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Visions du divin

Visions du divin

Parashat Mishpatim -

Le chapitre 24 du livre de l’Exode, qui conclu notre parasha  , nous décrit un spectacle tout à fait particulier, celui de la possibilité de voir Dieu !

Moïse, Aaron et ses deux fils aînés montent sur le mont Sinaï : "Ils virent le Dieu d’Israël et sous ses pieds comme un ouvrage de briques de saphir et comme l’essentiel du ciel en pureté" (verset 10). Cette vision qui est apparue aux élites du peuple est complétée par celle qu’a l’ensemble des enfants d’Israël : "Et la vision de la gloire de Dieu comme un feu dévorant au sommet de la montagne aux yeux des enfants d’Israël" (verset 17).

Plusieurs questions se posent à nous devant cette description tout à fait particulière. La première concerne la question même de la possibilité de voir Dieu.
Au début du livre du Deutéronome, lorsque Moïse récapitule les événements du mont Sinaï, il précise à son auditoire : "vous entendez une voix de paroles et d’image vous ne voyez pas, seulement la voix" (Deut.   4, 12). Cependant, cette contradiction apparente peut être facilement résolue : l’auditoire auquel s’adresse Moïse n’est pas celui qui a assisté vraiment à l’événement, mais est composé des nouvelles générations, 40 ans après. Ce que nous apprenons du texte du Deutéronome, c’est l’impossibilité de revivre l’événement Sinaï, et seul son écho, sa voix, continue à retentir.
Mais au moment de l’Alliance même, une sorte d’exception s’est produite pour la génération de la sortie d’Egypte, et "quelque chose" a pu être vu. Ce fait nous est d’ailleurs confirmé par un verset de la semaine passée où, immédiatement après l’énoncé des dix commandements il est précisé : "et l’ensemble du peuple voit les voix" (20, 15).

Vision, il y a donc eu, mais immédiatement, nous voyons une différence dans la perception de cette vision.

Le peuple ne voit pas Dieu lui-même, mais sa gloire, et cette vision correspond aux images apparues lors de l’écoute des dix commandements : du feu, des éclairs, de la fumée, bref quelque chose qui est fait pour provoquer la crainte et ne permet pas un véritable discernement.
Par contre, une catégorie est privilégiée, les chefs du peuple, composés de Moïse, Aaron et ses fils, ainsi que des soixante-dix anciens. Non seulement ils ont obtenu l’autorisation de monter sur la montagne, mais Dieu se révèle, partiellement, à eux.

Pourquoi cette discrimination ? C’est que si le message divin s’adresse à tous, il ne s’y adresse pas de la même manière. Le Judaïsme, de ce point de vue, n’est pas une démocratie absolue où toute différence serait abolie. Certaines personnes, de par leur possibilités innées ou acquises, peuvent aller plus loin que les autres dans la recherche de la vérité spirituelle. De même que tout le monde ne sera pas prix Nobel, mais que chacun, en fonction de ses possibilités intellectuelles, pourra s’élever plus ou moins haut dans la course au diplômes, de la même manière certains auront plus de possibilités d’exprimer leur spiritualité que d’autres. Dieu aime toutes ses créatures, mais elles sont toutes différentes, chacune ayant des possibilités autres de s’accomplir. Il nous est d’ailleurs précisé : "Et sur les élites des enfants d’Israël il ne porta pas la main, et ils contemplèrent Dieu" (24, 11). Sur les élites seulement, sur des gens du peuple se serait abattue l’interdiction de Le voir. C’est là sans nul doute l’une des leçons de notre passage.

Mais qu’a vu exactement cette "élite" ? Notre texte reste très vague mais les quelques indications de la Torah peuvent peut-être nous indiquer une première approche. Tout d’abord sur Dieu lui-même, il n’y a ni descriptions ni détails. Celui qui réussi à s’élever à une telle hauteur ne peut communiquer son expérience personnelle, il ne peut que s’en enrichir et s’appuyer sur cet enrichissement pour apporter aux autres. Le texte est d’ailleurs très sobre, et il n’est pas sûr que les uns et les autres aient vu la même chose.

Par contre, nous en savons un peu plus sur le degré inférieur, ce qui se trouve, de manière imagée, "sous les pieds de Dieu". L’un des rares détails donné par la Torah concerne le saphir. Cette pierre précieuse bleue correspond assez bien à la pureté du ciel.
Mais la chimie moderne peut nous aider à comprendre ce choix du saphir comme description de ce qui sépare notre univers de celui de Dieu. Nous savons aujourd’hui que le saphir est constitué de cristaux d’oxyde d’aluminium. Or l’oxyde d’aluminium est aussi cette couche qui se forme naturellement à la surface de l’aluminium et qui l’empêche de s’oxyder plus, lui donnant cet aspect argent-gris mat. De plus, alors que l’aluminium est un excellent conducteur, l’oxyde d’aluminium est un excellent isolant. Enfin, les manuels de chimie précisent que c’est cette oxydation naturelle qui permet l’utilisation de l’aluminium, à l’inverse de tous les autres métaux ! Quel meilleur symbole pouvait être trouvé pour décrire la nature de la vision de Moïse et de ses compagnons : la confirmation que l’efficacité de Dieu réside dans son isolement, que c’est cette dissimulation qui nous garanti de pouvoir le rencontrer, chacun à notre niveau.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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