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la contraception et l’avortement

la contraception et l’avortement

Quelle est la position du judaïsme massorti   sur la contraception et l’avortement ?

rabbin   Elliott Dorff  

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Bien que la femme soit évidemment autant impliquée que l’homme dans la procréation, les rabbins   de l’époque de la Michna   et du Talmud   ont considéré que seuls les hommes avaient l’obligation formelle de procréer.

Cette prise de position procède apparemment d’une simple exégèse biblique mais divers facteurs semblent avoir été à l’origine de cette conception .

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Pour notre part, nous affirmons que l’engagement de l’homme et de la femme sont l’un et l’autre indispensables tant pour la procréation que pour l’éducation des enfants. Les rabbins   en étaient conscients. Mais le fait que l’obligation formelle de se reproduire n’ait été assignée qu’à l’homme a des implications décisives dans le domaine de la contraception : les femmes peuvent y recourir plus facilement que les hommes.

Des sources talmudiques datant déjà du second siècle de l’ère commune attestent de l’existence de moyens contraceptifs utilisés par les femmes. La règle rabbinique prescrit d’y avoir recours lorsque la grossesse peut mettre en danger soit la santé de la mère, soit celle de l’enfant qu’elle allaite . [3] Ultérieurement, l’opinion des rabbins   sur la question s’est partagée entre ceux qui ont restreint l’autorisation de la contraception aux seuls cas évoqués et ceux qui l’ont étendue à d’autres situations.

Ce qui est très clair, pour un couple qui ne veut ou ne peut assumer une nouvelle grossesse, c’est qu’à choisir entre une méthode de contraception préventive ou une forme « curative » portant sur un ovule fécondé, la loi juive préfère de loin la première. En effet, de manière générale, elle interdit a priori l’interruption de grossesse. Certes, il est vrai que tout au long du processus de gestation, le fœtus n’est pas encore considéré par le judaïsme comme un être humain distinct : il est encore « comme un membre de la mère ».

Mais, au demeurant, puisque le corps humain est la propriété de Dieu, il n’est pas permis de porter atteinte au fœtus tout comme il est interdit de porter atteinte à son propre corps. Ainsi l’amputation d’un membre n’est-elle envisageable que dans le cas spécifique d’épargner la vie ou de préserver la santé . [4]

Bon nombre de Juifs se méprennent sur la question de la légitimité de l’avortement du fait qu’ils ont entendu dire - et cette information est exacte - que le judaïsme prescrit l’interruption de la grossesse lorsque celle-ci menace la vie ou la santé physique ou mentale de la mère ; et que cela peut valoir même dans le cas où le risque n’est pas immédiatement perceptible bien que suffisamment prévisible, dans une mesure qui dépasse le risque inhérent à toute grossesse. Toutefois, on a tort lorsque l’on se figure que la prise en considération de la santé mentale de la mère équivaut dans le judaïsme à l’extension de sens attribuée à cette notion par les tribunaux américains.

En l’occurrence, pour le judaïsme, le seul fait qu’une femme ne souhaite pas avoir un nouvel enfant ne constitue pas en soi un problème de santé mentale qui justifierait un avortement. L’interruption de grossesse ne peut en aucune façon être considérée comme une forme licite post factum de régulation des naissances.

Le fait que la contraception soit de loin préférable et, secondement, le souci de nuire le moins possible à la santé de la femme, ont fait du diaphragme, qui oblitère le fond du vagin, la méthode contraceptive la plus indiquée. Quand la prise de la pilule ou la pose d’un stérilet, dispositif intra-utérin, ne sont pas contre-indiquées en raison de l’âge ou du bon fonctionnement physiologique de la femme, elles constituent en second lieu les moyens contraceptifs les plus appropriés. Sur le plan pragmatique, il y a ici un intérêt convergent : d’une part, les couples apprécient la facilité d’usage et l’efficacité de ces trois moyens contraceptifs ; d’autre part, à choisir, les autorités religieuses préfèrent de loin ces formes de contraception à la normalisation de l’avortement qui en ferait une simple forme rétroactive de régulation des naissances.

Le moyen de contraception masculin qui est le plus usité est le préservatif, le « condom ». Comme nous l’avons fait remarquer, la tradition juive n’autorise pas l’homme à pratiquer la contraception, tout au moins tant qu’il n’a pas encore rempli son devoir de procréation .

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Par ailleurs, le préservatif ne peut être considéré comme un contraceptif vraiment fiable. Il peut se rompre et se déchirer ou encore glisser et se détacher .

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Même quand il demeure intact et en place, le résultat n’est pas garanti. Son usage n’est vraiment indiqué que lorsqu’un rapport sexuel sans protection risque de contaminer le conjoint par une des maladies sexuellement transmissibles. Dans ce cas, en effet, le devoir de se prémunir de toute contagion pour préserver la santé, voire la vie, prend le pas sur celui de la procréation. Par exemple, si les antécédents de l’un ou l’autre des conjoints laissent à penser qu’il existe un risque de contamination par le virus du sida, soit en raison de rapports sexuels précédents qui n’étaient pas protégés, soit en raison d’une consommation de drogue par injection ou encore d’une transfusion sanguine insuffisamment stérilisée, le conjoint masculin a alors le devoir d’utiliser un préservatif et de s’imposer dans les plus brefs délais un test sanguin. Toutefois, dès lors qu’il s’avérerait que l’un des deux époux se découvre séropositif, le préservatif ne pourra plus être considéré comme une mesure suffisante de précaution. L’accouplement est alors à proscrire dans la mesure où le devoir de se prémunir d’un danger mortel prime sur le bonheur d’une sexualité accomplie .

Après ce qui vient d’être dit globalement sur la contraception, il convient de prendre en compte le fait que les autorités rabbiniques qui l’ont jadis autorisée, indépendamment des considérations thérapeutiques, ne se figuraient pas qu’un jour viendrait où de nombreux couples juifs repousseraient au plus tard possible le devoir de procréation. Il importe de prendre conscience que même avec les avancées médicales, la tranche d’âge de dix-huit à trente ans constitue la période la plus propice pour les femmes, sur le plan physiologique, pour concevoir, porter et accoucher de leurs enfants. De fait, qu’elles travaillent ou non à l’extérieur de leurs maisons, de nombreuses femmes de la société moderne estiment qu’elles se doivent de réunir au préalable de leur maternité le plus possible de ressources financières pour garantir leur avenir et celui de leur famille, ou encore d’attendre de consolider une carrière, à l’instar de leurs époux.

Hélas, il arrive trop souvent que des couples dépassent de loin la trentaine avant de s’estimer prêts à mettre des enfants au monde, pour s’apercevoir alors que c’est physiologiquement trop tard. En conséquence, il convient d’attirer l’attention des jeunes couples sur ce problème en leur disant que s’ils choisissent d’utiliser des moyens contraceptifs durant une certaine période, il est indiqué tant sur le plan médical que religieux de ne pas tarder trop longtemps avant de prendre la décision d’avoir des enfants.

Un autre facteur mérite d’être pris en considération concernant la contraception. Le peuple juif comptait près de dix-huit millions d’âmes, juste avant la Choa. Un tiers d’entre elles ont été exterminées durant les terribles années où ont sévi les Nazis en Europe. Or depuis, non seulement nous ne sommes pas en voie de restaurer ce nombre mais tout semble indiquer que nous ne sommes même pas en voie de maintenir le nombre actuel de Juifs de par le monde.

On compte généralement que pour assurer la relève d’une génération, il faut un taux de natalité de 2,2 à 2,3 (soit statistiquement 2,2 à 2,3 enfants pour deux adultes). Si ce taux doit dépasser 2 points, c’est qu’il faut tenir compte du fait que certaines personnes ne se marient pas, que d’autres ne peuvent ou ne veulent avoir d’enfants et que certains couples n’ont qu’un seul enfant. Aux États-Unis (y compris en Amérique du Nord), ce taux est actuellement de 1,6 à 1,7. Cela indique clairement le danger démographique qu’encourt le peuple juif. Si de par le monde, on peut considérer qu’il existe un problème de surpopulation, il ne saurait s’appliquer aux juifs qui ne constituent que 0,2 % de la population mondiale. Aussi, quand bien même le peuple retrouverait sa situation démographique d’avant-guerre, ce n’est pas le nombre de juifs qui poserait un problème à la surpopulation mondiale. La survie du peuple juif étant en danger, les solutions envisagées pour enrayer la surpopulation, telles q’un recours plus large à la contraception ou une meilleure exploitation des ressources naturelles de nourriture, ne doivent pas se faire au prix de son sacrifice. La démographie de notre peuple doit devenir un facteur déterminant et préoccupant pour tout choix de contraception.

Plus encore, cela mériterait d’être l’objet d’une planification au niveau des institutions communautaires. Si l’on veut se donner pour objectif d’enrayer le déclin démographique du peuple juif, il faut s’en donner les moyens par un programme d’action en menant une campagne visant à encourager les familles juives à s’agrandir et à leur permettre de mener une bonne éducation juive pour tous les enfants. Il faudrait par exemple subventionner les familles qui veulent placer leur enfants dans les programmes de Talmud   Tora, dans les écoles juives, les mouvements de jeunesse. De manière générale, il faudrait viser à une promotion de la vie familiale au sein de la société, en rendant sa charge moins onéreuse.

Il faudrait également inciter les couples à reconsidérer certaines idées préconçues concernant le planning familial. Ainsi, beaucoup de jeunes couples attendent de terminer leurs études pour mettre des enfants au monde parce qu’ils se figurent, à tort, que les difficultés de vie seront moindres dans les premières années de leur carrière que lors de leurs études supérieures.

Il faudrait également faire rentrer dans les mœurs d’envisager de bâtir une famille d’au moins trois à quatre enfants. Pour la Halakha  , certes, deux enfants suffisent pour s’acquitter du devoir religieux de procréation. Mais, il faut faire entendre que ce n’est là que le minimum requis et que, comme le dit Maïmonide   à ce propos, « quiconque ajoute une âme au peuple d’Israël, c’est comme s’il avait bâti tout un monde » .

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[1Ce texte est tiré de l’ouvrage : E. Dorff, Éthique de l’amour, Paris, éd. Nadir, 2000.

[2C’est avec peine que le Talmud tente d’établir le verset biblique justifiant que le devoir de procréation incombe exclusivement aux hommes. Cf. Michna, Yevamot (6:6) où ce principe est édicté au nom d’une majorité anonyme de rabbins et sans appui scripturaire.

Ceci contraste avec l’opinion isolée de Rabbi Yohanan ben Broka qui immédiatement objecte « c’est à chacun d’eux (homme et femme) que Dieu s’adresse ainsi qu’il est écrit : ‘‘Croissez et multipliez-vous’’ (Genèse 1:28).

La discussion talmudique (Yevamot 65b-66a) vise à confronter les preuves et contre-preuves établissant si la femme est légalement astreinte au devoir de procréation mais sans apporter de conclusion.

Ce sont les rédacteurs médiévaux des codes de loi qui trancheront : cf. Maïmonide, Hil.ichout 15:2 ; Choulhan aroukh, Even ha-ezer 1:1, 13. Comme preuves scripturaires, deux versets sont en jeu : la suite du verset précité « Remplissez la terre et dominez-la » et « Je suis le Dieu Chadaï, croîs et multiplie-toi » (Genèse 35:11). Pour le premier, le débat porte sur le terme « ve-khivchouha : dominez-la ». Ce terme est au pluriel, ce qui peut laisser entendre que le commandement s’adresse tant à l’homme qu’à la femme. Mais le vav étant manquant, cela autorise une seconde lecture comprise comme un masculin singulier. Quant au second verset, il est sans conteste au masculin singulier. Toutefois, le contexte montre bien que cette forme s’impose puisque Dieu ne s’adresse ici qu’à Jacob. Rien n’est spécifié quant à l’obligation ou non de son épouse.

Ces problèmes d’exégèse prouvent que la raison de cette orientation de la loi n’est pas due à la forme scripturaire elle-même et qu’une autre raison a dû inciter les rabbins à placer sur l’homme exclusivement la responsabilité de la procréation. Il se pourrait que la raison soit d’ordre économique : dans la mesure où c’est le père qui avait légalement la charge de subvenir aux besoins des enfants, il pouvait être davantage réticent à procréer, d’où le devoir qui lui incombe plus particulièrement. Il se pourrait aussi que du fait qu’anatomiquement parlant, ce soit l’homme qui entreprend la femme, la procréation ait été considérée comme dépendant davantage de son initiative, d’où son devoir. Certains ont émis l’hypothèse que le commandement de procréer n’a pas été imposé aux femmes du fait des risques importants qui planaient à l’époque pour tout ce qui concerne la grossesse et l’accouchement.

[3Cf. Tossefta, Nida 2 ; Yevamot 12b, 100b ; Ketoubot 39a ; Nida 45a ; Nedarim 35b. Voir David M. Feldman, Birth Control in Jewish Law, New York, New York University Press, 1968, ch. 9-13 (la réédition par Schoken porte le titre de Marital Relations, Birth Control and Abortion in Jewish Law).

Concernant le danger qui menace la femme ou l’embryon du fait des relations sexuelles, et l’autorisation de contraception qui s’ensuit, cf. Feldman, ibid., pp. 185-187.

[4Cf. Houlin 58a et autres. Selon Yevamot 69b, durant les premiers quarante jours de la conception, le zygote est considéré comme « simples eaux ». Les rabbins n’en ont pas moins autorisé l’avortement qu’en cas de danger pour la santé ou la vie de la mère. Cf. Feldman, op. cit., pp. 14-15.

[5Le langage utilisé dans la michna (Yevamot 6:6) laisse suggérer que l’homme est en droit d’utiliser un moyen de contraception lorsqu’il a accompli le commandement de procréation : « l’homme ne doit pas se délier du commandement de la procréation tant qu’il n’a pas eu deux enfants. L’école de Chamaï dit : deux garçons. Celle de Hillel dit : un garçon et une fille. » Mais cela n’a pas été la position adoptée par la loi juive ultérieurement. Celle-ci encourage à avoir autant d’enfants que possible, s’appuyant sur ce que suggèrent le verset d’Isaïe (45:18) : « Dieu n’a pas créé la terre pour qu’elle demeure déserte mais pour être habitée. » et le verset de l’Ecclésiaste (11:6) : « Dès le matin, fais tes semailles, et le soir encore, ne laisse pas chômer ta main, car tu ignores où sera la réussite, ici ou là, et peut-être y aura-t-il succès des deux côtés. » Par la suite, ce principe a été codifié par Maïmonide : « Bien qu’un homme ait accompli le précepte de croître et se multiplier, il a pour devoir, édicté par les rabbins, de ne pas le suspendre tant qu’il en a encore la capacité car celui qui ajoute une âme juive dans le monde est considéré comme s’il avait créé tout un monde. » (Maïmonide, Hil. ichout 15:16). Voir, infra, note 50.

[6Une étude menée en Grande-Bretagne qui s’appuie sur des statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé et sur un sondage réalisé dans une clinique londonienne, sur la base de quelques trois cents témoignages, a montré que la faillibilité des préservatifs est pour une bonne part due au fait que la mesure standard qui était le plus souvent utilisée était trop petite pour un tiers de la population masculine dans le monde. Voir « One Size of Condom Doesn’t Fit All », dans : Men’s Health, mars 1994, p. 27.

[7Cf. Maïmonide, Hil. ichout 15:16. Voir supra, note 47. Le thème évoqué par Maïmonide fait écho à la michna de Sanhédrin 4:5 : « celui qui préserve une seule âme, l’Ecriture le considère comme s’il avait préservé tout un monde » et au passage de Yevamot 63b : celui qui s’abstient du commandement de procréation est comme s’il avait commis un meurtre (« versé du sang ») et diminué l’image de Dieu. »

Messages

la contraception et l’avortement

bonjour je suis non juive et jai eu mon premier rapport sexuel avec un juif je suis enceinte maintenant doije avorter ou viovre malheureuse car mon amis me quittera pour ne pas decevoir ses parents

la contraception et l’avortement

Chère Mlle,

Votre question est extrêmement personnelle et délicate. Je ne peux répondre que sur certains principes. Une réponse approfondie mériterait un entretien.

Je peux cependant vous dire que l’avortement est a priori interdit par le judaïsme. Il est cependant toléré dans certains cas de détresse personnelle.

Prendre une telle décision est une chose difficile et je vous invite à bien réfléchir. Néanmoins, garder un enfant dans de mauvaises conditions est également une décision lourde de conséquences.

Si votre motivation pour procéder à un avortement est seulement basée par l’incapacité du père de parler franchement à ses parents parce que vous n’êtes pas juive, c’est absolument lamentable. Si vous étiez juive, votre couple aurait-il gardé ce bébé ? Le géniteur aurait-il assumé sa paternité ?
Il serait tout de même paradoxal et malheureux de justifier un avortement, que le judaïsme réprouve a priori, au nom de ce même judaïsme ! Que la mère du bébé soit juive ou non ne change strictement rien. Il s’agit ici d’une question d’éthique fondamentale, de vie et de mort. En aucun cas, une question d’identité ne devrait justifier un acte pareil.

Il existe des quantités de solutions, vous devez y réfléchir. Votre compagnon, s’il est un tant soit peu sérieux, doit comprendre que le regard de ses parents ne compte pas. D’autant plus que ce regard ne serait basé que sur des préjugés inadmissibles.

Ce serait vraiment très triste, qu’au nom du désir de vouloir fonder un foyer juif ou satisfaire le regard parental, on abandonne un enfant ou l’on pousse la mère à avorter ! Un judaïsme qui accepterait cela serait un judaïsme malade et totalement indigne de son souci de survie.

Je vous invite à me contacter par téléphone si vous désirez parler de ce problème dans la plus grande confidentialité.

Je vous souhaite beaucoup de réussite et de courage pour la suite.

Rabbin   Dalsace

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