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Un saoudien se confronte à la Shoa

Un saoudien se confronte à la Shoa

Voici un extrait des réflexions sur son système éducatif par un intellectuel musulman confronté à la réalité de la Shoa.

Dans un article paru le 24 octobre 2011 sur le site arabe progressiste Aafaq, le journaliste Mansour Al-Hadj évoque la façon dont la Shoa lui a été enseigné quand il était enfant en Arabie saoudite, avec un programme scolaire ne faisant pas allusion à une extermination systématique et encourageant l´hostilité à l´encontre des Juifs et des non-musulmans.

Estimant que sa visite guidée du Musée du mémorial de l´Holocauste à Washington D.C. lui a ouvert les yeux, il considère que c´est un devoir pour chacun de transmettre à ses enfants le récit de cette période sombre de l´histoire, ainsi que l´extermination systématique qui l´a caractérisée, avilissante pour l´humanité toute entière, afin de créer un monde meilleur basé sur la tolérance, la compréhension et le respect mutuel.

Extraits publié par le site MEMRI : (1)

"Enfant dans le Royaume d´Arabie saoudite… [J´apprenais que] des tueurs de prophètes avaient été maudits par Allah, transformés en singes et en porcs, que notre destin serait de les abattre dans une bataille à venir"

"Enfant en Arabie saoudite, j´entendais souvent parler de l´Holocauste perpétré contre les Juifs par le régime nazi en Allemagne pendant la Seconde guerre mondiale. Toutefois, ce que j´en entendais dire en général, c´est que les Juifs avaient grossi le nombre des victimes, qu´ils se servaient de l´Holocauste pour susciter la pitié du monde, et qu´ils avaient incontestablement mérité leur sort.

On ne m´a jamais appris que l´Holocauste était l´un des épisodes les plus atroces de l´histoire humaine, que le fait de persécuter [les Juifs] sur la base de leur identité religieuse était une forme de discrimination religieuse. Je ne ressentais aucune empathie pour les victimes de l´Holocauste, malgré l´atrocité des épreuves endurées – tout simplement parce qu´elles étaient juives.

Le terme ["Juif"] était associé dans ma tête aux caractéristiques négatives de fourberie, hostilité, racisme, mesquinerie et absence de parole. [J´apprenais que] des tueurs de prophètes avaient été maudits par Allah, transformés en singes et en porcs, que notre destin serait de les abattre dans une bataille à venir – au cours de laquelle, selon la prophétie de Mahomet, même les arbres et les pierres diraient : ´Ô musulman, ô serviteur d´Allah, il y a un Juif derrière moi, viens le tuer !´ Le réputé prédicateur et directeur de l´Union internationale des savants musulmans, Youssef Al-Qaradhawi, a fait allusion à cette [bataille finale] dans un éloge aux mesures hitlériennes relatives aux Juifs, qualifiées par lui de ´châtiment divin´. Il a souligné que les musulmans feraient aux Juifs exactement ce qu´Hitler leur avait fait, disant : ´Si Allah veut, la prochaine fois [que cela arrivera], ce sera par la main des croyants.´ (1)

En grandissant, je n´ai pas beaucoup évolué dans mes sentiments : j´étais indifférent, je minimisais l´horreur des événements, j´estimais que les Juifs avaient eu ce qu´ils méritaient en raison de leur corruption et de leur arrogance. Tout cela jusqu´au jour de ma visite au Musée de l´Holocauste dans la capitale américaine de Washington, où j´ai eu l´honneur de rencontrer l´un [des responsables du musée], qui m´a fait la visite guidée du musée en me fournissant des explications détaillées sur l´Holocauste.

Pour la première fois, j´ai réalisé à quel point j´étais ignorant de l´horreur de cet épisode qui avait frappé les Juifs, lesquels étaient des citoyens ordinaires avec des droits égaux aux autres, menant des vies normales, jusqu´à ce que les nazis arrivent au pouvoir.

Errant à travers les couloirs du musée, je me suis rappelé un cours auquel j´avais assisté au collège, qui portait sur l´extermination de la [tribu] juive de Banu Qurayza (2). L´un des Compagnons du prophète Mahomet, Saad bin Mudah, avait donné l´ordre de tuer les hommes, de capturer les femmes et de prendre l´argent des Juifs – et le Messager avait approuvé ce décret, le qualifiant de ´décret d´Allah pour [la tribu des Banu Qurayza]´. A l´époque, les élèves que nous étions n´avaient rien trouvé à redire, ni même demandé pourquoi une tribu entière devait être exterminée pour la mauvaise conduite de quelques-uns de ses membres. Ce décret ne nous semblait aucunement injuste.

[Notre attitude] peut s´expliquer par le fait que les auteurs du programme scolaire saoudien ne disent rien du fait que les fours crématoires d´Hitler sont considérés comme un crime. Il n´y a pas de différence essentielle entre ce que le Messager de l´islam a fait à la tribu de Banu Qurayza et ce que les musulmans se préparent à faire aux Juifs à la fin des temps, dans cette bataille [finale] prévue. [Notre attitude] peut aussi s´expliquer par le fait que l´Arabie saoudite a plusieurs fois refusé d´obtempérer face à la demande du Département d´Etat américain d´inclure l´Holocauste au programme scolaire, lequel incite toujours à la violence, à la haine des non-musulmans en général et des Juifs en particulier.

Le manuel scolaire de Terminale Etudes sur le monde islamique (édition 2006-2007) souligne que le conflit entre Juifs et musulmans est inévitable et insoluble. On peut y lire : ´Quiconque étudie la nature du conflit entre les musulmans et les Juifs comprend une chose importante : il s´agit d´un conflit religieux, non d´une controverse politique ou nationale, ou un conflit opposant races ou tribus, ou un combat pour al terre et le pays, comme le disent certains. Il s´agit d´une hostilité profondément enracinée, d´un conflit entre la vérité et le mensonge, entre le monothéisme et le polythéisme, entre l´hérésie et la foi. Cette hostilité entre nous et les Juifs ne cessera en aucun cas, à moins que ne se produise l´une des deux choses suivantes : soit ils adhèreront à notre religion et deviendront musulmans, soit nous abandonnerons notre religion, que Dieu nous en préserve… Une fois que nous aurons compris l´essence du conflit, que cette hostilité ne peut prendre fin, nous comprendrons à quel point ceux qui prônent la résolution du conflit se fourvoient.´ (p. 91)

C´est ce que j´ai appris et ce qu´apprennent tous les musulmans qui arrivent en Arabie saoudite de tous les coins du monde. Qui plus est, le Royaume exporte ces notions à travers le monde, exploitant son statut de centre religieux et de foyer des Deux lieux saints [la Mecque et Médine], ainsi que ses importantes capacités matérielles et l´ignorance des peuples musulmans. Il fait construire des écoles, leur fournit son propre programme scolaire et ses enseignants, accorde des bourses à des milliers de [jeunes] musulmans pour qu´ils puissent étudier la Charia et l´islam – mais pas les autres matières – dans les universités saoudiennes. Et quand ils rentrent dans leurs pays d´origine, il les embauche dans les organisations islamiques saoudiennes locales…

A l´entrée [du musée de l´Holocauste] se trouvent des centaines de brochures fournissant des détails sur tel homme ou femme victimes de l´Holocauste, qui étaient des citoyens comme tous les autres Européens : des gens qui étudiaient, travaillaient, plantaient, jouaient… Certains étaient religieux et d´autres pas…

[Mon guide] m´a expliqué que le parti nazi voulait permettre aux Allemands de se remettre de la frustration de la défaite de la Première Guerre mondiale en restaurant la splendeur et le pouvoir [passés]. A cette fin, il a lancé sa propagande de pureté raciale de la race aryenne, rejetant les autres races.

Ce qui m´a le plus frappé, c´est que la société allemande ait pu développer une telle hostilité à l´encontre des Juifs, certains rapportant qu´ils avaient des voisins juifs, seulement trois ans après l´arrivée des nazis au pouvoir.

Je n´avais aucune idée de la façon dont les Allemands avaient coopéré avec les autorités [nazies] pour discriminer les Juifs. On me dit que la situation économique a joué un rôle, que le parti nazi avait interdit aux Juifs l´accès à plusieurs professions, comme le droit, la médecine, l´éducation…

Cela me fit penser à la politique de ´saoudisation´ encouragée par les autorités saoudiennes dans le Royaume pour résoudre le problème du chômage ; elle dépeint les étrangers comme cherchant à piller les ressources du pays et comme la cause du chômage : une politique qui a accru la haine des étrangers, notamment chez les jeunes au chômage.

L´inventivité des Allemands et leur précision dans le travail, les documents rassemblés et leur classification aident à garder [la mémoire] des agissements atroces perpétrés par le régime nazi. J´ai été surpris par les mécanismes mis au point dans le but de répertorier le nombre, la classe, les dimensions, le poids, l´âge et les maladies des Juifs. J´ai été également surpris d´apprendre que le régime obligeait les Juifs à marquer leur bras et leur buste afin de les distinguer, et qu´il les avait parqués dans des quartiers spéciaux.

Sur une photo, j´ai pu voir que le ghetto dans lequel les Juifs avaient été transférés se trouvait sur la route menant à la ville : les passants pouvaient ainsi assister jour après jour à la misère des Juifs. Je me suis tout de suite souvenu que le second calife, Omar bin Al-Khattab, avait aussi forcé les Juifs à se distinguer des musulmans par leur habillement.

Le régime nazi a commis un grand nombre d´atrocités ainsi que plusieurs expériences médicales sur les Juifs. Il a en outre stérilisé les enfants nés de couples mixtes.

Dans ce musée, j´ai pu voir un exemple de camp de concentration où les Juifs étaient envoyés, en attendant leur extermination, et des exemples de chambres à gaz… Mais ce que je garde en mémoire, ce sont ces photos de milliers de Juifs de tous âges, résidents du même village, revêtus de leurs plus beaux habits, avant l´Holocauste : un jeune homme et sa petite amie, une famille composée d´un père, d´une mère, de frères, d´un grand-père et d´une grand-mère, des gens en tenues de travail : un médecin, un soldat, un ouvrier d´usine, un enseignant, un menuisier, un forgeron…

A la fin de la visite, j´ai vu les photos et lu les noms de héros européens qui avaient risqué leurs vies pour sauver des vies juives, les abritant chez eux, leur donnant de quoi manger et s´habiller.

"c´est une grave erreur de nier, minimiser ou justifier l´horreur ou l’Holocauste"

De ma visite dans ce musée, j´ai appris que ce qui est arrivé aux Juifs est une tragédie humaine dans le sens fort du terme, que c´est une grave erreur de le nier, d´en minimiser l´horreur ou de la justifier, et que tous doivent œuvrer de concert afin que cela n´arrive plus jamais, à aucun peuple au monde. Nous sommes tous des êtres humains, et nous avons le devoir d´enseigner l´Holocauste à nos enfants, ainsi que les autres crimes d´extermination qui déshonorent l´humanité. Nous devons encourager nos enfants à œuvrer pour un monde meilleur, où tous les êtres humains connaîtront la tolérance, la compréhension mutuelle et le respect, quelle que soit leur race, leur couleur, leur religion ou leur foi."

(1) Voir MEMRI TV Clip No. 2005, "Sheik Yousuf Al-Qaradhawi : Allah Imposed Hitler upon the Jews to Punish Them - "Allah Willing, the Next Time Will Be at the Hand of the Believers," January 28-30, 2009, http://www.memritv.org/clip/en/2005.htm .

(2) Tribu juive qui vivait sur la péninsule Arabique au 7ème siècle. Les membres de la tribu furent expulsées ou tuées par les forces musulmanes.

Le site MEMRI : "The Middle East Media Research Institute" mérite vraiment à être connu et publie un nombreux matériel en langue anglaise, mais aussi en français. http://www.memri.org

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