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La grandeur du rassemblement des exilés.

La grandeur du rassemblement des exilés.

Parashat nitsavim -

"Et l’Eternel reviendra avec ton retour et il te prendra en pitié, et il reviendra et il te réunira de parmi toutes les nations où l’Eternel ton Dieu t’avais dispersé là-bas" (Deutéronome, 30, 3).

Alors que nous nous trouvons presque à la fin du long discours de Moïse adressé à la génération qui va rentrer en terre d’Israël, Dieu, par son intermédiaire, renouvelle son assurance : certes, les circonstances et le mauvais comportement du peuple d’Israël pourront amener, comme punition ultime, sa dispersion aux quatre coins du monde. Mais, même en pareil cas, cette dispersion ne sera pas définitive, et elle sera suivie d’un retour du peuple sur sa terre, signe de cette alliance historique et éternelle promise par Dieu.

Cependant, en y regardant de plus près, notre verset est problématique quant à l’action de Dieu lui-même. En effet, le verbe "revenir" employé pour l’Eternel est au mode de l’action directe "reviendra" (shav), et non au mode de l’action indirecte "il fera revenir" (héshiv). Voici comment le grand commentateur Rashi   explique cette difficulté : "Il aurait du écrire "Et il fera revenir ton retour...", nos maîtres ont appris de là que c’est comme si la présence de Dieu était plongée elle-même avec Israël dans les affres de la dispersion, et que lorsqu’ils sont délivrés il s’impose à lui-même cette délivrance pour revenir avec eux. Et l’on doit affirmer encore que c’est un grand jour que celui du rassemblement des exilés, et qu’il se fait dans la difficulté, comme si lui-même (Dieu) devait prendre par la main chacun depuis l’endroit où il se trouve".

Nous apprenons de là nombre de notions de bases en ce qui concerne la dynamique de "l’exil et du retour" qui se trouve au centre de la conception théologique juive. Lorsqu’Israël est en exil, Dieu ne l’abandonne pas, mais l’accompagne et souffre avec lui dans cette période. Mais, lorsqu’Israël revient sur sa terre, Dieu l’accompagne à nouveau et participe lui-même de la délivrance. Cette participation est active, car Dieu doit comme aller chercher chaque Juif, le prendre par la main et le tirer pour le faire revenir en Israël. Pourquoi ce "rassemblement des exilés" se fait-il "dans la difficulté" ? C’est que, malgré toutes leurs affirmations, à travers les prières quotidiennes, sur l’espoir dans le "retour à Sion", les Juifs ont pris l’habitude de la dispersion. A travers les siècles, ce qui devait être une situation anormale est devenue la normalité à l’aune de laquelle nombre de Juifs mesurent leur situation.
Dans un ouvrage qui vient de paraître, le sociologue Erik Cohen   montre qu’en ce début du 21e siècle, plus de 60 % des Juifs de France n’ont aucune intention de "revenir" en Israël !

Cela nous explique pourquoi Dieu est obligé de se décarcasser et de travailler dur, pour venir chercher chacun et le convaincre de revenir avec lui. Il nous semble cependant qu’il faut ici distinguer deux catégories parmi ces "réticents". D’un côté, certains ont développés une identité juive détachée de nombre de fondements de la tradition. Intégrés dans les pays de la dispersion, ils ne rejettent pas l’idée d’un Etat d’Israël destiné à ceux qui font le choix d’une identité juive vécue de manière particulariste, mais ils ont fait, eux, le choix d’un universalisme qui a transformé l’exil en une dispersion dorée et sans retour. Il y a là, on le sent, une rupture avec la tradition de la Torah telle qu’elle apparaît dans notre parasha  , mais ils assument pleinement cette rupture au nom de l’évolution du Judaïsme telle qu’il la considère. Sans être en accord avec cette logique, elle nous paraît cependant honnête dans sa démarche d’attachement au pays où ils sont nés.

La deuxième catégorie est, elle, beaucoup plus problématique. C’est celle des soi-disant défenseurs de la tradition juive qui, au nom de la défense de cette tradition, la trahissent et refusent de considérer les faits historiques et l’actualité. Comme disait le psalmiste : "ils ont des yeux et ne peuvent pas voir". Depuis plus de 100 ans, ce qu’écrivait Rashi   au milieu du Moyen-âge est en train de s’accomplir. Peu à peu, le rassemblement des exilés s’accomplit, avec difficulté, certes, mais avec opiniâtreté, comme si Dieu lui-même allait chercher chacune et chacun, peu à peu. Près de la moitié des Juifs du monde sont rassemblés là où ils n’étaient que poussière à la fin du 19e siècle.

Mais cette sorte de Juifs, enfermés dans leurs microsociétés ghettoïsées et dans des raisonnements théoriques qui refusent toute confrontation avec la réalité de la vie, a oublié non seulement notre verset et son commentaire par Rashi  , mais également l’injonction qui se trouve à la fin de la parashat nitsavim : "tu choisiras dans la vie". Souhaitons à Dieu beaucoup de courage car pour sortir ces Juifs de leurs raisonnements hérités d’un monde disparu et mort, il devra se confronter avec des difficultés très grandes.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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