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Et maintenant ? A propos des événements de l’été 2006...

Et maintenant ? A propos des événements de l’été 2006...

De mon modeste point de vue, les tragiques événements de cet été ont quelque peu affecté les prévisions relativement optimistes pour 5767 que j’envisageais il y a peu. Il est évident que les audaces du Hamas dans la bande de Gaza et du Hezbollah au Sud-Liban ne peuvent que faire reculer l’espoir d’une nouvelle étape, dans l’approche de la paix,

qu’aurait constitué un désengagement israélien, également unilatéral, cette fois, en Cisjordanie.
Je ne pense pas que la réaction d’extrémistes palestiniens et/ou islamistes donnent raison à ceux qui, du côté israélien, étaient opposés à tout désengagement. Israël ne pouvait pas agir autrement, afin de prouver qu’il n’était animé par aucun esprit colonisateur. En revanche, la preuve a été donnée, si besoin était, que du côté arabe, on est encore loin d’avoir accepté l’idée du droit à l’existence de l’Etat d’Israël.
Il est évident que les mouvements terroristes qui, par delà la menace qui vise directement des citoyens israéliens, mettent en danger l’Etat d’Israël lui-même, ne pourraient agir sans un soutien d’Etats arabes (l’Iran, non arabe, mais musulman ne pourrait pas à lui seul, vu son éloignement peser aussi lourdement dans la balance).
Concrètement, la Syrie est le principal obstacle à la paix, même si d’autres Etats, pourtant théoriquement bien disposés à l’égard d’Israël, tels l’Egypte et la Jordanie, ne font rien pour faire pression sur Bachar el Assad. Même la France, pourtant indisposée par le comportement du président syrien, qui n’a pas hésité à commanditer l’assassinat du premier ministre libanais, Rafic Hariri, ami du président Chirac, « navigue » prudemment, pour ne pas dire insidieusement.
Ainsi, récemment lors du sommet de la francophonie, tenue à Bucarest, où bien évidemment Israël n’était pas convié, le Président français, malgré ses dénégations, est très vraisemblablement intervenu pour que le président libanais, véritable pantin aux mains des Syriens, ne soit pas invité. Jacques Chirac n’a, par ailleurs, pas corrigé sa vue quelque peu étriquée de la situation internationale. Lors du discours qu’il a prononcé, le 19 septembre dernier, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, il a considéré, un peu rapidement, que le conflit du Moyen-Orient « qui depuis soixante ans ponctue par ses tragédies la vie des Nations Unies » est devenu « l’épicentre de l’instabilité internationale, la source première de l’incompréhension entre les mondes et l’alibi de tous les terroristes ».
Quand on sait que le président français n’a jamais manifesté de sympathie particulière à l’égard de l’Etat d’Israël, en dépit d’une empathie certaine à l’égard de la communauté juive de France, on a nettement l’impression que cette vision quelque peu simpliste mettait en cause, implicitement, également Israël.
Certes, le rappel des « paramètres » d’un règlement israélo-palestinien (« coexistence dans la sécurité de deux Etats viables……des frontières sûres et reconnues, une solution juste pour les réfugiés, comme pour Jérusalem ») était exact. Mais, il ne peut faire oublier que la France, depuis 1947, s’en tient à l’idée de Jérusalem constitutif d’une « entité séparée » (corpus separatum selon le plan de partage) et n’a donc jamais reconnu, même avant 1967, que Jérusalem-Ouest, à l’époque, constitue la capitale d’Israël, alors que cette ville ne fut jamais la capitale d’un autre Etat que d’un Etat juif.
Est-ce là une « solution juste » ?
De même, il est de notoriété publique qu’à l’automne 2000, avant qu’il ne déclenche la seconde Intifada, Yasser Arafat, de passage à Paris, fut fortement incité par Jacques Chirac à ne pas accepter les propositions très (ou trop ?) généreuses, que lui faisait le premier ministre israélien de l’époque Ehoud Barak. Quelle erreur historique (qui ne sera sans doute pas la seule que l’on relèvera à l’heure du bilan de l’actuel Président de la République française) !
Certes, l’engagement de la France au sein de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) renforcée est de nature à étayer un rôle accru – sans aller, toutefois, jusqu’à intervenir pour désarmer le Hezbollah. Mais, il ne faut pas oublier que la France présente dans cette force depuis sa création et qui la commande même depuis quelques mois, au nom des Nations Unies, n’a guère à se vanter de la contribution apportée, par la FINUL, au « maintien de la paix et de la sécurité internationales ».
Il est patent, à en juger par les photos prises au cours des récents combats, au Sud-Liban, que le Hezbollah a installé ses campements et ses équipements sophistiqués « au nez et à la barbe » des casques bleus, qui n’ont même pas alerté l’ONU du danger que cela constituait.
Sans doute, des militaires ne sont-ils pas les mieux adaptés à des tâches de maintien de l’ordre, qui relèvent plutôt de forces de police mais, au moins, devaient-ils rendre compte de ce qui se passait sous leurs yeux et qui laissait présager les événements qui s’ensuivirent.
Aussi, n’est-ce pas sans un certain pessimisme que je vois, à mon humble niveau, ce début d’année nouvelle.

L’auteur : David Ruzié est professeur émérite des universités et spécialiste de droit international.

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