plus intelligent que les autres

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