Pourquoi et Comment de la Halakha Massorti
Par le Rabbin , Professeur David Golinkin
J’ai passé le plus clair de mon temps, durant ces vingt dernières années à étudier et à enseigner la Halakha , (Loi Juive) ainsi qu’à écrire des responsa pour les juifs Conservative /Massorti . Ce qui va suivre, n’est pas la position officielle du Mouvement Massorti , mais plutôt le fruit de mes constatations en tant qu’observateur et décideur dans l’établissement de la Halakha Massorti 1.
[*Les judaïsmes Orthodoxe et Massorti sont très impliqués dans le respect de la halakha . Ils partagent la conviction profonde qu’un Juif devrait s’engager à observer l’ensemble de la Halakha .*] Ceci conformément à l’attitude biblique de « na’aseh v’nishmah » (« Nous ferons et nous écouterons ») (Exode 24 :7) et du décret rabbinique selon lequel : « L’important n’est pas d’expliquer la loi, mais de la respecter » (Avot 1 :17)
Les deux courants du Judaïsme seront parfaitement d’accord avec les mots du Professeur Louis Ginzberg, un des principaux talmudistes et autorité en matière de Halakha du Mouvement Massorti pendant près d’un demi siècle, « La Halakha , ou loi est bien plus importante dans le Judaïsme que la aggadah, ou croyances, car les idées s’envolent mais la pratique reste. Si la pratique Juive disparaissait, il ne resterait pour ainsi dire rien. »2
[*Il existe néanmoins de nombreuses différences entre les approches de la Halakha Orthodoxe et Massorti .*] Pour bien comprendre ces différences, nous devons nous poser deux questions fondamentales : « Pourquoi respecter la Halakha ? » et « Comment les rabbins interprètent-ils la halakha ? »
Les « Pourquoi » de la Halakha Massorti
La réponse habituelle Orthodoxe à la question « pourquoi observer la Halakha » est simple : Nous devons observer les Commandements parce qu’ils sont d’origine Divine ; ils nous furent donnés avec la Torah sur le mont Sinaï par Dieu lui-même. La déclaration du Rabbin Emmanuel Jakobovits, précédent Grand Rabbin d’Angleterre, est typique de cette façon de voir :
« Pour moi, la croyance que la Torah est min ha-shamayim (la révélation divine de la Torah) représente l’essence même du Judaïsme, elle est aussi inaliénable que le postulat du monothéisme. Torah min ha-shamayim signifie surtout que le Pentateuque tel que nous le possédons aujourd’hui, est strictement identique à la Torah donnée à Moïse sur le Mont Sinaï et que c’est l’authentique expression de la volonté de Dieu, volonté définitive qui lie le peuple Juif pour l’éternité… » 3
Qu’en est-il de toutes les lois ajoutées par les rabbins au cours des siècles ? D’après l’approche fondamentale, elles aussi furent données sur le Mont Sinaï comme il est écrit dans le Talmud de Palestine (Yerushalmi Peah 17a et Yerushalmi Megila 74d) : « Même ce qu’un élève pointu exposera devant son professeur a déjà été donné à Moïse sur le Sinaï » Autrement dit, toute mitzvah que nous accomplissons comme Juifs a été naturellement donnée sur le Mont Sinaï. Lorsqu’un rabbin décrète une nouvelle loi ou une nouvelle pratique, il révèle simplement quelque chose qui était déjà caché dans la Torah depuis le début.
Cette façon de voir simple et simpliste n’est pas satisfaisante pour la plupart des Juifs Massortis. Beaucoup d’entre eux ne croient pas à la révélation verbale du mont Sinaï. Ils sont gênés par trois principales questions :
a) [*Concernant l’acte de la révélation*], ils demandent : Que s’est-il passé exactement sur le Sinaï ? Comment savons-nous que c’était Dieu qui parlait ? Le récit de la révélation sur le Sinaï est peut-être le simple fruit de l’imagination de quelqu’un. Même si Dieu a effectivement parlé comment savons-nous qu’Il a été correctement compris ?
b) [*Concernant le produit de l’acte de révélation*] – c’est-à-dire la Tora - ils demandent : est-ce l’exacte retranscription des mots de Dieu ? S’il en est ainsi, comment explique-t-on certaines contradictions dans ses lois ?
Par exemple : Pessah doit être célébré pendant sept jours d’après l’Exode13 :6 ; le Lévitique 23 :6 et le Deutéronome 16 :3, mais pendant seulement six jours d’après le Deutéronome 16 :8. L’Exode 20 :21 autorise l’érection d’un sanctuaire n’importe où, alors que le Deutéronome 12 :4-5 restreint le sanctuaire à un seul temple dans tout Israël. Et que dire des variations dans ses récits, comme les différents ordres de la Création décrits dans les Chapitres Un et Deux de la Genèse ? Et comment explique-t-on la similitude entre ses lois (ex : Œil pour œil) et récits (ex : le récit du déluge) avec ceux des nations voisines des Israelites à l’époque biblique ?
Et [*que dire des différentes versions de la Bible que nous possédons ?*] Même si Dieu a révélé sa Volonté sur la Sinaï, les humains l’ont copiée et interprétée au fil des générations, alors comment être sûrs que ce que nous avons en mains ressemble à ce que Dieu a donné, et comment savons nous que l’interprétation que nous en faisons ressemble à ce qu’Il voulait ? 4
c) Pour finir, [*la Torah contient des lois et des récits qui posent de graves problèmes éthiques.*] Dans le Deutéronome 23 :3 il est dit qu’un enfant conçu par sa mère d’un homme alors qu’elle est mariée à un autre homme, cet enfant est un mamzer (batard, enfant illégitime) qui ne pourra épouser de juif « jusqu’à la dixième génération ». Est-ce moral de punir les enfants et les petits-enfants pour les fautes de leurs parents ?
Dans les Nombres 31, Dieu ordonne à Moïse de se venger des Midianites pour le pécher de Ba’al Peor (Nombres 25) Lorsque les Hébreux reviennent après n’avoir tué que les hommes, Moïse en colère leur ordonne de tuer tous les Midianites restant à l’exception des jeunes filles. Ces deux passages problématiques reflètent-ils la Volonté Divine ?
[*En raison de ces diverses questions, de nombreux rabbins et penseurs Massorti n’adhérent pas à la croyance fondamentale présentée plus haut. Ils observent la Halakha surtout pour diverses raisons*], comme celles que nous allons énumérer ci-après.
1. La première approche non-fondamentaliste dit que [*la Halakha est la façon qu’a eu le peuple juif à travers les générations, de comprendre et d’interpréter la révélation de Dieu sur le Mont Sinaï.*] Un Juif qui observe les Mitzvot accomplit la volonté divine telle que Klal Israel – l’ensemble du peuple d’Israël – l’a comprise depuis 3000 ans. Le plus célèbre défenseur de cette théorie fut le professeur Solomon Schechter , fondateur du mouvement Conservative . « ce n’est pas la seule Bible révélée qui est de première importance pour les Juifs, c’est la Bible telle qu’elle se répète dans l’histoire, autrement dit, telle qu’elle est interprétée par la Tradition…. » Le cœur de l’autorité est retiré de la Bible pour être mis entre les mains de la conscience collective de Klal Israel, « l’Israël universel ».
2. La seconde approche théocentrique de l’observance met l’emphase sur le partenariat entre Dieu et l’homme. [*La Tora et les Mitzvot expriment l’éternelle Brit ou alliance entre Dieu et le peuple Juif.*] Comme le déclare au début du Deutéronome (5 :3-4) « Ce n’est pas avec nos pères que Dieu a fait cette alliance, mais avec nous, les vivants, avec chacun d‘entre nous présent ici aujourd’hui. L’Eternel vous a parlé face à face sur la montagne au milieu des éclairs. » Cette déclaration n’aurait rien de surprenant si elle s’était adressée aux personnes présentes au Mont Sinaï, mais Moïse parle-là à leurs enfants, quarante ans plus tard, et pourtant il dit « nous » « chacun d’entre nous », « vous » ! Il insistait sur le fait que l’alliance n’était pas un pacte de circonstance, elle se renouvelait de génération en génération comme Moïse l’explique très clairement à la fin du Deutéronome (29 :13-14) : « Je ne fais pas cette alliance avec vous seuls, mais avec ceux qui se tiennent aujourd’hui à nos côtés devant l’Eternel notre Dieu ainsi qu’avec ceux qui ne sont pas à nos côtés ici aujourd’hui. » Et Rachi , le fameux commentateur médiéval ajoute : « Et avec les générations futures ». Chaque fois que nous observons un commandement ou la Halakha , nous renouvelons ce-faisant notre alliance avec Dieu.
3. La troisième approche centrée sur Dieu affirme que [*les Mitzvot nous conduisent à la sainteté, elles sanctifient notre vie et nous rapprochent de Dieu.*] C’est ce qu’enseignait le Tanna Issi ben Yehuda dans la Mekhilta (Paracha20 éd Horovitz-Rabin, p320) il y a 1800 ans : « Avec chaque nouveau commandement, Dieu ajoute de la sainteté au peuple d’Israel » Cette idée est aussi reprise dans la formule habituelle des bénédictions sur les Mitzvot comme les bougies du Shabbat et de Hanoukha, le lulav, les tefilins, et le talit : « asher kideshanou be mitzvotav vetzivanou… » « Sois béni Eternel notre Dieu, roi de l’univers qui nous a sanctifiés avec les mitzvot et nous a ordonné de… » Et [*en effet, les Mitzvot sanctifient notre vie – le quotidien devient spécial et le profane devient sacré.*] Le shabbat et les Fêtes sanctifient le temps. Les bénédictions et la Casherout sanctifient nos repas. La cérémonie du mariage et les règles du mikveh (bain rituel) sanctifient le mariage. Les lois du Onaa (juste prix) et eifat tzedek (exactitude des poids et mesures) sanctifient le négoce. Ainsi, en observant les Mitzvot, nous nous efforçons de respecter le verset de l’Exodus (19 :6) : « Et vous serez pour moi un royaume de Prêtres et une nation sainte » de même que le verset du lévitique (19 :2) : « Vous serez sacrés car Je suis sacré, Moi, l’Eternel votre Dieu ».
Les trois raisons qui suivent sont ethnocentriques. Elles avancent que les Mitzvot servent à préserver, unir et renforcer le peuple Juif.
4.D’après la première approche, [*la Halakha est le « ciment » qui unit les « briques » dispersées du peuple Juif. Sans ce ciment, il y a longtemps que le peuple Juif se serait désintégré. Les Mitzvot unissent tous les Juifs du monde les uns aux autres.*] Au cours des dernières années, il m’est arrivé de prier dans des synagogues de Los Angeles à Milwaukee, à New York, de Haïfa à Eilat, de Londres à Rome et j’ai toujours été frappé par le fait que 95% du contenu des offices était identique, où qu’on aille. De même, quand je mets mes tefilins chaque matin, je sais qu’un Juif du Maroc est entrain d’en faire autant. Quand j’allume les bougies de Hanoukha, je sais qu’un Juif d’Argentine fait de même. Quand je donne la Tsedaka, (charité) je sais qu’un Juif d’Australie fait comme moi. Ainsi, les commandements nous aident-ils à accomplir la prière que nous récitons chaque Shabbat pendant l’office de Minha : « Qui est comme ton peuple Israël, une nation unie dans le monde ! »
5. La deuxième approche centrée sur les gens, souligne la continuité historique du peuple Juif. [*Les Mitzvot sont la chaine en or qui nous relie ainsi que nos enfants à nos ancêtres et à l’histoire de notre peuple. Sans elles, nous perdrions notre continuité et nous nous sentirions comme des orphelins dans l’histoire.*] Quand j’observe le Shabbat Je sais que Moïse en a fait autant et quand je pose mes tefilins, je sais que Rabbi Akiva faisait de même. Quand je donne la Tsedaka, je sais que Maïmonides le faisait aussi et quand j’étudie la Tora, je sais que le Gaon de Vilna en faisait autant. Les Juifs qui observent la Halakha sont reliés à l’histoire et aux traditions de leur peuple.
6. La troisième approche ethnocentrique est extrêmement pragmatique. [*La plus grande menace pour la survie du peuple Juif aujourd’hui est l’assimilation ainsi que les mariages mixtes. Pendant des milliers d’années, les Mitzvot ont protégé le peuple Juif de ces menaces et assuré la continuité Juive.*] Le célèbre penseur sioniste Ahad Ha’am disait : « Le peuple Juif a conservé le Shabbat, mais c’est plutôt le Shabbat qui a conservé les Juifs » On peut en dire autant des Mitzvot. Les Juifs pratiquants ne mettent pas d’arbre de Noël dans leur maison, ils ne font pas d’essai de cultes, ni de drogues, et leurs enfants, pour la plupart, n’épousent pas de non-Juifs. Donc la Halakha est un excellent rempart contre l’assimilation.
Les deux dernières raisons, je dois le souligner, sont anthropocentriques, ou centrées sur l’homme. Elles soutiennent que chaque individu accomplit les Mitzvot pour en retirer un bénéfice personnel.
7. La première approche considère [*les Mitzvot comme un moyen d’autodiscipline, pour nous affermir le caractère et faire de nous de meilleurs être humains.*] Cette idée semble très moderne, mais ne l’est pas. Elle fut à l’origine évoquée par l’amora Rav qui vivait à Babylone au troisième siècle. Il disait : « Les commandements ne furent donnés que pour améliorer et discipliner la personne qui les accomplit. » (Genèse Rabbah 44 :1 éd. Théodore Albeck, pp.424-425). Abraham ibn Ezra du douzième siècle en Espagne renchérit. Dans son commentaire classique de la Tora, il affirme : (Deut.5 :18) « Le but principal de tous les commandements est de renforcer le cœur » Comme en Hébreu, le cœur est fréquemment synonyme d’esprit, Ibn Ezra veut dire que le but principal de tous les commandements est d’améliorer et de discipliner l’esprit. Cette idée fut réitérée à notre époque par le Rabbin Harold Kushner, un rabbin Conservative qui vit dans le Massachussetts. « Bon nombre de règles et de rituels dans la pratique Juive sont des défis spirituels, destinés à nous apprendre à contrôler nos instincts les plus élémentaires au cours de notre existence – la faim, le sexe, la colère, l’avidité etc. Nous ne devons pas les nier ni les réprimer, mais les contrôler, les diriger plutôt que de les laisser nous diriger… La liberté que nous offre la Tora est la liberté de dire non, à nos appétits. »6
8. La seconde et dernière approche affirme très simplement : [*Accomplissez les Mitzvot pour le plaisir ! Ca rend heureux et ça réjouit les cœurs.*] Ce point de vue a toujours été populaire des temps Bibliques à nos jours. Un psalmiste a écrit (19 :9) il y a 3000 ans : [*« Les préceptes du Seigneur sont justes, ils réjouissent le cœur ».*]
Les rabbins du Talmud ont d’ailleurs développé cette idée en créant le concept de « simha chel mitzva » la joie d’accomplir une Mitzva.
De tous temps, la littérature rabbinique nous dit d’accomplir les mitzvot dans la joie. Nous apprenons, par exemple, dans le traité Berakhot (31a) que : « qu’il est inutile de se lever pour réciter la Amida , si on ne le fait pas dans la joie d’accomplir une Mitzva. ! » Si on y réfléchit, beaucoup de Juifs accomplissent des Mitzvot parce qu’ils y prennent plaisir. [*Pour ma part, j’observe le Shabbat parce que j’aime observer le Shabbat, c’est le jour de la semaine où je peux me détendre vraiment et passer du temps en famille.*] Lorsque nous veillons toute la nuit pour étudier à un tikkun chaque Shavouot, nous le faisons pour le plaisir ! Et pourquoi dansons-nous comme des fous à Simha Tora et nous habillons-nous comme des clowns à Pourim ? Pour le plaisir ! Et pourquoi construisons-nous une Souccah et mangeons-nous dedans pendant sept jours ? Pour le plaisir ! [*La loi Juive n’est pas un fardeau, c’est une joie, « simha shel Mitzva » - la joie d’accomplir une Mitzva.*]
Pour résumer, le « pourquoi » de la halakha Massorti est plus complexe que le « pourquoi » de la halakha Orthodoxe . Les Juifs Orthodoxes respectent la loi parce qu’ils la considèrent en partie ou en totalité comme étant mot pour mot, la volonté de Dieu. Les Juifs Massortim respectent la halakha pour différentes raisons. [*Le fondamentalisme Orthodoxe conduit fréquemment à une interprétation rigide de la Loi Juive, alors que le non-fondamentalisme Massorti conduit fréquemment à des interprétations plus libérales comme nous allons le voir.*]
Les « Comment » de la Halakha Massorti :
[*Le Mouvement Massorti n’a pas un ensemble uniforme de principes guidant les rabbins qui prennent les décisions Halakhiques, il peut même y avoir différentes approches au sein des autorités Halakhiques Massorti .*]
Une étude approfondie des responsa ou décisions Halakhiques écrites par les rabbins Massortim au cours des cent dernières années, peut cependant révéler six caractéristiques générales de la Halakha Massorti , dont cinq différencient fréquemment les responsa de la Halakha Massorti des responsa Orthodoxes . Nous allons esquisser dans le paragraphe qui suit, chaque caractéristique générale et l’illustrer à l’aide de la responsum trouvée dans ce volume.
1. [*Un des leitmotive du mouvement Massorti est « Tradition et Changement ». Les changements ne sont pas faits pour le plaisir de changer, mais uniquement dans le but de résoudre un problème aigu et urgent.*] Souvent, après avoir examiné tous les aspects d’une solution halakhique, les rabbins Massortim penchent pour la tradition plutôt que pour le changement.
Cependant par exemple, ma responsum pour éviter les escroqueries à la charité (pp51-57) se base sur une opinion du Rav Yehuda (Bava Batra 9a) telle qu’elle est codifiée dans les codes standards de la Loi Juive. Il disait qu’il faut enquêter lorsque quelqu’un demande des vêtements mais jamais lorsque quelqu’un demande de la nourriture. J’en ai déduit qu’il faut abandonner les investigations lorsqu’on traite d’un cas urgent de souffrance humaine, mais qu’il faut enquêter sur les œuvres de charité inconnues ou nouvelles avant de leur verser la Tsedaka.
Autrement dit, ma réponse se basait en premier lieu sur une approche traditionnelle à cette question, avec cependant quelques adaptations aux situations contemporaines.
2. [*Un rabbin se trouve fréquemment face à de nombreuses options Halakhique toutes différentes parmi lesquelles il doit choisir, et il, ou elle, doit trancher avec sévérité ou indulgence ou entre les deux. Les rabbins Massortim dans leur ensemble préfèrent une décision indulgente à une plus sévère.*] Ce choix est basé sur l’enseignement talmudique : « Vous conserverez Mes Statuts et Mes Lois de sorte qu’un homme qui les respecte vivra par eux » (Lévitique 18 :5) – et non mourra à cause d’eux. (Yoma 85b) et d’après le dictum talmudique « la force d’une décision indulgente est plus grande » (Berakhot 60a)
Ainsi, par exemple, dans ma responsum sur la question de savoir si, pour signer la paix, Israël devait rendre les territoires occupés en 1967. (p31-36) j’ai comparé l’attitude intransigeante recommandée par les fidèles du Rabbi Zvi Yehuda Kook de mémoire bénie et Gush Emounim, à l’attitude plus conciliante du Rabbin Ovadia Yosef et du Rabbin Theodore Friedman de mémoire bénie. Après avoir examiné les conclusions des deux parties, j’ai penché du côté du second groupe et décidé qu’il est permis de rendre les territoires pour signer la paix.
3. [*Une des grandes différences entre les rabbins Massortim et Orthodoxes est leur attitude face aux sciences et aux méthodes modernes d’études notamment pour l’histoire, l’archéologie, la critique de textes et la médecine.*] De nombreuses responsa Orthodoxes sont totalement ignorantes ou totalement opposées à ces disciplines, et même lorsqu’elles citent des études médicales, c’est rarement avec des références précises à des textes médicaux. Les rabbins Massortim eux, considèrent que non seulement il est permis d’utiliser les savoirs et méthodes modernes pour écrire une responsum , mais il est essentiel de le faire car on ne peut parvenir à une décision Halakhique correcte tant qu’on n’a pas pris connaissance des faits et qu’on ne les a pas compris. C’est pourquoi presque toutes les responsa Massorti contiennent un rappel historique et chronologique du sujet afin de déterminer s’il dérive ou non de la Tora, du Talmud , des premiers Rabbins ou des derniers Rabbins . On se sent plus facilement prêts à modifier une Halakha relativement récente ou une loi qui n’a pas été adoptée par la communauté toute entière, ou quelque chose qui ne relève que de la coutume. Les rabbins Massortim utilisent aussi d’autres sciences et méthodes modernes.
Ma responsum sur shucklen (le balancement) pendant l’étude ou la prière (p 25-28) cite à la fois Mohammed et le poète musulman Labid tels qu’ils sont cités par Ignaz Goldziher dans un article Allemand publié en 1871.
Ma responsum sur la Casherout du veau élevé en batteries (p73-77) commence avec une description de l’élevage du veau basée sur les livres Calf Husbandery (Elevage du Veau) Health and Welfare (Santé et Bien-être) et the calf (Le Veau).
Ma responsum sur les sujets médicaux tels que faut-il dire la vérité aux malades en phase terminale (p 57-64) l’Ingénierie génétique (p67-72) l’acte de fumer (p 93-96) furent seulement écrits après la lecture de journaux médicaux comme Nature, Science, The Journal of Medicine and Philosophy, et The Journal of the American Medical Association.
4. Le Shulhan Arouh écrit au seizième siècle par Rabbi Yosef Karo ainsi que les Commentaires Ashkénazes de Rabbi Moshe Isserless est un des codes standards de la Loi Juive. Il a toutefois atteint un statut presque canonique pour les rabbins Orthodoxes . [*Les rabbins Massortim éprouvent un grand respect pour le Shulhan Arouh, sans pour autant le considérer comme faisant autorité suprême, par ce qu’il a été écrit il y a 400 ans et que beaucoup de choses ont changé depuis dans la Halakha , dans la société et dans notre conception de la vie.*] De plus lorsque le Shulhan Arouh fut publié, de nombreuses autorités Halakhiques importantes de l’époque critiquèrent sévèrement ceux qui décidaient de la Loi Juive en fonction du seul Shulhan Arouh sans chercher dans le Talmud ou dans les autorités célèbres antérieures à Rabbi Yossef Karo.
Aussi, dans une responsum en Hébreu publiée dans un autre ouvrage, où on me demandait s’il était possible de [*déménager un rouleau de la Tora pour une lecture unique comme lors d’une retraite, ou au domicile d’un endeuillé.*] A deux endroits différents, Rabbi Yossef Karo estime qu’on ne doit pas apporter une Tora à des prisonniers Juifs même pour les Grandes Fêtes. De nombreux rabbins Orthodoxes s’en tiennent là. J’en fis différemment, et découvris que la décision de Rabbi Yossef Karo est basée sur une responsum de Rabbi Meir de Rothenburg qui est basée à son tour sur un passage du Talmud de Palestine qui dit qu’on ne peut bouger un rouleau de la Tora pour une seule lecture qu’en l’honneur d’un personnage important comme le Grand prêtre ou un Exilarque. Mais selon la Michna , et le Talmud de Babylone, il est généralement permis de déménager la Tora pour une lecture unique. Normalement quand il y a un désaccord entre les Talmuds de Palestine et de Babylone, nous suivons le dernier. Qui plus est, l’interprétation stricte était une exception à la règle et la plupart des autorités permettaient d’apporter un rouleau de la Tora à un malade ou à un grand personnage, ou au domicile d’un endeuillé ou à celui d’un marié, ou pour les besoins d’un groupe de gens.7
5. [*Le Mouvement Massorti croit au pluralisme de la Halakha . Toutes les questions Halakhiques ne sauraient avoir une réponse unique, il y a parfois deux ou plus moyens légitimes de trancher sur un problème halakhique donné.*]
Ma responsum sur la mise en maison spécialisée de parents atteints de la maladie d’Alzheimer (p37-42) propose aux enfants affrontant ce dilemme, trois réponses Halakhiques légitimes.
Ma responsum sur le fait de dire ou non la vérité aux malades en stade terminal (p57-63) soutient qu’il faut dire la vérité à la plupart des malades parce qu’ils souhaitent savoir la vérité mais qu’il faut tenir compte aussi de la minorité de malades qui ne tiennent pas à savoir la vérité.
Ma responsum sur shucklen (p25-28) propose sept différentes raisons à cette coutume sans affirmer que l’une d’entre elles soit la vraie réponse.
6. Pour finir, [*les rabbins Massortim insistent particulièrement sur la composante morale du Judaïsme et de la Halakha .*] Les Mitzvot d’homme à homme sont aussi importantes que celle entre l’homme et Dieu. « Eloigne-toi de la fausseté » (Exode23 :7) est aussi important que « Souviens-toi du jour du Shabbat pour le sanctifier » (ibid20 :8) [*Payer des Impôts est aussi important que s’asseoir sous la Souccah. Honorer son père et sa mère est aussi important que respecter la Casherout.*]
Notre attitude face à des parents atteints de la maladie d’Alzheimer est aussi importante que notre attitude face à l’étude de la Tora (p43-49). Notre attitude face aux escrocs à la Charité est aussi importante que notre attitude face à l’alya (emigration en Israel).
En conclusion
Le Judaïsme Massorti est parfois décrit par ses détracteurs comme un courant labile du Judaïsme, situé entre l’Orthodoxie et les Libéraux sans idéologie bien définie. Il est évident comme nous l’avons montré plus haut que le Judaïsme Massorti est différent halakhiquement des Orthodoxes et des Libéraux. Contrairement au courant Libéral, ses vues de la Halakha concernent tous les Juifs, mais comme nous l’avons vu, il diffère de l’Orthodoxie dans le Comment et les Pourquoi de sa Halakha .
Notes
1. Ce chapitre est basé sur ma brochure Halakha for Our Time : A Conservative Approach to Jewish Law (Une Halakha pour Notre Temps : Approche Massorti de la loi Juive), New York 1991 p9-16, 29-32.
2. Cité dans Seymour Siegel, éd Conservative Judaism and Jewish Law, New York 1977 p51. Concernant les contributions du prof Ginzberg à la Halakha Conservative , voir David Golinkin ed The Responsa of Professor Louis Ginzberg, Jerusalem et New York 1996.
3. The Condition ofJewish Belief Northvale, New Jersey 1995 p 109-110.
4. Elliot Dorf Conservative Judaism : Our Ancestors to our Descendants New York 1977 p111-112.
5. Solomon Schetcher, Studies in Judaism, First Series, London 1896 p XVII-XVIII
6. Harold Kushner, To Life Boston, Toronto, London 1993 p51-52.
7. David Golinkin in idem, ed Responsa of the Va’ad Halakha of the Rabbinical Assembly of Israel. Vol6 (5755-5758) p81-90 en Hebreu.
Responsa du Mouvement Massorti
Il existe une abondante littérature halakhique et de bombreuses décisions ont été prises. Voici où vous pouvez en lire.
En anglais
http://www.rabbinicalassembly.org/l...
En anglais et en hébreu. Ils montrent parfaitement le sérieux de la démarche du mouvement Massorti .
http://www.responsafortoday.com
En français :
Nous efforçons de mettre en ligne sur ce site des Teshouvot en français.