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Chevii chel Pessah : 7ème jour de Pessah

Chevii chel Pessah : 7ème jour de Pessah

Par le Rabbin Rivon Krygier -

La Tora nous indique que ce jour a statut de Yom Tov, « convocation sainte » avec toutes les recommandations rituelles qu’elle suppose. Mais la Tora ne donne aucun renseignement quant au contenu de la fête.

A l’origine, cela devait correspondre, à un temps de fête, début de la récolte.

C’est par la tradition orale que nous apprenons que le sens de cette fête est lié à l’événement du passage de la mer rouge. Bien sûr cette mise en relation s’explique par la date présupposée de cet événement, le 21 Nissan  . Mais au delà de cet aspect purement formel, on se demande naturellement en quoi consiste la singularité du passage de la mer rouge pour qu’il lui soit assigné une commémoration distincte et marquée. Somme toute, le miracle de l’ouverture de la mer qui permit l’échappée des hébreux à pied sec et l’ensevelissement des persécuteurs égyptiens s’inscrit dans la foulée des dix plaies miraculeuses qui frappèrent l’Égypte.

Y aurait-il alors une autre raison de considérer cet événement séparément ?

Pour tenter de répondre à cette question, on peut se fonder sur un enseignement du Maharal de Prague : Nous savons que les quatre coupes de vin que nous avons levé durant le Seder de Pessah célèbrent quatre phases de la rédemption. Le Maharal les énumère et les interprète de la manière suivante : Le terme de l’oppression égyptienne, l’émancipation de la condition d’esclavage, la fin de l’exil et enfin la consécration au projet divin.

C’est cette dernière phase qui se déclenche avec le passage de la mer rouge (de 3 à 4). Je formulerais ce moment charnière comme suit : la sortie d’Égypte est une libération de quelque chose, en l’occurrence de l’asservissement. Mais le passage de la mer rouge est une libération vers quelque chose, le projet divin qu’il faut réaliser. C’est une liberté beaucoup plus difficile à assumer car elle exige la participation active de l’homme.

Nous pourrons mieux comprendre cette transition en prêtant attention à ce que nous révèle le déroulement du récit biblique. Les Egyptiens perpétrèrent le crime infâme de jeter tous les nouveau-nés mâles des Hébreux dans le Nil. L’ensevelissement de leur armée dans la mer rouge peut de ce point de vue être considéré comme la punition mesure pour mesure (c’est-à-dire de même nature) de leur méfait. Mais cette rétribution par les eaux ne peut en aucune façon être considéré comme le point final du salut d’Israël. Il est significatif que les hébreux sont aussitôt et consécutivement soumis à une épreuve qui se traduit justement par un problème d’eau. A peine le miracle de la mer accompli, le peuple est assoiffé. Tout le problème de la confiance en Dieu est alors posé. Tout ce passe comme si le peuple devait à présent prouver que la libération qu’il vient de connaître n’est pas simplement un juste règlement de compte mais qu’il avait à assumer une nouvelle condition qui est celle de la responsabilité. C’est la maturité, le rapport de confiance que réclame Dieu. La liberté n’est jamais acquise. Elle doit sans cesse se forger, se mériter.

Notre tradition telle qu’elle est rapportée dans les Maximes des pères nous enseigne ce principe. Le véritable héros n’est pas défini comme celui qui parvient à triompher de l’ennemi mais avant toute chose celui qui se domine lui-même. C’est le sens de la quatrième coupe que nous avons levée durant le Seder.

 N’est-il pas question aussi, dans la tradition orale d’une cinquième coupe ? Qu’elle serait alors son sens ?

On mentionne en effet dans le Talmud   l’opinion de Rabbi Tarfon pour lequel il est question d’une phase supplémentaire de la rédemption liée à la promesse divine de conduire le peuple d’Israël sur sa terre. Rabbi Ismaël enseigne que la mer rouge a été ouverte pour Jérusalem et selon un autre enseignement, pour faire valoir le nom du Dieu unique dans le monde entier. Ceci nous enseigne que ce que célèbre la cinquième coupe s’inscrit dans le prolongement de la quatrième. L’attitude de responsabilité doit déboucher sur un programme concret. C’est dans l’épreuve de la souveraineté nationale que le peuple d’Israël donne une véritable consistance à son engagement moral, qui est le sens profond de la civilisation hébraïque. Après le passage de la mer rouge, la prochaine libération est celle que l’homme doit accomplir par ses propres efforts. C’est un peu comme si désormais c’est Dieu qui attendait de l’homme un miracle, incontestablement le plus grandiose : le passage ou la transformation de la liberté en responsabilité.

4 verres pour 4 degrés de la rédemption. Selon le Maharal : souffrance, domination, exil et 4ème : séparation de Dieu (A. Kariv, p. 104).
Le quatrième temps commence après le passage de la mer rouge.
Liberté de... Liberté vers... : désert, angoisse. L’épreuve : désir de rentrer en Égypte. 3 phases : premiers-nés fleuve, mer rouge, épreuve de l’eau. Le lien dans l’économie du mérite. Etre ou avoir. Liberté/ responsabilité. Tension vers 5ème coupe. R. Tarfon, le verset dans l’exode. R Ismaël ; mer rouge pour Jérusalem, pour célébrer nom de Dieu, dimension universelle. (ibid., p. 60).

Le miracle de la mer rouge

Curieux que l’on ne dise pas le Hallel   complet pour ce miracle qui aux dires mêmes des midrachim de la Haggada ont manifesté cinq fois plus la puissance divine que lors des plaies d’Égypte. Mais les plaies d’Égypte ont été soldées par la plaie des premiers-nés et Israël a manifesté sa foi par le sacrifice de l’agneau pascal, alors qu’aucun mérite n’est lié au récit biblique de l’ouverture de la mer rouge. La foi (confiance) est consécutive de l’événement. Le miracle crée un déficit de la foi qui doit être comblé par l’épreuve de la soif.

Meguila 10b, p. 506 : Pourquoi cette louange (II Chron. 20:21) ne contient-elle pas l’expression : « car il est bon » (ki tov mais seulement ki le-ôlam hasdo) ? Parce que le Saint béni soit-Il ne se réjouit pas de la chute du méchant. […] Les anges de service voulurent entonner un chant mais le Saint béni soit-Il leur dit : Mes créatures vont se noyer dans la mer et vous voulez chanter devant Moi ?

Selon un enseignement (cf. Eisenstein), le septième jour de Pessah, on ne dit pas le Hallel   en entier. La raison en est que la célébration de ce jour est lié au passage de la mer rouge. Or :
« Lorsque Dieu précipita l’armée des Egyptiens qui poursuivait les enfants d’Israël dans la mer rouge, les Anges de service voulurent prononcer le Cantique de la mer devant l’Éternel. Dieu les arrête et dit : Quoi, mes créatures sont en train de périr dans les flots, et vous voulez chanter un cantique en mon honneur ? » (Yalkout chimôni, Be-chalah, 233).

Même la mort de nos pires ennemis nous interdit d’être comblés. Les anges ne le comprennent pas. Ou encore : « Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ; s’il succombe, que ton cœur ne jubile pas » (Proverbes 24:17)

Thème parallèle :

On ne dit pas le Hallel   (Hymne de gloire) à Roch   ha-chana ni à Kippour, contrairement à la plupart des autres fêtes (sauf aussi à Pourim, car le miracle se passe en exil, après la chute).

La raison invoquée par le midrach   dans le Traité de Roch   Ha-chana :
R. Abahou enseigne : Les Anges du Service demandèrent au Saint béni soit-Il : Pourquoi Israël ne chante-t-il pas le Hallel   en Ton honneur à la nouvelle année et à Kippour ? Le Saint béni soit-Il leur répondit : Est-il pensable qu’Israël chante un Hymne de gloire pendant que le roi est sur son Trône de justice quand sont ouverts devant Lui les livres où sont inscrits les sentences de vie et de mort ? Roch   Hachana : jour mitigé, joie (d’où étonnement des Anges) mais jugement. Austérité. Optimisme mais non euphorie triomphalisme.

Le phénomène du miracle ne peut être réduit à l’événement surnaturel. Tout au plus dira-t-on qu’il est phénomène qui éveille l’émerveillement, le ravissement. La Bible elle-même reconnaît que le surnaturel peut être maîtrisé dans une certaine mesure par des magiciens et mages, ceux qui maîtrisent la magie. Cf. les Hartoumim capables de changer le Nil en sang ou le bâton en serpent. Cf. Deutéronome 13:2-3 où on est averti qu’ un prophète ou faiseur de rêve est susceptible de réaliser des "otot" ou "moftim" (signes et prodiges).

moftim, niflaot, pèlè (termes bibliques pour désigner le nèss des sages   du Talmud  . La seule occurrence où le mot nèss peut signifier miracle est Nombres 26:10 et encore, c’est ici, semble-t-il, un "paradigme", étendard). Cf. Wizo, p. 17, Zakovits, p. 11.

La Tradition enseigne qu’il y a constamment des miracles mais ceux-ci ne sont pas généralement perceptibles (cf. Urbach, p. 93).

Que montre alors le miracle à défaut de démontrer, à quoi sert-il ?

Ce qui fait le miracle, c’est le fait que se dévoile que l’ordre du monde obéit à Dieu, que Dieu veille à la réalisation de son projet. Le miracle est une démonstration de force. Elle peut s’allier au projet historique et c’est pourquoi, les miracles sont considérés comme tels lorsque des individus sont sauvés, précisément pour faire entendre que leur vie est plus précieuse au regard des seules lois de la nature et que le cours de l’histoire obéit à leur réalisation.

La puissance du miracle dépend donc beaucoup de l’interprétation des événements : indépendamment du caractère surnaturel, ostentatoire comme rupture d’un ordre habituel, c’est le dévoilement de la finalité divine qui et décisif : cela se passe en conformité au projet de Dieu, selon la hiérarchie les priorités établies par Dieu, selon un plan. Le miracle dévoile la structure intime du monde, du fait qu’il obéit à un principe téléologique, intentionnel. Cette appréhension dépend beaucoup de la subjectivité qui décèle le divin. Mais dans les miracles publics, ostentatoires, il y a bien « objectivité » pour les témoins, d’où la caractère exceptionnel, de paroxysme, acmé, point d’orgue du miracle de la mer rouge, archétype du dévoiement de la force rédemptrice divine qui s’exprime au travers de la manifestation finaliste de la nature. Ce temps de dévoilement, une fois achevé, perd de sa puissance persuasive. C’est la confiance dans la mémoire de l’événement qui demeure comme indice.

Le miracle a donc une fonction de confirmation, non de fondation d’une foi. Il est un support, un indice, non une preuve. Il est cette référence pour la mémoire qui atteste de l’authenticité de la voie divine, de son efficace, pour les temps d’absence de tout miracle dévoilé.
Dans le Piké de-Rabbi Eliézer (XLVIII, trad. p. 302), les signes et miracles de Moïse, au début de sa mission sont considérés comme non révélateurs jusqu’à ce que la formule codée soit énoncée pakod yifkod qui elle garantit l’authenticité de sa mission.

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