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25.Dossier Faurisson/Dieudonné

25.Dossier Faurisson/Dieudonné

D’un discours paranoïaque ou la forclusion de Faurisson -

Derrière l’aspect pitoyable et affligeant des deux personnages et de leur public hilare, se cache un vrai syndrome psychanalytique. Analyse lacanienne des tristes sires...

Voici le lien qui permet de visualiser l’extrait filmé, de cette maintenant médiatique mise en scène lugubre de Dieudonné gratifiant Faurisson :

http://www.dailymotion.com/relevanc...

Préambule :

La thèse que nous allons défendre ici, c’est que le spectacle qu’il nous est donné à voir dans cette vidéo, témoigne, au sens psychanalytique du terme, d’un discours paranoïaque de Faurisson. L’exposition, c’est à dire la scène perverse qu’offre Dieudonné ne sera pas analysée, mais uniquement prise en tant que con-texte du texte troué de Faurisson. C’est ce dernier qui après tout, porte la parole délirante de cette médiocre mascarade.

Nous pourrions, pour soutenir cette structure paranoïaque de tous ses discours, évoquer le point de certitude autour duquel Faurisson a toujours construit ses théories. Quelles que soient les preuves matérielles qu’il pourrait rencontrer (photos, vidéos, bâtiments, témoignages, papiers administratifs, ordres militaires écrits, témoignages, etc..) il persiste en effet à n’y voir que du mensonge. Le Monde entier le trompe. Voici déjà un bon indice de psychose paranoïaque qu’il nous serait peut-être possible de démontrer à partir de ses écrits et autres dits. Toutefois, ce n’est pas du tout ce qui sera cette fois-ci composé.

Effectivement, nous allons pour ce travail nous autoriser à dépasser les nécessités empiriques, voire à outrepasser la déontologie clinique qui nous oblige à ne développer qu’à partir d’expériences données. Ce procédé serait de toutes façons caduque puisque tout le problème qui se poserait alors, c’est que si nous avons des dits, il nous manque manifestement le Dire.

Par conséquent, nous verserions dans une psychanalyse sans sujet, sans analysant, ce qui serait une absurde imposture de la pensée. Ainsi, c’est uniquement le discours qui sera ici traité même si nous ne le séparerons pas de son énonciateur. Par ailleurs, il nous est éthiquement nécessaire de préciser ici, que la démonstration de la paranoïa du discours de Faurisson, n’enlève rien à sa culpabilité. « Nous sommes (même) responsables de nos rêves » disait Freud.

Ce que le fondateur de la psychanalyse annonçait à partir de 1925 et à sa suite ce que Lacan va défendre, c’est qu’en effet : l’inconscient est libre, l’inconscient choisit. C’est-à-dire que Ça choisit arbitrairement l’attitude à adopter face à la castration (refoulement ou forclusion), et Ça choisit également la chose qu’il refoule ou forclos. Or, si l’Inconscient est l’authentique identité de tout individu pour la psychanalyse, cette liberté fait de l’homme un être sans excuses et pleinement responsable. Aux yeux de la psychanalyse, Faurisson demeure par conséquent responsable de sa parole délirante, aussi psychotique soit-elle.

Introduction :

Dans cette vidéo, Faurisson devient Palestinien face à une foule exultante. De l’antisionisme à l’antisémitisme, la frontière est particulièrement trouble dans cet "happening" médiatisé. L’antisionisme que Dieudonné expose, tient dans cet épisode, lieu de scène sur laquelle un Négationniste peut délirer. Si l’antisionisme de Dieudonné inquiète, c’est parce qu’il n’a justement rien de politique, ni même rien de réellement idéologique en son fond. Il y a du prétexte dans cet antisionisme. Mais surtout, Il y a une passion débordante, dégoulinante, dérapante, qui est manifestement suspecte. Le Négationniste invité pour surfer sur la scène de l’antisionisme suspect de Dieudonné, porte dans cette vidéo, une parole qui toute entière tient sur un non-dit : Le "Juif". L’objet (a) cause de ce délire, le phallus absent, forclos de ce discours insensé, c’est : « Juif ». Mais n’étant pas dit, il n’en est que plus réel.

La question qui nous servira de fil d’Ariane tout au long de ce texte, c’est à dire la problématique même de cet article est : Pourquoi, puis comment ce délire paranoïaque s’est-il fondé autour du signifiant « juif » ?

Nous allons donc, à l’aide de la théorie psychanalytique, tenter dans une première partie de comprendre ce qui fait tant passion autour du signifiant « Juif » dans notre Société. Une passion qui parle à partir d’une des places les plus occupées de l’Occident soit : Le refoulement social et collectif de la culpabilité de l’Holocauste.

Dans un deuxième temps, nous examinerons de quelle façon, en éliminant purement et simplement le signifiant « Juif », le discours de Faurisson fonctionne en psychose paranoïaque qui se manifeste en un délire de persécution où "le juif est par-tout".

 I) Première partie :

Pourquoi « juif » ? Pourquoi ce signifiant plutôt qu’un autre ?

Parmi ses multiples ob-jets aimés, l’Autre occidental adore les martyrs. Cette adulation se retrouve dans le christianisme pris en tant que mythe fondateur de l’Occident, qui se structure sur le sentiment de culpabilité de la souffrance et de la mort du Christ. Ajoutons à cela, la culpabilité de son histoire colonisatrice, et voilà l’Occident qui perpétue son militantisme amoureux de l’opprimé. C’est même ce militantisme en question qui constitue son identité en politique étrangère. En sublimant et en aimant la victime, nous renversons du même coup notre culpabilité. Ainsi l’Occident perpétue sa vieille histoire portée par la figure du martyre.

Par ailleurs, il y a dans toute collectivité ce que l’on peut appeler une hystéricisation. L’hystérie est cette structure qui sans cesse clame sa douleur, de ne jamais être suffisamment reconnue, suffisamment aimée. Victime devant l’autre, victime pour l’autre, victime de l’Autre. La place hystérique participe alors entièrement au symbole du "martyr" qui est donc déjà un des signifiants les plus appréciés de l’Autre.

D’autre part, des siècles de christianisme se sont fondés sur le refoulement de son support judaïque. Le retour de ce refoulé fut plusieurs fois douloureux dans l’Histoire.

Mais à cela il faut hélas ajouter, un second événement impossible à assumer : la Shoâh. Cette culpabilité est insurmontable. Abjecte responsabilité qu’il fallut passer sous silence. Ce n’est pas l’événement qui est oublié, c’est la responsabilité, la culpabilité de cet Holocauste. Nous avons donc autour du signifiant « Juif » le refoulement du support judaïque dans la fondation de l’Occident par la chrétienté d’une part ; et le refoulement de la responsabilité de la Shoâh d’autre part. Avec ce double refoulement, le cadavre devient beaucoup trop grand pour le placard de la culpabilité. Rappellons tout de même que le sentiment de culpabilité suppose toujours déjà l’idée pure et apriorique du Bien. Comme Lacan nous le rappelle dans Télévision : « Ce n’est pas le mal, mais le bien, qui engendre la culpabilité ». Il faudra donc rapidement retrouver les bons sentiments. Et c’est alors l’ex-position, l’offre sacrificielle sur la place publique d’un martyr exemplaire, une nouvelle idole morte pour les péchés de l’humanité : « le juif déporté ». Par la représentation de l’Holocauste, le déporté, victime suprême, vole la vedette. Il occupe une place que nombre de personnes saines et malsaines, juives et non juives, philosémites et antisémites désirent hystériquement occuper tant elle fait icône de « martyr » et donc, d’opprimé aimable…

Le signifiant « Martyr » est alors métonymiquement associé par l’Histoire Occidentale moderne au signifiant « Juif ».

Ainsi, nous comprenons qu’à l’aide de l’association du signifiant "Juif" au signifiant "Martyr", l’Occident voile le trou qu’a laissé le refoulement de sa culpabilité.

Quiconque fabriquera en revanche une représentation différente, voire inverse, du signifiant "juif", se heurtera à de violents et passionnés retours du refoulé. Retour qui chez certains, se traduit aujourd’hui aisément par un nouveau glissement sémantique de l’antisémitisme : l’Antisionisme.

Une question s’impose alors, pourquoi y a t il une telle passion pour les symboles ?

Quel est l’enjeu psychanalytique que présentent les symboles forts d’une société pour un individu qui en est issu ?

Castré par le langage, l’homme est un être de désir qui se cherche sans cesse dans le désir de l’Autre. « Le désir de l’homme trouve son sens dans le désir de l’autre. » Lacan, Ecrits. A l’instar de la névrose hystérique, il faut s’escrimer perpétuellement à devenir ce que l’Autre aime. Être désiré, vouloir être aimé, absurdité de l’existence. Tel Sisyphe, nous tentons inlassablement d’incarner le signifiant que l’Autre désire. Mais si par définition la logique du désir suppose une perpétuelle insatisfaction, c’est alors une éternelle complainte que chante la quête inexorable de l’hystérique. Si devenir « Martyr » permet d’incarner un signifiant aimé de l’Autre, c’est donc un symbole hystérique qui est célébré dans le culte de ce signifiant.

Ainsi, les symboles forts d’une société appellent à l’identification du sujet.

Il n’existe toutefois pas qu’un seul signifiant pour se définir soi-même. Il y en a plusieurs, et ce n’est qu’en les associant qu’on obtient une signification. Ainsi, parmi les infinies associations métonymiques possibles du langage, le signifiant « Martyr » s’il prend pour binôme le signifiant « Juif », renvoie à la dérangeante Shoâh. Par conséquent, lorsque l’on s’identifie au symbole du martyr, il y a une ‘’vedette’’ symbolique gênante qui peut toujours, sans que l’on s’y attende, et même dans des lieux aussi improbables qu’un spectacle de Dieudonné, resurgir : le déporté de l’Holocauste.

D’autre part, en plus d’un symbole supposé aimé, encore faut-il qu’il y ait de la place pour s’inscrire. Or, c’est le supposé désir de l’Autre pour tel ou tel signifiant qui motive l’identification d’un sujet à tel ou tel symbole. Ainsi, C’est au lieu du désir de l’Autre, porté sur un signifiant, que l’on s’inscrit dans le Monde-Autre. Toutefois, n’y voyons pas là une garantie, l’absurdité de la condition humaine est que cette place qu’elle occupe est in-stable, ex-tatique…

Mais pour le comprendre, arrêtons-nous un instant sur cette logique structurelle du langage.

Pour exister devant une autre conscience en tant qu’être pensant, il faut pour cela s’objectiver à l’aide d’un représentant, un mot par exemple. Remarquons au passage, que la subjectivité, la Pensée que nous sommes, n’est pas présente en tant que telle dans la parole, puisqu’elle est chosifiée par une représentation. Ce n’est pas ma conscience qui par exemple s’écrit sur cette feuille, c’est son représentant, son mot : « conscience ». C’est déjà ça la castration de l’existence, c’est le fait que l’on n’apparaît jamais entièrement, l’on est seulement représentés au sein du seul média que nous avons avec l’autre : le langage. Ainsi, l’Hystérie qui sans cesse "clame sa douleur, de ne jamais être suffisamment reconnue" disions-nous précédemment, symbolise alors l’impossibilité d’Être en tant que tel si l’on veut exister devant l’autre. Impossible fusion avec l’autre : "Il n’y a pas de rapport sexuel" nous disait Lacan, L’Etourdi. Paradoxalement, cette représentation de la conscience est la seule condition d’apparition et par conséquent : la seule condition d’existence reconnue qu’il nous est donné. Le désir de reconnaissance que nous portons tous ne peut donc qu’être perpétuellement insatisfait et ainsi, sans cesse relancé. Par ailleurs, la représentation signe à la fois la naissance figurée du sujet, et ce, dans le même temps que sa "mort" propre. C’est alors toujours amputés, castrés de notre être que nous ex-sistons pour l’Autre.

Plus encore, en recherchant dans le code lexical qu’une langue constitue, se trouve un signifiant : « Je » qui est sensé définir le mot du sujet humain. Pourtant si je dis simplement « je » devant quelqu’un, cela ne veut rien dire pour lui. Nous aurions pu essayer « conscience », cela n’aurait rien donné non plus. En revanche, « Je » associé à un deuxième signifiant tel que « suis », puis à un troisième « un », et enfin à « sujet » : « Je suis un sujet » fait sens. Cette association permet rétroactivement, au premier signifiant « je », d’avoir enfin une signification et de devenir ainsi un mot sensé. Il faut donc toujours un autre signifiant pour que le premier prenne sens : « Un signifiant est toujours pour un autre signifiant » nous dit Lacan, Ecrits.
Entre-deux ‘’chaises’’, ex-sistant, nous ne sommes qu’un « pour-un-autre ». Autrement dit, l’homme pétrit par le langage, n’ex-siste que dans l’interstice des signifiants de l’Autre. Autant dire que nous faisons énigme pour le monde du sens. D’une certaine façon, c’est donc déjà soi-en-tant-que-telle qui fait absence en l’Autre. Par le dévoilement de la représentation du sujet, l’être se voile du même coup pouvons nous remarquer. Cette dialectique de voilement/dévoilement qui appartient à toute manifestation, Heidegger la nomme Vérité, du vieux mot grec : Aletheïa. La vérité est donc une affaire de voilement/dévoilement ; négativité/positivité, mais nous y reviendrons.
Ainsi, à cause de la logique différentielle du langage, l’Autre n’a pas « Le signifiant » unique qui suffirait à lui tout seul à répondre entièrement au « Que suis-je ? » du sujet qui lui permettrait d’être tout entier reconnu. Il lui manque donc le Phallus, signifiant suffisant, signifiant totalisant, signifiant suprême, signifiant mythique…

En revanche, ne nous trompons pas, ce manque n’est pas évident pour l’homme. Son existence dynamique, le fait d’être toujours en pro-jet trahit aussi la tentative d’oubli du manque. Tout le paradoxe de l’existence est donc que notre fuite constitue le moteur même de notre vie. Mais pour fuir, encore faut-il éprouver un danger. Ceci est la preuve que, malgré ses vaines tentatives pour oublier, l’homme sait très bien au fond de lui-même, ne serait-ce qu’inconsciemment, qu’il manque non pas de ‘’quelque chose’’ comme il essaie de s’en convaincre dans sa fuite, mais qu’il manque par essence. L’inconscient est le berger de cette Vérité, le gardien de l’empreinte affective que l’angoisse existentielle de la castration laisse traîner derrière elle.

D’autre part, savoir que l’on manque, c’est sur le plan conscient, signer l’émergence du Désir humain nous expliquait Spinoza dans l’Ethique, et le « Le Désir est l’essence de l’homme », rajoutait-il dans ce même ouvrage. Le Désir est l’essence de l’ex-sistence, rajoutons nous ici…
Ce qui fait donc toute la grandeur de cette angoisse, c’est comme nous venons de l’apercevoir, qu’elle constitue le moteur même de notre quête de sens, de notre quête d’amour, soit : de notre insatiable Ex-sistence. Parce que nous ne voulons pas assumer cette angoisse existentielle, nous versons alors tous, dans un jeu de dupe, qui consiste à nous faire croire que ce qui nous manque existe quelque part, ailleurs, Autre part, dans l’autre aimé, dans le Savoir, dans la reconnaissance sociale, chez Dieu, etc... En somme, cette duperie consiste à se mentir à soi-même en se faisant croire que l’Autre ne manque pas et qu’Il possède ce qui nous comblerait. Ainsi, à l’instar du "menteur" que Sartre définit dans le chapitre de "la mauvaise foi" de l’Etre et le Néant, nous connaissons la douloureuse vérité que nous cachons. Le menteur qui se trompe lui-même pour cacher la vérité qu’il possède, c’est le névrosé qui refoule, l’ignorant sincère, ou plutôt, le négateur certain, c’est le psychotique qui forclot. Malheur toutefois à celui qui ne veut rien en savoir de la Vérité.

« Les non-dupes-errent » disait Lacan,, Séminaire XXI. Ne pas rentrer dans ce jeu de dupe condamne à l’errance de la Psychose, alors que l’assomption de cette duperie, partage et accepte l’héritage du "Nom-du-Père", c’est à dire, partage l’héritage symbolique que porte la loi castratrice langagière du Monde.

Ainsi, nous comprenons que ce qui fonde la positivité de l’existence repose paradoxalement sur un jeu de dupe qui est une négation du manque.

Cette dialectique existentielle dont la mécanique est ce ‘’va et vient’’ entre négativité/positivité et que Hegel appelait du terme Allemand Aufhebung, la psychanalyse la nomme : Dénégation.

Dans l’article Die Verneinung (Dénégation), Freud nous disait en effet que la négation d’une négation (ici le rejet d’un refoulement) se traduit logiquement par une affirmation. La Bejahung, c’est l’affirmation positive qui découle d’une double négation. Par exemple, un déni est une forme négative d’un propos. Paradoxalement cette négation est farouchement affirmée comme une idée fixe par le sujet, par exemple : « Ma mère ne manque pas ! » ou encore, « Cette personne dans mon rêve, ce n’est pas ma mère ! ».

Ainsi, le refoulement qui est une première négation inconsciente, se manifeste par une seconde négation : la phrase négative, et permet ainsi un retour moins agressif, et surtout conscient du refoulé, dans une affirmation positive. Toutefois, si la dénégation est l’aveu d’un refoulement, sur le versant psychotique, le déni, bien plus radical et absolu qu’un simple jeu de dupe, est l’aveu d’une forclusion. Faire comme si ça n’avait pas du tout existé, qui est l’attitude du Négationnisme, est le propre de la forclusion et participe du déni. Le Négationnisme est donc un discours de type psychotique paranoïaque qui se fonde positivement sur un déni radical. Ainsi, le discours de Faurisson trahit sans aucun doute la trace du déni psychotique.
Autre exemple de Verneinung/Bejahung qui représente le fondement même de toute existence humaine : le Fantasme. Un Fantasme au sens psychanalytique, c’est toujours une affirmation positive, pourtant basée sur une double négativité, un double manque, que Lacan traduisait dans le Séminaire XI par « Le manque du sujet recouvre le manque de l’Autre ». L’hystérie qui structure la condition humaine et que Lacan traduit par « le désir du désir de l’Autre » fonctionne donc comme un absurde Fantasme où son propre manque puisse recouvrir le manque de l’Autre.

Ceci se vérifie encore parfaitement dans l’une des plus vive motivation de l’existence : le fantasme de l’amoureux que Lacan traduit par « offrir à quelqu’un qui n’en veut pas quelque chose que l’on n’a pas. » Séminaire XIX. Voilà ce qui nous fait tenir-au-monde : la duperie, la dénégation, le Fantasme.

Ce présent exposé théorique vient de nous apporter une clef essentielle pour la suite, il nous permet de saisir en effet tout l’enjeu qui se joue autour de la réaction qu’un sujet peut avoir face à cette castration, et par conséquent de dévoiler ce qui nous permet d’affirmer la psychose du discours de Faurisson. Il y a donc deux types de réactions face au désir de l’Autre : l’une est le Refoulement, et c’est le cas de la Névrose, et l’autre est la Forclusion, et c’est le cas de la Psychose. Le sujet névrosé qui est l’attitude dite "normale", sait au fond de lui que le signifiant-supposé-aimé à l’aide duquel il s’est inscrit, ne voile pas réellement le manque de l’Autre, il fantasme, il se dupe. Alors que la Psychose, qui est une attitude délirante, est dans une certitude absolue, elle forclos le manque. Pour la Psychose, ni elle, ni l’Autre ne sont castrés. Cette attitude comporte dans la base de son fantasme un principe plus radical qu’une simple duperie dénégatrice, c’est un déni pur et simple. Or, c’est précisément ce que nous constatons dans l’attitude du Négationnisme Historique.

Pour conclure sur cette partie théorique, nous comprenons maintenant de quelle façon et dans quel lieu le sujet humain s’inscrit :

  d’une part, à l’aide d’un signifiant supposé aimé de l’Autre,

  d’autre part, c’est au creux du désir de l’Autre qu’il s’installe avec son signifiant qui, croit-il, voile ce creux.

Plus encore, nous pouvons désormais soutenir que sous la place que nous occupons dans l’Autre, il y a logiquement Son refus du manque. Si désirer c’est en effet chercher ce qu’on n’a pas, il y a alors dans la dialectique du Désir, de la négation, du refus, du refoulement du manque. Parler du désir de l’Autre comme lieu d’existence du sujet, c’est donc évoquer cette place comme une Suture, c’est à dire comme une empreinte qui trace la marque du refoulement.

Et Ainsi, nous pouvons maintenant comprendre notre première assertion qui suppose que le refoulement de l’Autre (qui se comprend ici comme conséquence du langage et du désir) est le foyer de l’homme. Or si la culpabilité de la Shoâh fait parti d’un des refoulés de notre Autre-Occidental, c’est qu’il y a dans cet espace, une surface habitable pour le sujet...

Par conséquent, et là se trouve toute l’étrangeté, le refoulement de la culpabilité de l’Holocauste, est un accueil possible à l’identification d’un ou plusieurs individus.

Nous saisissons alors, aussi étrange que cela puisse paraître à première vue, que la place du refoulement de cette culpabilité, constitue l’identité même de beaucoup d’occidentaux. Par cette hypothèse, nous pouvons réaliser cette dégoulinante passion qui s’organise autour du signifiant "juif" en Occident. De l’antisémitisme au philosémitisme passionnel, il y aurait l’aveu d’occuper une drôle de place. Mais comme toutes les autres, nous pouvons tous l’occuper, et ce à tous moments dès lors que nous parlons, désirons et existons. Ce qui devient obscène et pathologique, c’est lorsque l’on en sort jamais tant on y jouit. Refusant cet aspect extatique de la condition humaine, la psychose participe justement de l’obscénité de jouir sclérosé sur le même lieu, et pis encore lorsqu’elle se manifeste en haine. Or, c’est justement de cette jouissance dont s’autorise le discours de Faurisson déversé sur cette étrange place, mise en scène avec perversion par Dieudonné. Maléfique sortilège, Faurisson occupe une place qu’il ne reconnaît pas....

Examinons maintenant, de quelle façon ce discours erre dans ce lieu du manque de l’Autre.

 II) Deuxième partie :

Pourquoi le discours Faurisson serait-il l’aveu d’une attitude de forclusion ?

D’abord parce que la solution du refoulement n’a pas cette radicalité et donc cette efficacité. Dans le refoulement, La Chose reste toujours en suspend, prête à bondir dans l’achoppement de la toile signifiante, et resurgit de façon symbolisée comme dans le cas du symptôme par exemple. Le sujet qui refoule héberge toujours en lui la vérité sur le manque de l’Autre, disions-nous précédemment. L’attitude normale face à la Shoâh consisterait sur le plan conscient, à au moins éprouver une gêne, un affect d’inquiétante étrangeté, du simple fait du non-sens, du trou-dans-le-monde, qu’un tel événement a laissé. Mais cette attitude normale consisterait également à éprouver ce sentiment d’inquiétante étrangeté, comme empreinte affective, tonalité, trace qu’a semée derrière lui, le refoulement de la culpabilité que nous partageons et portons en tant qu’Humanité.

Or, dans le type de discours d’un Faurisson, tout se passe comme si l’Autre n’avait rien à oublier. Il n’y a pas eu de Shoâh. Et ce qui fait toute la singularité de son propos, c’est que ceci n’est pas dit avec la mauvaise foi de l’antisémite vulgaire, qui sait d’une certaine façon, au fond de lui, qu’il ne fait que donner un prétexte, une excuse à sa frustration. Ce n’est pas non plus mis de côté, comme nous pourrions finalement tous le faire lorsque l’on est pris dans une quotidienneté oubliante. C’est corps et âme qu’il affirme son déni de la réalité. Il l’affirme même à l’aide de sa raison et des outils intellectuels qu’il utilise en artifice, il l’affirme avec la jouissance du tréfonds de son être. C’est donc sans détour symbolique, dans une obscène jouissance que le signifiant « juif déporté » est passionnément supprimé. Mais toute la stratégie inconsciente est que, grâce à ce rejet, il est alors possible d’effacer le fameux refoulement de l’Autre Occidental.

Derrière la déni qu’il s’acharne à affirmer : « il n’y a pas eu d’Holocauste », le discours de Faurisson scénarise son Fantasme : « ma mère ne manque pas, JE lui suffis pour jouir ». Maintenant, il n’y a plus de refoulement chez l’Autre puisqu’il n’y a rien à refouler. Il n’y a rien à refouler puisqu’il n’y a jamais eu de juif déporté. La non acceptation (négation) que l’Autre désire et donc refoule (deuxième négation), se traduit chez Faurisson par déni psychotique : « les juifs n’ont jamais été assassinés ! ». Il en va de son être, d’affirmer cela.

Mais il ne faut pas se tromper. L’acharnement avec lequel Faurisson se débat pour affirmer son déni de l’Holocauste, n’est pas fait pour se prouver à lui-même quoi que ce soit, comme s’il voulait en quelque sorte s’ôter d’un doute. Ce qu’il cherche n’est pas une vérité scientifique, c’est la punition de son objet (a) Juif qui le persécute.

Tout se passe en effet comme s’il attendait une ère messianique où il sera sacrifié sur l’autel de sa vérité. Sans cesse punit, sans cesse castré par la Loi des Tribunaux derrière laquelle il voit, comme partout ailleurs : le Juif . C’est alors par fidélité à la psychose que son discours appelle l’extérieur pour jouir de cette peine.

Mais au-delà de cet « insu-que-c-est », quelles sont les conséquences de cette forclusion ?

En supprimant définitivement le signifiant « juif », il y a logiquement une anomalie dans le canevas de la toile signifiante. Il y a désormais un trou nu, une dangereuse faille creusée dans l’Autre. Maintenant qu’il manque un signifiant, il n’y a plus de symbolisation possible, plus de réalité, il ne reste plus qu’un Réel impossible à maîtriser. « Ce qui est rejeté revient du dehors » nous dit Lacan, Ecrits. C’est alors par « la presse », la « politique », le « sionisme », les « médias », les « finances », « Bernard Henri Lévy », et preuve plus flagrante encore de paranoïa : c’est par « la Loi », dit-il dans ce court extrait à son vicieux complice, que son être se risque en perte. « Le Réel, c’est quand on se cogne. » Lacan, Ecrits.

Vain combat contre un Père omniprésent et bourreau, qui s’engage dans l’errance paranoïaque.

A cause de cette faille signifiante, un tel discours ne peut que s’installer hors-de-l’Autre, c’est-à-dire, hors du monde sensé. C’est donc en marge de la société, en hors-la-loi, en "gangster" dit-il, qu’il se construit un discours délirant dans l’espoir de se raccrocher au bord de ce trou.
Il va toutefois tenter de recouvrir ce gouffre. Il va même l’habiller d’un costume fraîchement importé d’ailleurs : le « Palestinien ». Il évoque un autre symbole et s’y identifie tout simplement. Ici, l’association « juif-martyr » (qui fonctionne comme le signifiant n°1) est forclose, mais cette absence se déguise et disparaît catégoriquement sous la barre métaphorique « Palestinien » (signifiant n°2). Le « Palestinien » a donc pris la place du « juif-martyr ». Cette astuce représente stratégiquement un double gain : d’une part, c’est ainsi qu’il cache sa forclusion du signifiant « juif » ; et d’autre part, en devenant « Palestinien », Faurisson ne participe plus à la culpabilité collective de l’Occident colonialiste et génocidaire puisqu’il devient lui-même la victime. Le « martyr », c’est lui. Mais le tour de force le plus original que vient confectionner le discours de Faurisson sur l’ob-scène de Dieudonné, reste l’association métonymique qui renvoie le signifiant « Palestinien » au signifiant « Négationniste ».Le Négationniste affiché et notoire nous dit : « Je suis traité en Palestinien dans mon pays ».
Palestiniens, Négationnistes, même combat ?

C’est plutôt un nouveau subterfuge qui permet un nouvel apport. Pour le comprendre il faut déduire ce qui découle logiquement de cette nouvelle assertion. Si d’un côté il y a les Palestiniens-Négationnistes, qui y a t il en face ? Le Juif ? Il a été forclos disions nous. Comment revient-il alors ?

Le discours de Faurisson va baptiser son retour : « affirma-sioniste ».
Ainsi, si vous n’êtes pas négationnistes, c’est que vous êtes « affirma-sionistes ». Le monde est maintenant divisé entre les « Négationnistes-Palestiniens » d’un côté et les « affirma-sionsistes » de l’autre. Garder la réalité historique de l’Holocauste devient donc un Sionisme.

Quiconque soutient le monde du sens, quiconque soutient la signification rationnelle de la réalité, devient un ennemi sioniste. C’est alors l’Autre en tant que porteur du sens, qui devient tout entier sioniste. Fabul-eux. La réalité, c’est elle qui délire, pas Faurisson. La réalité est une illusion, un mensonge béant, le fruit d’une doctrine falsificatrice, une gigantesque tromperie fantasme-t-il.

« Affirma-sioniste » (signifiant 2) remplace « négationnisme-nazie » (signifiant 1). C’est pas moi c’est l’Autre. Il dénie bêtement. Il dénie son propre déni négationniste, et d’ailleurs, ce sont « les autres » qui le taxent de « Négationniste » selon lui. Ainsi, en s’identifiant au « Palestinien », cette nouvelle icône importée sur la scène perverse de Dieudonné, il porte un nouveau masque, qui au fond, lui permet encore et encore, dans cette apparente légèreté faussement jouée, de nier l’Holocauste. C’est en effet le Palestinien le martyr, le juif victime n’existe plus, il n’est qu’un intrus, un envahisseur, un Colon omniprésent, un Occupant, de la place qu’il aime tant.

Le signifiant « Palestinien » jeté en pâture à la foule hystérique, permet au discours Faurisson d’errer sur le refoulement de la culpabilité de la Shoâh. Il vient soulager la foule de ce refoulement par la haine du Colon qui persécute. Car ne nous trompons pas, dans le discours d’un Faurisson, derrière le signifiant « Sioniste », il y a l’arlésienne, il y a le non-dit du signifiant « juif ». Ainsi, le nouveau Juif-Martyr, c’est Faurisson-le-Palestinien. Le Christ laissé pour mort, gisant à terre pour sauver l’humanité qui doit lui être en dette : c’est Faurisson-le-Palestinien.

Pour conclure cette partie, revenons au mécanisme de la Psychose et vérifions sa pertinence avec ce qui vient d’être ici observé. Dans la psychose, l’Autre est réduit au statut de trou, d’objet (a). Ici le trou, l’objet perdu, c’est le retrait du signifiant « juif ». Pour Schreber par exemple, l’un des cas de paranoïa les plus célèbres de la psychanalyse, Dieu était tellement partout que tout était Dieu, donc tout le jugeait, tout le persécutait. Il tentait de réorganiser le Monde en délire, afin que « tout non-sens s’annule » disait-il. Il alla jusqu’à se prendre pour la femme de Dieu dont il sera certain d’être tombé enceint(e), en-saint…A cause d’un trou creusé par le rejet d’un signifiant de l’Autre, s’aspire tout discours pour s’organiser en délire. Et dans ce discours ici traité, il y a cet abysse qui emporte en effet une procession délirante de signifiants, tous déviés de leurs contextes, et cimentés ensembles : « Palestiniens-Négationniste » qui sont les bons, « Sionisme-réalité-Historique » ou « médias-Bernard-Henry-Lévy », qui sont le Juif etc...Tout se détache du contexte sensé, tout s’éclate en délire associatif et interprétatif. Apocalypse. Tout devient effrayant. Si l’Histoire, la presse, les médias, la Loi des tribunaux, bref, si Tout est Juif, il est évident que Tout persécute Faurisson, et ce, sans aucuns congés. Son discours psychotique ressemble bel et bien au Travailleur Idéal de Marx. Jamais il ne s’arrête de s’affranchir de la l’aliénante réalité par son travail…

Pour revenir à notre observation, ce qui n’était sûrement qu’une petite absence au départ, devient une immense béance : une bouche encore plus dévorante. C’est parce que ces signifiants avec lesquels il délire, sont ceux de l’Autre, que l’Autre finit lui-même par s’engloutir tout entier, comme happé par son propre trou. Le monde est désormais morcelé entre ce gouffre, et ceux qui se tiennent au bord. Il vit au bord d’un trou qui, à l’instar du Chronos de Goya, est une bouche dévorante. Par cette coupure, le discours de Faurisson exposé sur l’ob-scéne de l’antisionisme pervers de Dieudonné, réalise leur finalement inévitable castration. Ils l’orchestrent et la mettent eux-mêmes en ob-scène. Par ce délire de morcellement, ils éprouvent enfin, et à la mode psychotique, la castration qu’ils n’ont, semble-t-il, pas vécue. Salvateur pour eux, jouissif en quelque sorte. Inquiétant pour nous.

Conclusion :

En identifiant la cause palestinienne à son idéologie, Faurisson devient un symbole de résistance dans le délire d’une guerre mondiale manichéenne qui oblige à choisir un camp. Le bon ton, le politiquement correct, la belle révolte face à l’injustice, la Vérité, la jouissance sans lois, l’Être tout entier, Tout se trouve en l’endroit du symbole « Faurisson-le-Palestinien » pour lequel il se prend. Ainsi, il se réduit lui-même au statut d’objet phallique qui, dans sa brillance de martyr, voile cette bouche immonde. Mais comme tout postiche, ce voile tient mal. En éliminant le vêtement symbolique du signifiant « juif », l’objet (a) qu’il est lui-même devenu, n’est qu’un abyssal ouragan de signifiants délirants.

Quant à la foule hystérique, du fait de ce subterfuge sémantique, elle se soulage du fardeau que partage de l’Humanité. Elle erre alors dans cette inquiétante vacance délirante. Par un discours de Faurisson sur l’ ob-scène Dieudonné, les certitudes et le morcellement du monde cicatrisent les blessures narcissiques de petites gens incultes et ratées. Le délire de deux fous colmate ainsi les plaies, d’un Zénith guignolèsque de parias abandonnés et échoués au bord d’une société moderne.

Glossaire Lacanien :

• l’objet (a) : C’est le nom que Lacan donne au manque de l’homme. « Manque-à-être » disait Lacan, « Manque d’Être » disait Sartre, manque d’essence disait Heidegger. Si par essence l’homme manque, c’est qu’à dire vrai, il ne manque de rien. Mais parce qu’incapable d’assumer son manque, la condition humaine tente de le combler en le chosifiant, c’est à dire en lui donnant un sens, un affect, une représentation, un souvenir, en l’habillant d’un revêtement symbolique ou imaginaire, ou les deux. C’est le sens que l’on pose sans cesse au vide de notre existence. La castration c’est l’angoisse existentielle que l’on éprouve face au vide ou non-sens initial de notre existence. Le prépuce perdu de la circoncision symbolique. Cette castration s’écrit (-phi) : phi qui représente le phallus, La signification absolue, La réponse totale du « qui suis-je ? » qui est absente. Absence qui est représentée par le signe (-). Aussi, c’est grâce à ce manque que l’on désire inexorablement. Ce (-phi) marque ce qui manque après le mécanisme du refoulement ou de la forclusion.

• L’Autre : C’est l’ensemble des significations qui préexistent à notre naissance. C’est le Monde face auquel nous nous subjectivons. Et ceci en sachant que le premier Autre auquel nous avons à faire c’est la Mère ou celui qui tient lieu de cette place. Or, l’Autre aussi manque. La Mère désire et tout comme le Monde, elle ne possède pas l’objet (le phallus), la signification qui en plus de nous définir, la comblerait. Si elle l’avait, elle ne désirerait pas.

• Forclusion : C’est la démarche du psychotique. Alors que le névrosé refoule, il ne fait, en quelque sorte, qu’oublier. Pour le névrosé, il y a donc la possibilité d’une réminiscence, toujours symbolisée, toujours sensée ou « sensable », grâce à un symptôme, un rêve ou un lapsus. Or, le psychotique lui, rejette, il forclos, dit-on depuis Lacan. Ainsi, le retour se fait réellement, c’est à dire par une hallucination par exemple, qui est complètement vécue comme réelle et extérieure par le psychotique.

• Signifiant : le son acoustique d’un mot par exemple, ou encore, sa graphie. Par exemple : le son du mot « signifiant » pour quelqu’un qui ne sait pas ce que cela signifie, n’est qu’un signifiant. En soi, tout mot ne signifie qu’à condition de les associer à d’autres mots, chose que je suis en train de faire maintenant. « Un signifiant est toujours pour un autre signifiant » Lacan, Ecrits. Autre exemple : imaginons qu’une image nous passe par la tête, sur le moment, cette image n’a pas encore vraiment un sens. Nous ne la signifierons que dans un deuxième temps. Et bien avant d’être analysée, cette image est un signifiant, une fois qu’on lui a collé une signification, cela devient un signifié. Un rêve par exemple comporte plusieurs images, et bien avant l’interprétation, ce ne sont que des signifiants.

Solal Zunawski

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