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« Pourquoi Sara a-t-elle ri ? »

« Pourquoi Sara a-t-elle ri ? »

« Pourquoi Sara a-t-elle ri ? » Mais pourquoi cette réprimande à l’adresse de Sara alors qu’Abraham s’est lui-aussi esclaffé à l’annonce de « l’inconcevable conception » ?

" Dieu dit à Abraham : Quant à Saraï, ta femme, tu n’appelleras plus son nom Saraï mais Sara. Et Je la bénirai, et te donnerai d’elle un fils ; elle produira des nations ; des chefs de peuples sortiront d’elle. Abraham tomba sur sa face, rit et dit en son cœur : Naîtrait-il un fils à un homme âgé de cent ans ? Et Sara âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanterait-elle ? Abraham dit à Dieu : Puisse Ismaël vivre devant toi ! Et Dieu dit : Sara, ta femme, t’enfantera un fils ; et tu l’appelleras Isaac ; J’établirai mon alliance avec lui, comme alliance perpétuelle, pour sa semence après lui. Et à l’égard d’Ismaël, Je t’ai exaucé : Je l’ai béni, le ferai fructifier et multiplier abondamment ; il engendrera douze chefs, et deviendra une grande nation. Mais Mon alliance, Je l’établirai avec Isaac, que Sara t’enfantera en cette saison, l’année qui vient.
[…]

Les visiteurs lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Elle est dans la tente. L’un d’eux reprit : Je reviendrai à toi à pareille époque, et voici, un fils sera né à Sara, ton épouse. Or Sara l’entendait à l’entrée de la tente derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, avancés dans la vie ; le cycle des femmes avait cessé pour Sara. Sara rit en elle-même, disant : Flétrie par l’âge, ce bonheur me serait réservé ?! Mon époux est un vieillard ! Et l’Éternel dit à Abraham : Pourquoi Sara a-t-elle ri, disant : Est-ce que vraiment j’aurai un enfant, moi qui suis vieille ? Est-il rien qui soit trop difficile pour l’Éternel ? Au temps fixé, Je reviendrai vers toi et Sara aura un fils. Et Sara nia, disant : Je n’ai pas ri ; car elle avait peur. Et Il dit : Non, tu as ri."

Genèse 17:15-21 et 18:9-15

Traduction combinée J. N. Darby – Zadoc Kahn

« Pourquoi Sara a-t-elle ri ? » Mais pourquoi cette réprimande à l’adresse de Sara alors qu’Abraham s’est lui-aussi esclaffé à l’annonce de « l’inconcevable conception » ? Le texte ne révèle aucun motif à cette discrimination. Le discours biblique est souvent elliptique et laisse perplexe devant les choix divins qui paraissent arbitraires. Pourquoi Dieu avait-Il agréé l’offrande de Abel et non celle de Caïn ? Pourquoi a-t-Il élu Abraham ? Pourquoi a-t-Il choisi Isaac et Jacob et récusé Ismaël et Esaü ? À ce type d’interrogations, il est toujours tentant d’opposer une réponse cinglante : c’est un grand mystère ! « Car vos pensées ne sont pas mes pensées, ni vos voies mes voies, dit l’Éternel » rappelle le verset bien connu d’Isaïe (55:8). L’homme doit se résoudre à cette autre formule biblique qui n’est pas sans rappeler le grand secret du renard au petit prince de St Exupéry : « Ce que l’homme voit, il le voit par les yeux mais Dieu regarde par le cœur » (I Samuel 16:7).

Cela ne dispense pas l’exégète de tenter de percer le mystère à partir des indices disséminés dans le texte. Pour le rabbin   Rachi  , célèbre commentateur médiéval, un rire ne ressemble pas à un autre. Celui d’Abraham exprimait la joie que procure l’étonnement, l’émerveillement devant le surnaturel. Celui de Sara, l’ironie, le cynisme devant le grotesque, le ridicule. L’un serait le produit de la foi, l’autre, du scepticisme. Mais Rachi   est bien en peine de donner le moindre appui scripturaire à son assertion. De fait, un midrach   ancien refuse de laisser peser toute la faute sur Sara et estime que l’un et l’autre méritaient d’être blâmés pour leur incrédulité sauf qu’Abraham, plus « mûr », pouvait comprendre de lui-même son égarement sans qu’il fût besoin de le réprimander… Pas sûr que Sara ressorte grandie d’une telle plaidoirie.
L’explication la plus étonnante est celle du Talmud   qui suggère que Sara a été vitupérée non pour sa défiance envers Dieu mais pour son manque d’égards envers son mari ! Une lecture serrée montre en effet que Sara a qualifié Abraham de « vieillard ». Or Dieu qui rapporte l’épisode à Abraham, se garde bien de répéter ce propos « fâcheux » et se contente d’évoquer la vieillesse de Sara. L’autodérision est acceptable, non la dérision.

Il existe une autre explication bien plus simple. Difficile de croire que lorsque Abraham eut entendu une première fois l’annonce de la nouvelle inespérée, il ne l’ait pas répercutée à son épouse. Si l’étonnement spontané devant l’invraisemblable pouvait provoquer l’hilarité à la première annonce, elle ne se justifiait plus à la seconde. De fait, Sara rit mais Abraham ne rit plus. Il s’agissait à présent d’avoir confiance.

Enfin, un dernier coin de nappe mérite d’être soulevé. Une fois l’annonce d’un second fils, Isaac, Abraham s’inquiète du sort du premier, Ismaël. Nul scrupule de ce type affleure chez Sara dont on peut soupçonner le triomphalisme, elle qui avait tant souffert des railleries de sa servante Hagar et de son fils…

Avec tout cela, une question lancinante demeure : pourquoi Sara a-t-elle ri ?

Rivon Krygier

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