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Qu’appelle-t-on le « siddour traditionnel » ?

Qu’appelle-t-on le « siddour traditionnel » ?

Le texte du siddour   (livre de prières juives) n’a pas toujours été figé. La lecture de livres de prières, de l’ère gaonique jusqu’à aujourd’hui, montre que le texte de la liturgie varie d’une époque à l’autre, et selon les pays.

Une lecture des poskim rishonim   (décisionnaires médiévaux de la loi juive), permet de constater qu’ils faisaient preuve d’une certaine souplesse dans la composition des prières, en autorisant notamment l’ajout de piyoutim   (poèmes liturgiques) au milieu des brakhot (bénédictions) ainsi que la modification de nombreuses brakhot elles-mêmes.

Les prières de base de l’ère talmudique ne constituaient pas un texte unique faisant autorité. De nombreux fragments de la genizah ont montré que la liturgie palestinienne de la période des Gaonim n’était pas seulement différente de la babylonienne, mais qu’elle était aussi employée avec souplesse en Palestine. Bien que les Gaonim aient cherché à canoniser la liturgie de leur époque, leurs tentatives ne réussirent que partiellement. Nombre des controverses liturgiques de la période des Gaonim éclatèrent à nouveau parmi les Rishonim  , et de nombreuses polémiques furent ajoutées … Le texte du siddour   est ainsi resté souple durant tout le Moyen-âge [d’après Golinkin].

Même le texte du Chemoné Esré (la Amida  ) a connu des évolutions très importantes. Selon le Talmud  , il fut fixé autour de l’an 100 de l’ère commune par Simon Hapaqoli, sous la supervision de Rabbi Gamliel II à Yavneh. Mais l’on n’avait défini à cette époque que le nombre 18 (des bénédictions), les idées exprimées dans les différentes bénédictions et dans une certaine mesure, l’ordre dans lequel il fallait les réciter. La formulation des bénédictions individuelles n’était en revanche pas encore figée. Ce ne fut que beaucoup plus tard, que l’énoncé des bénédictions commença à se cristalliser, à la fois dans la version palestinienne et babylonienne. En fait, cette dernière contenait 19 bénédictions, et c’est elle qui constitue la base de la prière qui est utilisée aujourd’hui. Jusqu’au 14e siècle, le texte de la Amida   présentait toujours de nombreuses variantes locales. [Petuchowski, 1985]

L’aspect relativement statique de la liturgie de ces cent dernières années n’est pas lié à la halakha   (loi juive). Comme l’a observé le professeur Petuchowski : « Au final, la personne faisant autorité concernant les questions liturgiques est l’imprimeur ». Celui-ci choisissait de « canoniser » un manuscrit en particulier, tandis que les autres versions tombaient dans l’oubli. L’imprimeur canonisait également les erreurs des scribes qui se diffusaient d’une édition à l’autre, et sélectionnait les piyoutim  , condamnant, là encore, certains poèmes à disparaître. [Golinkin] N’importe quelle étude sur le développement du siddour   mène à la conclusion énoncée par Jakob Petuchowski : « ‘Le’ livre de prières juives traditionnel existe et en même temps n’existe pas. En fait, pas au point où les juifs orthodoxes   aimeraient le croire et plus que certains Réformés veulent bien l’admettre ».

Etant donné les indications dont on dispose, personne ne pourrait soutenir que le siddour   de Rabbi Saadiah Gaon   était identique à celui de Rav Amram Gaon  , ou encore que le livre de prières de Maimonide   était identique aux deux premiers. Il n’est pas non plus possible d’affirmer que la cristallisation du rite ashkénaze, tel qu’elle apparaît dans le Mahzor   Vitry au XIIe siècle, est la même que celle du siddour   classique de Rabbi S. Baer (Avodath Israel) du XIXe siècle. En ajoutant à cela les nombreux fragments du rite ancien palestinien qui ont été découverts, et d’autres rites qui aujourd’hui n’existent plus, l’argument s’opposant à l’idée d’un siddour   traditionnel unique, s’en trouve renforcé. Même au sein de l’orthodoxie  , il existe aujourd’hui de nombreux rites différents : ashkénaze du Sud Ouest, polonais, Sépharade de Londres et d’Amsterdam, nord-africain, mixte sépharade-ashkénaze développé par les Hassidim (appelé Nousah Sépharade, ce qui créé d’ailleurs des confusions). Il existe aussi un rite italien, d’Alep, baghdadi et Yéménite. Lequel de ces rites représente-t-il vraiment « Le » siddour   traditionnel ? Réponse : tous ! [Petuchowski]

Toutefois, les nombreux siddourim orthodoxes   des XIXe et XXe siècles présentent tous davantage de points communs que de divergences. Généralement, ils diffèrent sur des aspects mineurs. Mais les rubriques majeures des livres de prières fixées par les rabbins   de la Michnah et de la Guémara, sont elles présentes dans tous les différents rites. Chacun contient souvent les mêmes prières, (voire quelques unes en moins ou en plus), avec quelques légères variantes concernant l’ordre ou la formulation. Tous les rites incluent notamment les trois paragraphes du Chema   et les 19 bénédictions de la Amida  . Enfin, bien que l’énoncé puisse varier d’un rite à l’autre, la plupart des siddourim expriment les mêmes convictions religieuses et partagent tous la même théologie. C’est en cela que l’on peut parler « du » siddour   traditionnel. [d’après Petuchowski, 1985]

Traduction Noemie Taylor

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