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Guerre à Gaza 2023

Guerre à Gaza 2023

Le mouvement Massorti   est pleinement solidaire d’Israël en guerre et des otages avec le souhait de voir leur libération, de voir cette crise réglée rapidement et surtout les forces de paix et de modération l’emporter pour le bien de toute la région. Notre rôle n’est pas de couvrir l’actualité mais de donner à réfléchir.

Pour ceux qui aurait besoin d’un petit rappel historique sur le conflit, voici un document pdf qui fait un résumé pour mieux comprendre.

Rappel historique

Nous reprenons ici (avec son accord) des textes pertinents de notre ami Richard Prasquier (exprésident du CRIF et actuel président du Keren Hayesod) qui est un fin observateur de l’actualité et diverses analyses que nous avons trouvé pertinent de mettre ici.

  • Attaque du Hamas.
    8 octobre 2023. 07 heures.
    Ce jour joyeux de Simhat Tora restera l’un des plus sombres de l’histoire d’Israel. Au nombre de morts (ce matin circule le chiffre officieux de 600), à la brutalité des images, à la quantité effarante d’otages civils, emmenés à Gaza par des hommes du Hamas retournant sans être interceptés dans leur enclave -appelée par les bonnes âmes « prison à ciel ouvert » - comme on revient du marché avec ses emplettes, s’ajoute une blessure psychologique cuisante pour les Israéliens et ceux qui vibrent avec eux. C’est la surprise devant l’accumulation apparente des échecs des services de renseignements israéliens et de la surveillance militaire.. Car, dans le tourbillon politique qui a emporté Israël cette année, l’armée et les services de sécurité étaient restés au-dessus de la mêlée.

La même stupéfaction qui avait saisi la population il y a 50 ans, au premier jour de la guerre du Kippour.

Comment se fait-il que des équipements de haute technologie empêchaient des infiltrations par la voie des tunnels, mais que la barrière elle-même était si peu sécurisée que des milliers de Gazaouis avec leurs engins de transport ont pu la traverser sans que l’armée réagisse ?

Les instruments de contrôle sophistiqués dont Israël est si fier n’ont apparemment pas détecté ces passages massifs. S’agit-il d’un carence de logistique ou, plus grave encore peut-être, d’une mise hors service par une cyberattaque ?

En tout cas, la barrière de Gaza rappelle une ligne Maginot où une fois de plus on n’aurait pas envisagé le passage des ennemis au travers des Ardennes.

Nul n’oubliera que des habitants des localités autour de Gaza ont dû se défendre plusieurs heures seuls, comme l’avaient fait leurs grands-pères encerclés dans les kibboutzim de la région au cours de la guerre de libération Yad Mordechai, qui a résisté aux Egyptiens, est tout près de Sderot, mais l’Israël de 2023 n’est pourtant plus celui de 1948 !……

L’heure n’est pas à l’enquête, elle est à la riposte. Celle-ci promet d’être dure et difficile, car Israël, c’est son honneur et c’est sa fragilité, n’abandonnera pas ses otages.

Si un seul front est aujourd’hui en feu, chacun sait que le Hamas ne serait pas entré en action sans l’accord, en fait sans l’instigation de l’Iran, et que le Hezbollah lui aussi entrera dans la guerre si l’Iran lui dit de le faire. Est-ce que le criminel régime des mollahs iraniens désire simplement placer un coin empêchant l’alliance qui se dessinait entre Israël et l’Arabie saoudite, en s’appuyant sur une opinion publique arabe acquise aux « exploits » du Hamas et dont la haine grandirait devant des représailles israéliennes ? Est-ce qu’il veut s’engager dans un combat décisif où il n’aurait plus qu’à porter l’estocade à un Israël épuisé par les guerres contre les deux principaux mouvements terroristes alliés et armés par lui, le Hamas et le Hezbollah, ?

J’ignore cette psychopolitique inquiétante. Mais je sais que Israël doit lutter aujourd’hui contre un mouvement terroriste (les guillemets sont inutiles, Messieurs les journalistes du Monde) bestial, pour lequel, dans le monde politique de notre pays, seuls Jean Luc Mélenchon et sa clique d’idiots utiles de l’islamisme sont capables d’éprouver de l’admiration alors qu’il se conduit comme les assassins du Bataclan, à une échelle malheureusement bien plus massive.

Une fois la surprise passée, je ne doute pas que l’ingéniosité de l’armée et le patriotisme de la population israélienne feront rendre gorge à ce mouvement criminel qu’a toujours été le Hamas et éventuellement à ses alliés . C’est alors, au moment de la victoire israélienne, que les critiques reprendront leur discours utopique, aussi honorable que malheureusement naphtaliné, sur la paix entre les peuples…..

Richard Prasquier

  • Ce qu’est le Hamas

9 octobre 2023

Le terme de rafidites - ceux qui rejettent- est une insulte des sunnites à l’égard des chiites, lesquels rejettent les trois califes successeurs de Mahomet, Abu Bakr, Omar et Othman, qui précèdent le califat de Ali. L’attaque du Hamas a enthousiasmé les mollahs iraniens -il faut entendre le Parlement iranien chanter « mort à Israël et à l’Amérique »-, mais a placé certains extrémistes sunnites dans un dilemme quasiment cornélien. Comment ne pas se réjouir de l’humiliation qui vient d’être infligée à la verrue sioniste, mais comment se satisfaire du fait que les hérétiques chiites iraniens en tirent gloire ? Une seule solution, soutenir de son sang le combat des frères sunnites du Hamas, membres de la confrérie des Frères Musulmans, et faire ainsi de leur victoire une victoire sunnite…..

Et les prêches, relevés ces jours-ci par Memri, l’organisation de surveillance des médias islamiques, s’accompagnent des rappels classiques des traîtrises des Juifs à l’égard de Mahomet ainsi que du fameux hadith sur l’extermination des Juifs dans lequel les arbres qui se mettent à parler disent au croyant le jour du jugement « Musulman un Juif essaie de se cacher derrière moi, tue-le. » Depuis 1988, ce hadith décore (article 7) la charte du Hamas.

Nombreux experts en islamologie avec un faible pour le Hamas ont expliqué que cette charte n’en était pas vraiment une, qu’elle n’avait jamais été ratifiée par un vote (comme si le Hamas s’intéressait aux votes), que son auteur était un marginal d’ailleurs inconnu, que le Hamas avait élaboré une autre charte depuis 2017 et qu’il ne pouvait pas être antisémite puisque les Arabes eux-mêmes…. etc…De fait, dans le tissu d’inepties et d’accusations grotesques que recouvre la charte du Hamas, aucun article n’est autant cité dans les mosquées salafistes que le hadith qui appelle à l’extermination des Juifs.

A ceux qui veulent faire du Hamas un mouvement de libération nationale, émanation sociale du désespoir d’un peuple, il faut rappeler qu’il s’agit d’un mouvement religieux, déclinaison locale des Frères Musulmans dans leur version la plus violente, la plus judéophobe et la plus anti-américaine, matrice de Al Qaida, celle de Sayyid Qutb. Dans la nébuleuse des extrémismes sunnites, les Frères Musulmans sont ceux qui gardent les meilleures relations avec les chiites, car dans sa jeunesse Khomeini était un admirateur de Hassan el Banna, le créateur de la confrérie. Ce qui explique les alliances actuelles….

Il ne s’agit pas d’une discussion académique. Les atrocités du Hamas dont on a eu avant hier un exemple terrifiant ne sont pas les raptus de colère d’une jeunesse exaspérée, comme certains veulent le faire croire. Ce sont avant tout les conséquences d’un mépris abyssal pour l’être humain qui n’honore pas Dieu comme il faut, de même que le nazisme a un mépris abyssal pour l’être humain qui n’est pas de la race qu’il faut. C’est la profondeur de ce mépris qui valorise les horreurs dont le Hamas nous a gratifié et elle est d’autant plus alléchaite qu’elle se prétend d’origine divine. Les images qui nous révulsent sont pour le Hamas des prospectus publicitaires. Puisque Allah le veut….

Au dire de certains spécialistes, tel le général Amidror, qui fut longtemps conseiller de Netanyahu et qui reconnait sa propre responsabilité, la politique sécuritaire israélienne de ces dernières années s’est fondée sur une grave erreur d’appréciation : croire que le Hamas allait se banaliser et devenir un parti avec lequel on pouvait passer des accords. C’est faux : le Hamas est resté un mouvement religieux fanatique, dont la haine envers Israël est le ciment, la drogue et la raison d’être. Aucun accommodement possible.

Il nous faut l’expliquer, encore et encore, autour de nous, même si de telles conclusions heurtent l’humanisme confortable de beaucoup de nos concitoyens, et parfois de nous-mêmes….

RICHARD PRASQUIER

  • Israel, derrière la guerre des armes, la guerre des mots

Chronique Radio J. 12 octobre 2023

Ce matin encore les membres de l’organisation Zaca continuent de collecter des restes humains. Pour ces hommes habitués à l’horreur des attentats, ce qu’ils voient est une abomination qui les marquera jusqu’à la fin de leurs jours. Et il en est de même de tout Israël, il en est de même ailleurs qu’en Israël chez des individus de toute religion ou toute opinion qui ont éprouvé un sentiment de dégoût. Celui ou celle qui ne l’éprouve pas, celui ou celle qui ergote sur les termes, celui ou celle qui tourne autour du pot, celui ou celle pour qui cet événement doit être « contextualisé » suivant un terme qui a beaucoup servi pour noyer la vérité, celui-là, il ou elle, a quitté notre civilisation.

Il ne s’agit pas que de brutes ignares ou de fanatiques sanguinaires . Il y a là des professionnels hautement diplômés, ceux dont Rabelais a dit que science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il y a là ceux et celles qui prétendent défendre les victimes, mais qui sélectionnent les victimes qui les intéressent et transforment les autres en coupables, il y a là des étudiants d’institutions prestigieuses, comme ceux de Harvard, qui viennent de déshonorer leur université par un scandaleux communiqué.

Dans le monde politique, il n’y a pas que la France et son affligeant LFI , devenu la France indigne en même temps que la France islamiste, avec sa clique de porte flingues de la garde rapprochée de Jean Luc Mélenchon, ce caudillo apprenti . Celui-ci a tellement fantasmé sur le président Chavez qu’il a fait sien l’antisémitisme du leader vénézuélien. Il n’y a pas que ces organes de presse parisiens qui répugnent non seulement à parler de terrorisme islamiste, mais de terrorisme tout court du moment qu’il est perpétré par une organisation islamique. Le grand rabbin   d’Angleterre a pointé la BBC, laquelle s’était régalée de l’opinion d’un expert qui avait comparé l’action du Hamas à celle des héros du ghetto de Varsovie.

Il n’y a pas de limite dans la barbarie, pourquoi y aurait-il une dans le mensonge ? On répète comme une ritournelle la phrase de Camus « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Camus en réalité ne pensait pas à la politique, il réfléchissait au problème philosophico-lingistique du mot et de lson rapport avec la réalité qu’il recouvre, mais appliquée à la propagande, cette phrase est d’une terrible actualité.

Pour préciser ce qu’ont été les massacres commis par le Hamas, il faut se lancer dans une comptabilité un peu sordide.

Au festival de musique de Réïm, on compte déjà trois cent personnes assassinées. Pour mémoire, il y a eu au Bataclan, auquel ce massacre fait beaucoup penser, 90 victimes. Nul n’avait eu alors des pudeurs de gazelle pour qualifier l’acte de terroriste, et personne, comme le fait remarquer le Président du Crif, Yonathan Arfi, n’avait alors demandé à la France de faire la paix avec Daech.

Dans les villes de Sderot et Ofakim et surtout dans les kibboutzim, Nahal Oz, Beeri, Kfar Aza, il y a eu un nombre encore indéterminé de centaines de victimes. Pour rappel à ceux qui pourraient l’ignorer, ces kibboutzim sont à l’intérieur des frontières de 1967 .Il y avait à Beeri plusieurs militants de B’tselem, une organisation critiquée par beaucoup d’Israéliens, pas seulement ceux de droite, tellement elle allait loin dans sa défense des Palestiniens. Beeri, dont le Hamas connaissait parfaitement l’orientation, est peut-être le lieu du pire des massacres. Simplement parce qu’ils étaient Juifs…..

En France, à Oradour sur Glane, la division blindée SS « Das Reich » avait assassiné 650 personnes. Les chiffres toujours provisoires des massacres par le Hamas sont de plus de 1200 morts.. On estime que au cours des attentats du 11 septembre, le nombre de tués est 2,5 fois plus élevé, environ 3000 personnes. Mais les États Unis sont 35 fois plus peuplés qu’Israël.

Ce qui s’est passé n’est pas non plus un pogrome car, même quand les autorités laissaient faire et parfois incitaient aux meurtres, les pogromes ont été effectués par des populations civiles, ou éventuellement des troupes irrégulières. Ici, il s’agit des troupes d’élite du Hamas, par exemple les brigades Izz al-Din al-Qassam.

Ils ne portaient pas d’habits militaires, ce qui permet de faire croire qu’il s’agit de la révolte spontanée d’un peuple exaspéré. Il ne s’agit évidemment pas non plus, contrairement à ce que prétend Mlle Panot, de la simple branche militaire du Hamas qui serait autonome, alors que le mouvement serait, lui, parfaitement respectable,. Croire cela est d’une imbécillité sans nom.

Il ne s’agit donc pas d’un raptus de colère, mais d’un comportement prémédité et valorisé. La comparaison qui s’impose est celle des nazis, SS ou nazis islamistes de Daech. Certains nazis hitlériens auraient peut-être, si la technologie avait existé, effectué des selfies pour se glorifier de leurs exploits, mais la règle par rapport à la population civile allemande était la discrétion. Ici, les scènes les plus horribles servent de teasing publicitaire pour stimuler des admirateurs et embraser de fierté et de joie des populations entières. C’est là une rupture anthropologique majeure.

Il faut le rappeler autour de nous : cette guerre concerne tous ceux qui font cas de la morale de la Bible et de l’enseignement des Lumières. Les Israéliens luttent aussi pour nos valeurs et nos démocraties.

Les abominations font déjà partie d’un passé que certains oublieront très vite pour reprendre un discours de paix aujourd’hui vide de sens. Au fur et à mesure que progressera la guerre des armes avec son cortège de drames humains, la guerre des mots s’intensifiera. Ce sera aux dépens d’Israel, comme si ce pays avait le choix, comme si la guerre contre Hitler aurait pu être gagnée en continuant les comportements de Munich et sans faire souffrir aussi des populations civiles.

Les éléments de langage sont connus : le double standard des Occidentaux, la vie d’un enfant Palestinien vaut la vie d’un enfant Israélien, les crimes de guerre ont été commis des deux côtés……Ces allégations sont vicieuses et il faut savoir y répondre.

Car ils seront de plus en plus nombreux ceux que Churchill appelait les « appeasers », les « apaiseurs ». « An appeaser is one who feeds a crocodile, hoping it will eat him last ». Un « apaiseur », c’est celui qui nourrit un crocodile, espérant qu’ainsi, il sera le dernier à être mangé……

Richard Prasquier

  • Réflexions après le discours du Président de la République

Le soutien à Israël solennellement exprimé par le Président Macron au nom de la France, pour lequel il faut lui rendre hommage, s’accompagne « en même temps » de limitations qui le rendraient inopérant. Mettre en garde Israel pour qu’il se cantonne à des opérations « ciblées » contre les chefs du Hamas sans toucher à la population est une injonction moralement confortable mais militairement invalidante. Ces chefs sont les mieux protégés des Gazaouis ; ils se terrent probablement dans des refuges souterrains sophistiqués, préparés longuement à l’avance, peut-être retranchés sous des installations telles que des hôpitaux dont la destruction soulèverait des protestations. Au demeurant, l’élimination ciblée des chefs du Hamas ne résoudrait rien. D’autres dirigeants prendraient immédiatement le relais, fabriqués sur le même moule, bénéficiant des mêmes appuis et voués au même objectif, à savoir la destruction totale de l’Etat d’Israel et si besoin de toute sa population.

Une démocratie est souvent habile à négocier contre ses adversaires, mais elle perd ses repères quand il s’agit de lutter contre des ennemis qui ont d’autres règles de jeu. L’absolu mépris de la vie humaine et la fascination pour la mort pour accomplir ce que l’on croit être l’injonction divine ne sont pas des différences d’opinion, ce sont des données anthropologiques qui ne peuvent pas se résoudre par le dialogue. Israël paie très cher l’illusion d’avoir cru que le Hamas entrerait dans le moule des gouvernements « normaux », c’est-à-dire ceux qui agissent en fonction de normes morales communes.

Le Hamas, il faut le répéter, c’est Daech. A une différence près, c’est que Daech manifeste une forte polarisation anti-chiite et que le Hamas est le surgeon d’un courant fréro-chiite (pour reprendre l’expression de Gilles Kepel) dont l’éventail va -au moins- de l’Iran au Qatar.

Le choc qu’a subi Israël n’est pas de ceux qui permettent des demi-mesures. Les Américains n’ont pas entamé de discussions avec les Japonais au lendemain de Pearl Harbour, et la guerre qu’ils ont menée fut à certains moments impitoyable aux populations civiles. Faut-il rappeler que les bombardements américano-britanniques en Normandie en préparation au Débarquement ont fait 20 000 morts dans la population civile française ? L’ampleur de ces bombardements fut souvent critiquée ultérieurement par les experts au regard de leur efficacité, mais le général de Gaulle n’avait à ma connaissance pas protesté….

Les civils sont rarement épargnés par la guerre, d’autant moins que les organisations terroristes dont l’action conduit à cette guerre ont précisément pour objectif d’entrainer dans leur propre population civile des destructions en espérant que celles-ci provoqueront les protestations des alliés démocratiques de leur ennemi. Il va sans dire que les exactions de ces organisations terroristes ne soulèvent chez leurs propres alliés que les réactions hypocrites d’un pacifisme de façade.

Ces lignes, je les écris avec des crampes d’estomac. Comment accepter l’idée que les conséquences sur les otages puissent être terribles, comment oser même s’exprimer à ce sujet sous prétexte qu’on a la chance de n’avoir aucun de ses proches dans cette épouvantable situation, comment ne pas penser aux drames qui seront occasionnés aux familles de Gaza ? Car ces familles sont de la même humanité que la mienne et ont les mêmes droits à une « vie bonne » que les miens.

J’excepte en revanche de cette humanité ceux qui ont commis ou planifié les abominations qui viennent d’avoir lieu et je suis proche de le faire pour ceux qui s’en réjouissent ou même qui y sont indifférents.

Pour les Israéliens, mener une guerre impitoyable au Hamas n’est pas tant une question de vengeance qu’une question de survie à moyen terme. Lorsque l’on voit comment cette organisation a dévoyé, avec une obstination monomaniaque, les aides qui lui étaient attribuées pour fabriquer une machine de haine et de mort au lieu d’en faire bénéficier sa population, on est certain que le Hamas ne fera que persévérer et que ses capacités mortifères, parce qu’elles ne s’encombrent d’aucune interdiction morale, seront de plus en plus terrifiantes. Les éliminations ciblées n’y changeront rien.

La guerre est toujours terrible, mais quoi qu’en disent les israélophobes, tous les observateurs neutres, il en existe, considèrent que Tsahal est une des armées les plus morales de la planète. J’en suis fier et je lui fais confiance….

Richard Prasquier

  • Victimes

Charles Goldstein, frère du Docteur Marcel Goldstein qui fut un des dirigeants les plus remarquables de la communauté juive de France de l’après guerre, est lui-même ancien maire adjoint de Melun et membre du Comité Directeur du Crif. Mais c’est avant tout un peintre internationalement connu. La Shoah est le noyau incandescent de sa peinture et l’abstraction son moyen d’exprimer l’indicible. Car Charles est un rescapé de la Shoah, où 82 membres de sa famille ont été assassinés,.Dans le village du Lot où sa famille se cachait, il n’a, à l’âge de six ans, survécu, au passage de la sinistre division blindée Das Reich ( celle d’Oradour) que par un improbable concours de circonstances.

Or l’indicible a de nouveau frappé Charles Goldstein.

Le sept octobre, les hommes du Hamas sont entrés dans le kibboutz de Kfar Aza, où habitait sa famille, des sabras d’origine polonaise dont les pères avaient pu quitter à temps la terre où l’ensemble de la famille fut exterminée.

Le fils de son cousin et la fille aînée de celui-ci ont été brûlés vifs et leurs corps ont été retrouvés carbonisés ; son épouse, avec trois autres jeunes enfants n’ont pas été retrouvés. Tout porte à croire qu’ils font partie des otages du Hamas.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les terroristes qui ont commis ces actes abominables n’ont pas déferlé sur ce kibboutz comme s’il s’agissait d’une terre hors d’atteinte, fantasmée dans les rêves de détenus d’une « prison à ciel ouvert ». Non ; beaucoup, et leurs chefs à coup sûr, connaissaient ce kibboutz, car de nombreux palestiniens de Gaza y travaillaient dans des conditions dignes, paisibles et parfois peut-être amicales. Car, comme d’autres kibboutzim voisins, tel le kibboutz Beeri, où eut lieu une boucherie humaine atroce, les habitants faisaient partie de la mouvance sioniste socialiste et étaient proches, parfois extrêmement proches, de la sensibilité palestinienne.

Rien n’y a fait. Ils étaient Juifs et cela a suffi.

Les parents avaient quitté le kibboutz pour quelques jours de vacances en Bulgarie. Il est inutile d’épiloguer sur leur état.

Je ne connais pas personnellement de personnes victimes familiales de cette barbarie innommable, et que certains ne veulent pas nommer terrorisme. Mais les Juifs ne sont pas nombreux et chaque Israélien connait quel<u’un qui pleure la mort d’un proche. Leur histoire doit être contée car les victimes ne sont pas que des noms et encore moins que des chiffres.

Que leur mémoire soit bénie et que leur souvenir ne s’efface pas !

Richard Prasquier

  • Sur des amis douteux et des ennemis habituels

16 Octobre 2023

Ceci est une histoire vraie. Je crains que ce soit une histoire banale.Je pense que c’est une histoire qui fait réfléchir.

Une jeune fille, Française juive, effectue depuis un an ses études universitaires à Madrid. Elle s’y est fait un entourage chaleureux d’amis étudiants, avec lesquels les relations sont d’autant plus étroites que chacun est un expatrié. Parmi eux, plusieurs musulmans, originaires du Maroc ou d’Egypte.

L’histoire des conflits au Moyen Orient, la question d’Israel et des Palestiniens, celle de l’antisémitisme et de l’islamisme radical, tout cela ne faisait pas vraiment partie de leurs conversations. Ils parlaient de la vie des jeunes en général, et celle des jeunes en Israël était discutée avec sympathie.

Des amis, en fait des amis proches…..

Le lundi 9 octobre cette jeune fille lit sur leurs comptes des déclarations telles que : Israël se conduit en nazi, il masque ses propres crimes en trafiquant des images, il cherche à anéantir les Palestiniens, le combat du Hamas est un combat juste et glorieux, etc….

Choc psychologique, fin de l’amitié, retour en France pour souffler. Impression aussi que tout débat serait inutile devant la déferlante des accusations, car les informations véhiculées par les media « mainstream » seraient rejetées puisque ces medias sont « aux mains des sionistes ».

On sait, et l’historien Georges Bensoussan insiste là-dessus, que l’action génocidaire est accompagnée ou suivie d’une démarche négationniste : « Ces événements ne se sont pas produits et ceux qui disent qu’ils ont eu lieu (les Juifs, les sionistes, les impérialistes, etc…) et osent en accuser des innocents (les palestiniens, les musulmans, etc,….), confirment par là-même qu’ils sont racistes et islamophobes et qu’ils ne reculent devant aucun mensonge ».
Une autre ligne de défense est celle du renversement de causalité : « Il y a bien eu quelques regrettables excès, mais ils ont été engendrés par le trop plein de désespoir provoqué par une situation épouvantable, dont les victimes étaient malgré tout, d’une certain façon, des co-responsables ». Cette ligne-là, plus attirante pour qui se targue de respecter la vérité factuelle, est largement fréquentée par les bonnes âmes humanistes.

Une situation inédite est celle où les assassins, tortureurs, violeurs, décapiteurs se vantent de leurs actions et les dévoilent au monde grâce aux moyens modernes de diffusion. Cela implique une jouissance qui s’allie mal avec un soi-disant acte de désespoir.

On pourrait donc penser que dans un cas aussi patent que les atrocités commises par le Hamas, d’une part le négationnisme serait impossible et d’autre part que l’individu normal répugnerait à manifester une solidarité avec des monstres.

Il n’en est rien.

D’abord, il est facile de cantonner ces crimes à quelques individus « non représentatifs ». Le fait que ces assassinats étaient planifiés, comme on l’a découvert à la lecture d’instructions retrouvées sur un cadavre d’un membre du Hamas, n’affleurera pas la conscience. Impressionnante par ailleurs a été la liesse des foules dans le monde musulman, y compris dans des pays qui sont loin de l’épicentre palestinien avec, pour le moins, une large indifférence pour les atrocités commises par l’organisation terroriste palestinienne.

Cela n’empêche pas que le discours irénique sur des population palestiniennes et arabes entièrement pacifiques, défendues par des mouvements légitimes de libération nationale comme le Hamas, dépeint comme opposé aux exactions, continue d’exalter certains militants d’extrême gauche. Pourquoi ne pas croire un Salah Arouri, un des chefs du Hamas, posté à Qatar, qui déclare à une télévision britannique : « Hamas n’attaque jamais des civils » en omettant de préciser que, pour lui, il n’existe pas de « civil » israélien…..

Pour maintenir une telle position, il faut ensuite ne pas tenir compte des images postées par les assassins eux-mêmes.

C’est aujourd’hui facile.

La civilisation de l’image est devenue celle de la falsification de l’image. Rien de plus simple que de rejeter des images dans un monde où certains pensent que la terre est plate, que l’homme n’a jamais mis les pieds sur la Lune et que le 11 septembre est une fiction.

Il suffit de dire que ces images ont été falsifiées : le négationniste esquive ainsi le test de vérité qu’était censée apporter la preuve visuelle des faits. La technique autorise aujourd’hui toutes les manipulations, et la victime devient le coupable, soit qu’on la transforme en auteur des faits reportés, soit qu’on en fasse le fabricant de faits inexistants. Il n’y aurait donc jamais eu d’enfants décapités et ceux qui veulent le faire croire sont d’ignobles menteurs…….

Mais il reste finalement la principale question, comment des élucubrations aussi grotesques peuvent-elles être reprises par des individus sensés ? Comment des étudiants musulmans plutôt ouverts au dialogue peuvent-ils, contre toute vraisemblance, accuser Israël d’être responsable d’atrocités alors même qu’ils gomment de leur discours et probablement de leur esprit toute référence aux atrocités malheureusement bien réelles commises par le Hamas ? Antisémitisme jusque-là refoulé ? Je ne crois pas que cette réponse suffise, ni même qu’elle soit toujours pertinente.

L’invraisemblable crédulité de certains individus, et/ou leur réticence à se désolidariser avec des criminels, ne sont pas des réactions psychologiques bien explorées. Elles méritent de l’être, car elles pèsent sur l’économie mentale de l’homme en société.

Peut-être la jeune fille étudiante de Madrid pourra-t-elle alors renouer un jour avec ses anciens amis.

Mais cela vaut pour le futur.Pour l’instant pour Israël, c’est la guerre, et pour nous, la déception de voir que certains que nous considérions comme nos amis soient absents au rendez-vous de la vérité, de l’effroi et de l’empathie.

Heureusement, il y a les autres…..Merci à eux…
Richard Prasquier

  • Après le retour d’Israël

Sous l’égide du Crif, une délégation de responsables communautaires juifs a effectué en Israël un voyage bref, intense et bien organisé. On y a vu le Président du Consistoire   de Paris et le Coprésident du Mouvement Libéral deviser amicalement. Etre unis est la seule attitude décente aujourd’hui et les Israéliens nous donnent l’exemple.

Ils ne donnent pas quitus à leurs dirigeants politiques, loin de là, mais l’heure n’est pas aux règlements de compte. Pour suppléer aux carences de l’Etat avant et après le drame, il s’est développé dans la société civile un mouvement d’une ampleur, d’une ingéniosité et d’une force intérieure admirables. Le slogan « beyahad nenatseakh » : ensemble nous vaincrons, est omniprésent. Des ultra-orthodoxes   s’engagent dans l’armée. Des arabes mettent en avant leur citoyenneté israélienne, des bédouins ont essayé de sauver des Juifs. Il faut éviter l’angélisme, mais cette société israélienne qu’on pensait si divisée se révèle extraordinairement solidaire.

A proprement parler, ce voyage ne nous a rien appris que nous aurions ignoré. Mais connaitre l’histoire ne suffit pas pour intérioriser l’ampleur de l’événement, l’étendue humaine du massacre, l’atrocité du ravage des corps. et la profondeur du traumatisme collectif.

Des containers réfrigérés renferment encore, non identifiés tellement ils sont abîmés, des centaines de corps ou de fragments de corps sectionnés avant l’assassinat de ce qui fut un être humain avec son histoire particulière. Des fragments que, parfois, il a fallu, tellement ils étaient carbonisés, les passer au scanner médical pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas de morceaux d’un arbre brûlé.

Il faut lire la détresse dans les yeux de ceux qui se sont portés volontaires pour le travail d’identification et de réajustement des cadavres qui permettra l’enterrement.Des Juifs orthodoxes  , parfois des femmes, une avocate dans le civil pour notre groupe, qui resteront hantés par ces souvenirs.

Un traumatisme collectif pèse sur tout Israël, mais ce traumatisme est aussi le nôtre. C’est bien plus qu’un pogrome qui a eu lieu. C’est un génocide planifié qui a connu un début sinistre de réalisation. Ce ne sont pas des foules enflammées qui se sont précipitées dans le désordre, ivres de sang et de violences, ce sont des soldats qui avaient pour instructions de tuer, de mutiler, de violer, d’humilier et de capturer, instructions qu’ils ont suivies avec discipline et enthousiasme.

Ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces nourrissons et ces vieillards n’ont pas été assassinés un à un parce qu’ils étaient des soldats. Il était indifférent pour les tueurs qu’ils fussent des militants de la paix ou des partisans du grand Israël. Ils étaient Juifs ou travaillaient avec des Juifs, comme ces malheureux ouvriers thaïlandais. Ils habitaient un pays où ils n’avaient pas le droit de vivre. Point.

Ceux qui disent que le Hamas n’est pas comme Daech ont raison. Le Hamas est pire que Daech, qui s’appuyait au moins sur des règles religieuses, aussi abominables qu’elles fussent. Ici tout a été permis et il est accablant de constater que les centres théologiques musulmans sont restés silencieux, quand ils n’ont pas été enthousiastes. Al Azhar, qui n’arrête pas de fustiger l’intervention israélienne, n’a pas eu un mot pour condamner les crimes du Hamas.

Après le massacre du 7 octobre, je n’ai été surpris ni par la déferlante qui sous le cri du djihad, Allah hou Akbar, a emporté les pays musulmans, ni malheureusement par les manifestations sous le même cri dans les pays qui ne le sont pas encore.

Mais lorsqu’une moitié de la jeunesse américaine soutient le Hamas, et que les étudiants des universités les plus prestigieuses comme Harvard manifestent en sa faveur, je me dis que le travail de décérébration mené par le wokisme et l’intersectionnalité des luttes nous place, nous les Juifs de la diaspora, à la croisée des chemins. Il ne suffit pas de nous informer minute par minute de l’évolution du conflit et de jouer au stratège en chambre pour notre groupe WhatsApp. Il faut lutter pour soutenir efficacement et non théoriquement les Israéliens qui mènent un combat existentiel, car ce combat est le nôtre.

Le mantra paresseux et imbécile du cessez le feu qui permettrait aux deux peuples de vivre en paix côte à côte, réapparait de tous côtés. Les Juifs qui ont assez payé pour savoir qu’il n’y a pas de traité de paix qui tienne avec des fanatiques génocidaires seront de nouveau traités de va-t-en guerre. Tant pis.

La lucidité est désagréable à dire, mais l’histoire nous interdit de nous taire.

RICHARD PRASQUIER

  • Après une résolution de l’ONU

Le 27 octobre, 121 nations ont approuvé à l’Assemblée générale de l’ONU une résolution jordanienne réclamant un cessez-le-feu immédiat et prolongé à Gaza, un passage humanitaire d’aliments, d’eau et de carburant et la libération de tous les civils.

Pas un mot de condamnation du Hamas dans cette résolution. La France l’a cependant votée, ainsi qu’une minorité de pays de l’Union européenne (Espagne, Irlande, Belgique, Luxembourg, Malte et Slovénie…), malgré les fortes paroles qu’avait prononcées le Président Macron sur les crimes commis par cette organisation.

Nouvelle et caricaturale manifestation du « en-même- temps » macronien, oeillères anti-israéliennes du Quai d’Orsay ou gage accordé aux Qataris dans une négociation en coulisses sur la libération des otages de nationalité française ?

L’Assemblée Générale de l’ONU, deux ans avant le cinquantenaire de sa honteuse résolution assimilant le sionisme à un racisme, vient de confirmer que ses votes ne doivent pas être pris au sérieux.

La situation des habitants de Gaza est objectivement terrible, mais Israël en est-il le seul responsable ?

En ce qui concerne les carences en eau, il y a longtemps que des spécialistes soulignent que sa très mauvaise qualité est liée au fait que du matériel de pompage et de canalisation financé et même délivré par l’Union européenne a été détourné par le Hamas pour être réemployé dans la fabrication d’armes. Quant au carburant, dont une partie provenait d’Israel et était livrée à perte, puisque l’Autorité palestinienne n’honorait pas les factures, il a été massivement dérouté par le Hamas pour ses besoins militaires.

En ce qui concerne les civils, Israel regroupe leurs coordonnées, bloc d’immeubles par bloc d’immeubles, les prévient qu’il y aura un bombardement et leur demande de quitter leur local. Aucun pays dans aucune guerre ne s’est donné autant de mal pour réduire l’ampleur des pertes civiles, malheureusement inéluctables. Certes, les déplacements occasionnent des drames humains, populations démunies fuyant vers le sud de l’enclave, exode habituel des situations de guerre. 200 000 Israéliens aussi ont dû abandonner leurs habitations dans des conditions incomparablement meilleures, mais néanmoins très difficiles. Les pertes civiles annoncées sont élevées et les observateurs en sont réduits à reprendre les chiffres donnés par le Hamas qui, entre autres, mélange civils et militaires. En Israël, par contraste, les pertes civiles sont minimes mais on oublie que sans le Dôme de fer il y aurait des ravages dans la population israélienne ciblée systématiquement par l’organisation palestinienne. Les Ukrainiens, dont le soutien a été impeccable dans ce drame, ont compris pourquoi Israël ne pouvait pas leur livrer le Dôme de fer, dont il avait un besoin vital.

En tout cas, assimiler des départs préventifs à un processus d’épuration ethnique comme on l’entend couramment, c’est préférer voir les civils être tués sous les bombardements. C’est exactement le choix du Hamas qui empêche ces départs, espérant que les morts exacerberont la colère mondiale contre Israël….

La boucle est aujourd’hui bouclée, les monstruosités commises le 7 octobre sur instructions du Hamas s’effacent de la mémoire, leur réalité même est parfois mise en doute alors que les preuves proviennent des témoignages visuels exhibés par les assassins eux-mêmes. « Business as usual » pour la communauté des bonnes âmes israélophobes. Ceux qui ne vacillent pas devant la propagande savent que le crime de ce jour-là, qui correspondrait proportionnellement à l’assassinat de 40 000 Américains ou 12 000 Français dans des conditions souvent horribles, n’est pas ceux qu’il est possible de pardonner en un revers de main et qu’il n’a rien, mais vraiment rien à voir avec les « crimes que commettent tous les jours la soldatesque et les colons israéliens à l’encontre des Palestiniens » suivant une formule répétée ad nauseam.

Ce crime n’a pas été une réaction à l’occupation des terres palestiniennes, comme cela a été abondamment répété dans les discours de soutien à la honteuse motion de l’Assemblée Générale de l’ONU. A croire d’ailleurs que certains orateurs ignoraient que Gaza n’est plus occupée par les Israéliens depuis près de 20 ans….

Prétendre aujourd’hui qu’un accord sur la base de deux états indépendants est « la »solution magique qui amènerait la paix en un tournemain est une pathétique illusion ou une perfide hypocrisie. Beaucoup de ces Israéliens qui furent assassinés, brûlés, violés, découpés et décapités dans les villages ou dans la « rave de la paix » étaient justement d’actifs militants de la paix et des partisans déterminés de l’amitié israélo-palestinienne.

Les assassins le savaient car beaucoup de gazaouis travaillaient paisiblement dans ces villages. Leurs crimes ne sont donc nullement des excès, repréhensibles mais compréhensibles, d’une population poussée à bout, comme le prétendent certains, soucieux du « contexte » et réticents à les appeler actes de terreur. Ces actes sont en fait des préliminaires génocidaires, fruits d’une idéologie suivant laquelle les Juifs n’ont pas le droit de vivre sur cette terre. Le peuple juif a déjà connu une idéologie de ce type…

A ce niveau de drame, la lucidité est pénible, mais le déni est coupable. Le Hamas n’est pas un mouvement politique avec lequel des accords sont possibles : c’est apparemment l’évolution qu’avait espérée le gouvernement israélien et on voit les conséquences de cette illusion. Le Hamas est un mouvement religieux fanatique et totalitaire qui terrorise ses adversaires, tient en otage sa population et décervelle sa jeunesse. Son combat, celui des Frères Musulmans, dont il n’est qu’une succursale particulièrement brutale, ne se limite pas à l’élimination physique de l’ennemi sioniste. Il a en point de mire l’Occident chrétien qu’il veut faire entrer dans le « Dar al Islam », comme l’écrit sa charte et comme vient de le rappeler en pleine guerre de Gaza, un des ses fondateurs, Mahmoud Zokhar.

Aujourd’hui, un cessez-le-feu « prolongé » qui laisserait le Hamas en place, l’installerait comme le parangon de la lutte armée contre l’ « humiliation » des musulmans et en ferait le héros auprès des masses musulmanes de la « résistance » contre le sionisme, l’américanisme, l’impérialisme et l’Occident croisé. Vouloir un tel cessez-le-feu, c’est ressembler aux pacifistes angéliques d’un apaisement avec les nazis.

Cette guerre est terrible. Le drame des otages lui donne une coloration pathétique et la politique du pire constamment pratiquée par le Hamas à l’encontre de sa propre population laisse présager un drame humanitaire de grande ampleur. Cette guerre n’est pas due au refus par les Israéliens de compromis territoriaux. C’est pour ce pays une guerre existentielle et pour les démocraties ouvertes et tolérantes le signal d’alerte d’une guerre de civilisation qui menace leur très proche avenir.

Cette guerre a généré en Israël une réaction d’unité de la population et une détermination en face desquelles les tentations munichoises de certains citoyens de ces démocraties font bien triste figure…..

RICHARD PRASQUIER

  • L’influenceuse, le journaliste et le secrétaire général, trois faussaires de la haine contre Israel

9 novembre 2023
D’un côté, Asher Moskowitz. Barbe mal taillée, kippa, papillotes, une voix grêle et un regard triste, c’est un des volontaires de Zaka à qui incombe la tâche d’identifier les corps Interrogé le 1er novembre, il parle d’un cadavre qu’il avait reçu de Kfar Aza , un nouveau-né horriblement gonflé avec un fragment de métal fiché dans son corps. C’était, lui a-t-on dit, un morceau du four à l’intérieur duquel le bébé avait été cuit, pendant que ses parents étaient assassinés
L’influenceuse s’appelle Warda Anwar, pseudo Haneia Nakai,. Elle est jeune, maquillée, sa voix est enjouée et sa présentation, postée sur Instagram, porte sur un sujet grave. Avec quoi avait-on assaisonné ce « gigot de bébé » ? Du sel, du poivre ? Un peu de thym ou du romarin peut-être ?
Certains ont détesté, mais des centaines de « followers » ont apprécié, pardon « liké », sa video, et en ont rajouté : cette histoire de bébé dans un four est un fake ; ou bien, cuire un bébé, ça s’est déjà fait, mais c’était une habitude de l’Irgoun ou bien encore, Israël accuse les Palestiniens d’un crime que lui-même a commis. Le Hamas ne tue jamais les enfants…etc, etc…….Les arguments sont minables, mais l’argumentaire est moderne. Car ce qui compte n’est pas la vérité, mais la construction d’un narratif qui confirme les préjugés..
Le négationnisme du 7 octobre est en marche et l’humour est une de ses armes. Dieudonné avait compris que pour nier la Shoah, faire faire une quenelle était plus efficace, moins risqué et plus amusant que de discourir sur les propriétés physico-chimiques du Zyklon B.
L’humour, c’est un inverseur de sentiments. l’humour juif a été un bastion protecteur pour inverser la détresse de l’existence. Mais l’humour d’agression, celui dont Bergson a écrit que c’est une anesthésie momentanée du coeur, inverse le sentiment d’empathie. Il permet de se moquer d’un bébé assassiné. Et finalement, torturer et faire des selfies de ces tortures, n’est-ce pas aussi une façon de faire de l’humour sur le corps déshumanisé des ennemis israéliens ?
C’est pourquoi l’humour de caniveau de l’influenceuse, il faut le prendre au sérieux. C’est un teasing pour provoquer des abominations…..
Puis, il y a les journalistes. Eux recueillent des informations. Ils nous les livrent en faisant appel à notre raison. Ils nous font réfléchir., éventuellement, nous engager. Quand ils s’expriment dans des medias respectés, nous faisons confiance à leur parole. C’est rai dans un monde idéal. Gaza n’est pas un monde idéal.
Nous sommes le 10 octobre, avant l’offensive israélienne, et le Hamas n’a pas du tout la cote dans l’opinion. Frédéric Métezeau, ancien correspondant de Radio France, se lâche. Il vend la mèche sur les conditions de travail des journalistes à Gaza. Le Hamas assigne au journaliste étranger un fixeur qui est son intermédiaire obligatoire auprès des habitants. Ce fixeur est pénalement responsable, je dis bien pénalement responsable et le droit pénal gazaoui, s’il en existe un, n’a pas, comme le nôtre, aboli la peine de mort, de la teneur des informations publiées par le journaliste. Inutile de dire que celui-ci va écrire avec « doigté » pour ne pas heurter le Hamas. L’excellent site Infoéquitable insiste sur le caractère inouï de cette révélation. Elle réduit à zéro la crédibilité des informations sur Gaza, toutes passées sous la moulinette impitoyable d’une organisation terroriste. Cela n’a pas empêché la presse de répéter les chiffres et les explications du Hamas comme s’il s’agissait d’une information fiable. Il faut bien travailler et la soumission a finalement entrainé la connivence.
Certains médecins avaient écrit dans le passé que le tabac ne provoquait pas le cancer du poumon, sans révéler qu’il étaient salariés par Philip Morris. Cette époque est depuis longtemps révolue.
Pourquoi le public qui est censé tirer des conclusions rationnelles à partir des informations des journalistes , n’aurait-il pas besoin de savoir quand ces informations n’ont aucune fiabilité ?
Enfin, le Secrétaire Général des Nations Unies Si on s’en tient aux principes sur lesquels a été fondée l’Organisation des Nations Unies, cet homme est en quelque sorte la conscience morale de l’humanité.
Ce n’est pas le cas, M. Antonio Guterres qui n’avait rien dit ni sur les Ouighours, ni sur l’agression azérie dans le haut Karabagh a montré depuis le 7 octobre une partialité anti-israélienne telle que certains ont demandé sa démission. Celle-ci n’aura pas lieu, car la majorité des pays de l’ONU partagent les partis pris du Secrétaire Général.
Gaza est aujourd’hui , dit-il, un cimetière pour les enfants. Il ne met pas en doute la proportion de 40% donnée par le Hamas et n’a jamais critiqué l’usage des boucliers humains et des enfants en particulier. Il n’a pas critiqué non plus la scandaleuse insinuation par des rapporteurs de l’ONU aux Droits de l’Homme, dont les biais anti-israéliens sont connus, qu’Israel commet un génocide à l’égard des Palestiniens alors qu’ils s’étaient gardés d’utiliser ce terme quand des Israéliens, du foetus au vieillard avaient été massacrés par le Hamas le 7 octobre.
Le petit mot de ‘mais’, comme l’explique Philippe Val, permet de renverser insidieusement le sens d’une phrase. Le Hamas, avait dit M.Guterres avait commis des actes de terreur injustifiables, « mais » il faut tenir compte des 56 ans d’une accablante occupation israélienne. Moi qui croyais que Gaza n’était plus occupée depuis près de 20 ans………
Il semble que M. Guterres n’ait pas lu la charte du Hamas. Il est vrai que certains n’avaient pas lu Mein Kampf et expliquaient la violence des nazis par la sévérité du traité de Versailles ; En ce 85e anniversaire de la Kristallnacht, rappelons tout de même que ce sont les Juifs qui furent condamnés à payer au Reich une énorme amende et que le monde a finalement bien peu protesté…
Inversion de l’empathie par une influenceuse flattant un public débile, abandon de l’objectivité par un journaliste qui ne dit pas que son information est produite sous contrainte, inversion des responsabilités par un Secrétaire Général qui répète les biais anti-israéliens de la majorité des pays de l’ONU et de son administration : sur les registres du sentiment, de la raison et de la morale, voilà trois chemins de déformation.
Leur résultat est d’ouvrir les vannes à la haine contre Israël et à l’antisémitisme qui l’accompagne systématiquement. Il faut en être conscients et y répondre de façon adaptée.
Autant que nous le pouvons…..
RICHARD PRASQUIER

Un témoignage de l’antisémitisme à Montréal
  • Un génocide à Gaza ? Une réponse à Didier Fassin

Par Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom

Dans une Opinion publiée par AOC le 1er novembre, Didier Fassin pointait à propos de la situation à Gaza le spectre d’un génocide. Des chercheurs en sciences humaines et sociales lui répondent.
Le 7 octobre 2023, l’État d’Israël a été attaqué sur son territoire souverain, celui qu’à la suite de ce que Raul Hilberg a appelé « la destruction des Juifs d’Europe » par l’Allemagne et ses complices, la communauté internationale lui avait reconnu lors du partage de la Palestine mandataire décidé à l’ONU le 29 novembre 1947. La zone dans laquelle ont été perpétrés les massacres et les exactions que l’on sait, n’était pas située dans les colonies illégales en Cisjordanie occupée depuis la guerre de juin 1967, mais dans les frontières à l’intérieur desquelles l’Etat d’Israël a le droit et l’obligation de protéger sa population.
Pour cette raison, le soutien à la guerre qu’Israël mène actuellement contre le Hamas à Gaza est légitime, dans les limites posées par le droit international humanitaire. Dans cette guerre il y a certes beaucoup trop de victimes civiles. Israël a le devoir absolu d’épargner chaque vie civile dans la mesure de ses possibilités et de respecter le droit humanitaire. Normalement, cette obligation devrait s’imposer également au Hamas qui est certes une organisation terroriste, mais aussi le gouvernement du territoire de Gaza. À ce titre lui incombe le devoir de protéger la population sous sa responsabilité plutôt que de l’exposer volontairement, de libérer immédiatement les civils israéliens que ses commandos n’auraient jamais dû prendre en otage, et de traiter les soldats capturés en accord avec la convention de Genève. Ici, la symétrie s’impose. Exempter le Hamas de respecter le droit universel revient paradoxalement à mépriser la partie jugée la plus faible.
Depuis le 7 octobre cependant une description concurrente se fait massivement entendre qui reprend une vieille antienne. Elle énonce que ce jour-là, Israël n’a pas été attaqué par un groupe terroriste, mais a été la cible d’un acte de résistance à l’occupant, ou alors d’une offensive militaire inscrite dans une lutte de décolonisation, initiée en 1948, encore et toujours perdue. Ceci revient à contester explicitement le plan de partage de 1947 sur lequel repose toute solution à deux Etats.
Dans un article récent publié par le quotidien AOC, Didier Fassin, professeur au Collège de France, incarne cette narration qui conteste frontalement le droit à l’existence de l’État d’Israël, et par conséquent son droit de se défendre.
Si l’égalité de traitement des victimes des deux parties en conflit qu’il réclame avec force se traduit chez lui par une attention manifeste aux souffrances des Gazaouis et une indifférence complète aux civils israéliens, c’est, semble-t-il, que toute la responsabilité de la violence pèse sur l’État d’Israël : le Hamas en est exonéré par principe. La réaction israélienne aux massacres du 7 octobre n’est pour Didier Fassin qu’un épisode de plus dans la longue série de la répression des guerres de libération initiées par les colonisés afin de s’affranchir de la domination du « colonisateur » juif-israélien. Il s’ensuit que rien ne saurait ternir le prestige d’une opération, fût-elle exterminatrice, dès lors qu’elle vise à libérer la Palestine de « l’occupant ». À cette aune, le crime de masse devient un motif de gloire.
Faire des Juifs des colonisateurs allochtones, qui plus est inscrits dans une logique génocidaire, voilà comment Didier Fassin s’efforce de saper la légitimité même de l’existence de l’Etat d’Israël.
Fort de ce cadre d’analyse colonial, Didier Fassin y introduit une comparaison particulièrement perverse, au sens propre du terme, qui consiste à imputer à la victime la responsabilité du crime qu’elle a subi. C’est pourquoi il tient à inscrire la conduite d’Israël dans l’héritage terrible du colonialisme allemand. Les Juifs israéliens, à l’instar des colons allemands en Namibie au début du 20e siècle, avec le soutien de la métropole – mais comme il n’y en a pas dans le cas présent, nous devons peut-être considérer que la juiverie internationale et les États-Unis qui sont, on le sait, une seule et même chose, remplissent cette fonction ? – disposent des moyens techniques pour écraser les autochtones démunis comme le sont les Palestiniens héroïquement défendus par le Hamas.
Comme les maîtres du deuxième Reich précurseurs du troisième, ces Juifs israéliens, après chaque révolte de ceux qu’ils considèrent à peine comme des hommes, intensifient leur cruelle répression, au point que l’on peut craindre qu’ils ne décident de les éliminer définitivement, comme les Allemands l’ont fait avec les autochtones de Namibie. Et vu l’ampleur des dommages que les commandos du Hamas ont causés aux « colons juifs » le 7 octobre, on peut raisonnablement redouter un génocide des Palestiniens victimes de l’État colonial juif.
Dans ce récit, les Juifs sont donc étrangers à la Palestine. À l’instar des colonisateurs français, belges ou britanniques partout où ils dominaient, ils « occupent » ce qui ne leur appartient pas. Mais le choix du cas allemand correspond à une stratégie assumée : les Juifs sont disposés à éliminer de manière allemande les autochtones. Faire des Juifs des colonisateurs allochtones, qui plus est inscrits dans une logique génocidaire, voilà comment Didier Fassin s’efforce de saper la légitimité même de l’existence de l’Etat d’Israël.
Cette ambition de venir à bout des « deux mythes fondateurs de la politique israélienne », pour parler comme Roger Garaudy dont le militantisme anticolonial avait abouti finalement à un négationnisme assumé, si elle n’était aujourd’hui soutenue par un professeur au Collège de France, ne mériterait qu’un mépris silencieux. Alors que la relativisation de la Shoah fut longtemps portée par l’extrême-droite allemande, à laquelle l’historien Ernst Nolte donna un crédit inespéré, elle est aujourd’hui devenue l’affaire des idéologues décoloniaux qui prolifèrent et dont Didier Fassin est l’un des prophètes les plus éloquents.
En niant leur lien historique avec la Palestine et en prêtant une intention génocidaire à ceux qui édifièrent un État pour se prémunir de toute récidive génocidaire, Didier Fassin réactive un geste antisémite classique qui procède toujours par inversion : accuser les Juifs d’être coupables de ce que l’on s’apprête ou que l’on fantasme de leur faire subir. Sur ce point, la rhétorique du Hamas, hors de portée critique pour Didier Fassin, est limpide.
Faut-il le rappeler, l’accusation d’empoisonner les puits portée contre les Juifs du Moyen-Âge, était à chaque fois le prélude à leur expulsion ou à leur massacre. D’ailleurs, Didier Fassin souligne que la répression en Namibie passa aussi par l’empoisonnement des puits d’eau des Héréros afin de les éliminer, allusion dont il espère probablement que ses lecteurs ne la comprendront pas trop vite, tant elle est indigne. On frémit à l’idée qu’un professeur, doté des plus hauts titres, déchoit à ce point.
Il est juste d’écrire qu’une vie vaut une vie. Voilà une équation simple à laquelle on acquiesce sans réserve. Choisir son camp quand il en va de vies civiles perdues est absurde. Les civils palestiniens qui meurent à Gaza sous les bombardements israéliens méritent autant de compassion que ceux massacrés par le Hamas. Mais la leçon de symétrie humanitaire dispensée par Didier Fassin est surdéterminée par une grille de lecture qui ne cesse de nous signifier qu’une vie juive vaut bien moins que toute autre, et que la réalité de la violence antisémite doit s’effacer derrière le racisme et l’islamophobie.
Et pourtant, il faut choisir son camp quant à la question de savoir si l’on reconnaît ou non un droit d’existence à l’État d’Israël. Si on le lui reconnaît, alors le massacre de civils, visés intentionnellement sur son territoire souverain, lui ouvre le droit non seulement de se défendre, mais de prendre les mesures nécessaires pour que jamais cela ne puisse se reproduire, donc à éliminer le Hamas dont c’est le programme. Qu’il soit irréaliste de penser qu’il y parvienne est une question ouverte ; que le coût pour Israël et les Gazaouis soit trop élevé l’est aussi. Mais cela ne doit pas servir de paravent à ceux qui, sans jamais le confesser publiquement, prêchent les vertus du cessez-le-feu et de la paix en fantasmant la destruction de l’État d’Israël.

  • Une otage irlandaise

30 Novembre 2023

Emily Hand est une fillette de 9 ans dont la mère est morte il y a sept ans. Elle avait passé la nuit dans la maison d’une copine quand les terroristes sont arrivés au Kibboutz Beeri. On pensait qu’elle avait été assassinée et son père avait déclaré qu’il préférait savoir son enfant morte plutôt que de l’imaginer dans les mains du Hamas. Trois semaines plus tard, il a appris que Emily faisait partie des otages. Le 25 novembre elle a été libérée après 50 jours de captivité ; elle ne parle plus, elle chuchote, apeurée, car pendant sa détention, elle n’avait pas le droit de faire du bruit.

Comme les autres enfants libérés, dont on découvre les conditions de détention, puisse Emily surmonter sa terrible épreuve avec l’aide des professionnels et de sa famille……

Une particularité de Emily Hand est sa nationalité irlandaise. Son père était venu en volontaire au kibboutz Beeri il y a trente ans et il y est resté. Sachant que sa fille était vivante, Tom Hand était parti Il y a deux semaines en Irlande pour alerter les responsables politiques. Il avait été reçu avec sympathie par Leo Varadkar, le Premier ministre irlandais.

A la libération d’Emily, celui-ci a manifesté sa satisfaction dans un tweet qui restera comme modèle de litote et de déni : « Une enfant innocente qui était perdue a été retrouvée, et rendue à sa famille. Notre soulagement est immense, car nos prières ont été entendues ».

« Une enfant perdue et retrouvée… ». De bonnes âmes sont venues à la rescousse, en prétendant que c’était une référence à la parabole du fils prodigue, qui était perdu et a été retrouvé. Eli Cohen  , Ministre des Affaires Etrangères israélien, qui n’est peut-être pas un lecteur assidu de l’Evangile de Luc, a conseillé au Premier ministre irlandais de faire un « reality check », autrement dit de reprendre ses esprits.

M. Varadkar est médecin, gay, d’origine indienne ; il dirige un parti du centre droit, le Fine Gael, et même s’il a été élevé dans le catholicisme, il n’est pas un Irlandais tout à fait standard. Il semble d’ailleurs moins anti-israélien que beaucoup d’hommes politiques de son pays.

Car l’hostilité à Israël fait consensus en Irlande. La demi-soeur de Emily Hand a révélé que l’hotel que son père avait réservé à Dublin a refusé de l’accueillir en apprenant qu’il était Israélien. Le gouvernement irlandais a toujours été à l’avant poste européen des critiques contre Israël. Il est vrai que la Belgique et l’Espagne sont aujourd’hui sur le point de le rattraper…..

Dans l’échiquier politique irlandais, très particulier, tant il est noué à l’histoire du pays et ne correspond pas forcément aux clivages socio politiques habituels, le Sinn Fein, le parti révolutionnaire historique, qui espère gagner les élections de l’année prochain, est probablement le parti le plus engagé dans La Défense des Palestiniens. Ce parti avait presque disparu après la signature du traité d’indépendance et de partition de l’Irlande, en 1922, et c’est le Fianna Fail, le parti de Eamon de Valera, le père de la nation irlandaise, qui dominait la vie politique. Le Sinn Fein a repris sa vitalité en soutenant l’Armée Révolutionnaire Irlandaise dans son combat en Irlande du Nord contre l’Angleterre depuis les années 1960 jusqu’aux accords du Vendredi Saint en avril 1998. Son chef pendant 30 ans, Gerry Adams, n’a jamais manqué l’occasion d’enfiler un keffieh et de manifester son soutien aux Palestiniens. La présidente actuelle, Mary Lou Mc Donald, traite Israël d’état d’apartheid, mais elle a qualifié les événements du 7 octobre de « vraiment horribles », ce qui l’a mise en porte-à-faux avec beaucoup de ses partisans, qui défendent le Hamas coûte que coûte.

Dans cette hostilité permanente à Israël, certains pointent le rôle sous-jacent d’un clergé catholique très conservateur et encore très influent sur une grande partie de la population. C’est sous son influence que le gouvernement irlandais n’a reconnu diplomatiquement l’Etat d’Israel que après que le Vatican l’eut fait…

Il y a la dérive nazie de certains héros de la révolte anti britannique, qui restent honorés aujourd’hui encore. Eamon de Valera, lui-même, qui a maintenu la neutralité irlandaise pendant la guerre, n’a accepté l’entrée d’aucun réfugié Juif mais n’était pas favorable au nazisme, a déposé le 2 mai 1945 ses condoléances à l’Ambassade d’Allemagne après le suicide de Hitler...

Enfin, la population musulmane, aujourd’hui proche de 100 000 personnes, a augmenté de près de 30 fois en 30 ans, alors qu’elle était comparable à la population juive.
Mais ces facteurs n’expliquent pas la virulence de l’Israélophobie en Irlande. Les sondages n’indiquent pas un antisémitisme plus virulent qu’ailleurs, mais Alan Shatter, qui fut ministre de la Justice et de la Défense entre 2011 et 2014, et qui est Juif, signale qu’il fut souvent l’objet de remarques antisémites dans sa jeunesse.

Ce pays, dont le développement économique récent (le « tigre celtique ») provient du capitalisme néo-libéral le plus effréné, se considère avant tout comme une victime du colonialisme britannique, de la même façon que l’Algérie se considère toujours comme la victime du colonialisme français. Il prétend se donc se placer systématiquement dans le camp des victimes, et ce n’est pas la première fois que les victimes se résument aux Palestiniens et les agresseurs à l’Etat d’Israël…..

L’histoire de l’Irlande est terrible : dans les années 1650 les troupes protestantes de Cromwell faisaient un carnage dans la population catholique

Deux cents ans plus tard, alors que le mildiou entraine la famine de la pomme de terre, avec un million de morts et deux millions d’émigrés dans un pays de huit millions d’habitants, l’Angleterre, sous les principes du laissez faire économique, apporte une aide minimale aux paysans irlandais qui meurent de faim en masse.

Et au XXe siècle, c’est la dure révolte contre la domination britannique qui forge le narratif national.

Paradoxalement, dans les années du Livre Blanc en Palestine, la lutte de l’Irlande contre les Britanniques était une source d’inspiration pour plusieurs militants sionistes : parmi eux, un certain Itzhak Shamir, chef des opérations du Lehi, qui choisit son nom de code Michael à partir de Michael Collins, héros de la lutte irlandaise.

Paradoxalement aussi, l’Irlande est un pays bien connu du Président d’Israel, Isaac Herzog, qui y a accompagné en 2017 le Président Rivlin dans un voyage officiel sympathique, mais sans effet politique. Son grand-père, avant de devenir grand-rabbin   ashkénaze de Palestine puis d’Israel avait été grand rabbin   d’Irlande de 1921 jusqu’à 1936….

Rien n’y fait, La mystique de l’underdog, autrement dit le soutien à qui apparait le plus faible, est toute-puissante en Irlande et, Israël étant le Goliath impérialiste, il n’est pas politiquement correct de suggérer que le Hamas était pour quelque chose dans le fait que la petite Emily se soit « perdue »….

Richard Prasquier

  • Entretien avec Yaïr Lapid
    Cet entretien à été publié dans Le Point.

L’ancien Premier ministre et leader de l’opposition à Benyamin Netanyahou esquisse ce qui pourrait être l’avenir d’Israël et de Gaza après l’éradication du Hamas. Propos recueillis à Tel-Aviv par Étienne Gernelle le 23/11/2023

Le Point :Dans quelle mesure le 7 octobre a-t-il changé le cours de l’Histoire ?

Yaïr Lapid : Nous ne le savons pas encore, car l’Histoire est par nature rétrospective. Mais cela change la façon dont nous voyons le conflit entre, d’une part, l’islam fondamentaliste et, d’autre part, le monde juif, le monde chrétien et le monde musulman modéré. Cela nous rappelle, de la manière la plus douloureuse qui soit, qu’il n’y a pas de véritable négociation ou de cohabitation possible avec cette forme de radicalisme. Il faut combattre ce que nous avons vu avec Daech, ce que nous voyons maintenant avec le Hamas et ce que nous verrons avec tout autre groupe islamique fondamentaliste. Cela contredit cette vision libérale du monde – je pense ici à l’acception américaine du mot, pas au libéralisme d’Edmund Burke – selon laquelle, vous savez, tous les humains sont les mêmes à l’intérieur, et que nous partageons tous les mêmes objectifs et les mêmes souhaits, et que si nous pouvons répondre aux besoins fondamentaux d’une société, le logement, la nourriture, l’éducation, la santé, alors nous pourrons toujours nous entendre avec l’autre partie. Cette vision ne fonctionne pas avec cette version du fanatisme religieux.

Cela vous effraie-t-il de voir le nombre de pays qui blâment en priorité Israël plutôt que le Hamas ? Et si l’on compare cette carte à celle, il y a un an et demi, du vote à l’ONU sur l’Ukraine, ne constate-t-on pas que l’influence de la démocratie libérale recule ?

Je ne suis pas sûr d’être tout à fait d’accord. Je pense que, lorsqu’il a envahi l’Ukraine , Poutine avait la conviction que l’Occident libéral ne pourrait jamais s’unir sur une question morale, et donc défendre efficacement le concept de démocratie dans un pays comme l’Ukraine. Il pensait que la civilisation occidentale était trop faible et trop gâtée. Il avait tort : ce n’est un secret pour personne que Poutine a été surpris par l’ampleur et la vigueur du soutien que l’Ukraine a reçu, y compris d’ailleurs de la part d’Israël. En revanche, il est vrai que c’est désormais ainsi que se divise le monde. Il est intéressant de noter que, lorsque les horribles événements du 7 octobre ont commencé, Poutine a été l’un des premiers dirigeants au monde à se ranger du côté du Hamas. Ce n’est pas seulement une question de religion, c’est la démocratie par rapport à toute autre forme de pouvoir.

Et la Chine dans tout cela ?

Nous n’avons pas encore la réponse. J’ai bien sûr suivi la rencontre entre le président Joe Biden et le président Xi Jinping. Je pense que la Chine, prudente, continue d’observer les événements, en essayant de définir une politique cohérente. Nous allons l’exhorter à se ranger du bon côté de l’Histoire. Le philosophe et psychanalyste israélo-suisse Carlo Strenger avait publié, peu après les attentats de Paris en 2015, un livre intitulé « Le Mépris civilisé », dans lequel il affirmait que les démocraties libérales ne savaient pas défendre leurs valeurs.

Vous êtes d’accord avec cela ?

Carlo était un très bon ami, et il me manque. Nous avons souvent discuté de ces idées. Je n’étais pas d’accord avec lui à l’époque et je ne le suis pas non plus aujourd’hui. Je lui disais : « Tu dois te rappeler qu’il n’y a qu’un seul vrai principe qui fonctionne en politique, c’est le principe du pendule. Le pendule va d’un côté et revient de l’autre. » D’ailleurs, depuis qu’il a écrit ce livre – qui est l’un des meilleurs livres jamais écrits sur la société occidentale –, nous avons eu ce mouvement de pendule. La lutte contre l’État islamique s’est organisée, avec une coalition globale qui a mené la guerre. Et qui a été solide. Il y a eu, pendant la bataille de Mossoul, huit mois de combats dans une zone très densément peuplée. C’était différent, mais pas si différent de ce que nous voyons aujourd’hui à Gaza. La coalition a été capable de gagner cette guerre, et d’ignorer les critiques de ceux qui disent qu’il n’y a pas de bien et de mal, qu’il n’y a que le décompte des corps et le nombre de morts. Ensuite, il y a eu l’Ukraine. Et maintenant, le soutien que nous recevons face aux critiques. Je pense donc que les démocraties ont la capacité de se défendre, mais elles sont toujours un peu en retard. Elles ne sont jamais à l’heure.

Les virulentes critiques contre Israël, voire la complaisance avec le Hamas, qui ont été observées dans les grandes universités américaines vous ont-elles choqué ?

Oui. Il y a toujours quelque chose d’étonnant quand des gens intelligents agissent d’une manière incroyablement stupide. La stupidité, c’est-à-dire l’ignorance : le fait qu’ils n’ont pas pris la peine de connaître les faits avant de descendre dans la rue, le fait qu’ils ne comprennent manifestement pas la différence entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, le fait qu’ils entonnent des chants comme « De la rivière à la mer » sans comprendre qu’il s’agit d’un appel au génocide du peuple juif en Israël. Il s’agit d’étudiants de l’Ivy League [les plus grandes universités américaines, NDLR], et personne ne leur a donc dit qu’ils devaient prendre connaissance des faits avant d’avoir une opinion sur quoi que ce soit ? C’est étonnant et très décevant, bien sûr. Et la seule chose positive que je puisse dire à ce sujet, c’est que cela me permet au moins d’être un peu condescendant et de leur dire qu’un jour ils grandiront et auront vraiment, vraiment honte des choses qu’ils font aujourd’hui.

Ce n’est pas nouveau… En France, Jean-Paul Sartre a été séduit par Staline, puis par Mao, puis par Khomeyni…

Je suis tout à fait d’accord. Et, bien sûr, cela vaut aussi bien pour la gauche que pour la droite. Nous nous souvenons tous qu’il y avait une infrastructure philosophique même dans le mouvement nazi. Donc, oui, il y aura toujours des idiots utiles pour toutes les mauvaises causes sur terre.

Que pensez-vous de cette éruption d’antisémitisme dans le monde, de New York au Daguestan, en passant par Paris ? Est-ce une surprise pour vous ?

Non. C’est l’ampleur et le moment qui m’ont choqué, le fait que cette vague d’antisémitisme ait déferlé juste après que tant de Juifs ont été tués. Nous avons vécu la pire journée que le peuple juif a connue depuis l’Holocauste. Le lien entre ce qui s’est passé le 7 octobre et la montée de l’antisémitisme est donc choquant. Mais je n’ai jamais eu l’impression que l’antisémitisme avait disparu ou qu’il n’existait plus. La seule chose que j’ai toujours ressentie à ce sujet, c’est que c’est une bonne chose que nous ayons un pays et une armée. Nous pouvons désormais, et contrairement à ce qui est arrivé à l’époque de mon père et de mon grand-père, dire aux antisémites : « Allez vous faire voir. » C’est une amélioration.

Votre grand-père a été assassiné à Mauthausen. Pensez-vous que l’une des causes de cette nouvelle éruption d’antisémitisme est que le souvenir de la Shoah s’est quelque peu estompé dans la mémoire collective ?

Oui. Je pense que cela va même plus loin. Toute la structure de la communauté internationale, disons depuis 1945 jusqu’à la fin des années 1990, a été une réaction à l’Holocauste et aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale : la création des Nations unies comme la signature de nombreux accords mondiaux, le fait que la démocratie libérale est devenue un mode de vie – et pas seulement un mode de gouvernement – dominant, le fait que les États-Unis ainsi que l’Europe ont affirmé que les valeurs démocratiques faisaient partie de leurs objectifs politiques. Dans cette vieille tension entre le réel et l’idéal dont Henry Kissinger a l’habitude de parler, le monde a eu tendance à pencher vers l’idéal parce qu’il savait ce qui se passait quand on négligeait ce dernier.
Depuis les vingt dernières années, environ, arrive la troisième génération depuis l’Holocauste et la Seconde Guerre mondiale, et la mémoire, comme vous dites, s’estompe. Par exemple, ces jeunes dont vous parliez dans les universités n’ont aucune idée de ce que c’est que de ne pas vivre dans une démocratie. Ils la considèrent comme acquise, tout comme ils considèrent leurs droits comme acquis et, en conséquence, se sentent libres de remettre en cause les valeurs qui pourtant les maintiennent en vie. Tout cela est dû à l’ignorance, une sorte de vide des idées.

Il n’y a d’ailleurs pas que les universités, l’ONU est aussi très virulente à l’égard d’Israël… L’une des choses que les gens ont tendance à oublier à propos des Nations unies, c’est qu’il ne s’agit pas d’une institution démocratique. La majorité des pays membres ne sont pas des démocraties, et cependant ils ont le droit de vote sur tous les sujets. Cela influence donc considérablement la manière dont les Nations unies agissent et réagissent.

À cela s’ajoute une sorte de paresse philosophique. Au lieu de réfléchir à ce qui se passe, elles se concentrent sur le décompte des corps et les photos et disent qu’il y a des photos de bébés morts à Gaza et que les habitants de Gaza ont donc raison. Pour cela, nous n’avons pas besoin de l’ONU, nous avons TikTok ! Ce dont nous avons besoin, c’est d’une ONU qui dise : « Oui, nous avons ici un pays démocratique qui lutte pour sa vie contre une terrible organisation terroriste. »
Évidemment, il y a des victimes à Gaza. Je n’aime pas l’expression « dommages collatéraux » parce qu’elle est froide. Il s’agit d’êtres humains, et d’êtres humains qui meurent. Ils meurent d’ailleurs à cause du Hamas, et nous devons pouvoir les aider. Mais cela n’a rien à voir avec le bien et le mal. Si vous voulez explorer la question de savoir qui a raison dans ce conflit, Israël a raison et le Hamas a tort ! Et je ne comprends pas que les Nations unies puissent y voir une quelconque équivalence ici. Ce n’est pas le cas.

N’y a-t-il donc pas un autre moyen de vaincre le Hamas que de bombarder une ville, et donc de tuer des civils , que vous le vouliez ou non ?

Si seulement il y en avait une… Nous n’avons pas voulu cette guerre, mais la seule chose que nous savons, c’est que, si nous ne la menons pas, tout cela se reproduira. Le Hamas le dit clairement : ils n’ont pas de remords, ne regrettent pas ce qu’ils ont fait le 7 octobre, ils en sont même fiers. Ils recommenceront, et s’ils sont en mesure de le faire à plus grande échelle, ils le feront. S’il existait un moyen pacifique de se débarrasser du Hamas, nous l’adopterions, bien sûr. Tous ceux qui ont émis des critiques n’offrent pas de solution, car il n’y en a pas. Nous devons aller à Gaza, nous devons mener cette guerre et nous devons minimiser les dommages collatéraux autant que possible. Mais cela ne peut pas devenir un moyen de propagande du Hamas pour nous empêcher de l’éradiquer. Le monde a beaucoup de mal à comprendre le concept de bouclier humain. C’est tellement étrange pour l’esprit civilisé… Imaginez si quelqu’un vous avait demandé : y a-t-il un cas sur terre où vous utiliseriez vos propres enfants, et où vous les mettriez en danger et risqueriez leur vie juste pour obtenir une meilleure communication ? Vous auriez répondu que c’est insensé. C’est pourtant exactement ce qui se passe actuellement à Gaza. Et cela fonctionne… Oui, parce qu’une image est plus forte que mille mots. Et c’est déchirant. Cela me brise le cœur aussi. Une photo a été publiée ce matin montrant trois combattants du Hamas qui devaient courir d’un abri à l’autre. Ils tenaient par la main des enfants de 3 ou 4 ans , et couraient avec eux parce qu’ils savaient que l’armée de l’air israélienne ne les bombarderait pas. Alors oui, cela marche. Mais quel genre de personnes font cela ? Ce sont des monstres. Et si nous regardons vers l’avenir…

Imaginez que les choses aillent dans le sens que vous souhaitez, à quoi ressemblerait Israël dans dix ans ? Et la Palestine ? Quelle serait la bonne solution ?

Je commencerais par ce qui va se passer entre nous, pas avec les Palestiniens. Israël s’est construit sur l’optimisme. Le pays a été créé sur les vestiges d’une nation qui venait de subir l’homicide mécanique le plus brutal de l’Histoire.
En 1945, mon père vivait dans un ghetto. Trois ans plus tard – pas vingt ans plus tard ! –, il est arrivé ici dans un bateau avec le drapeau d’un nouveau pays. Il a pleuré quand il a entendu l’hymne. Il ne connaissait pas les paroles parce qu’il ne parlait pas la langue, mais il a compris que c’était le nouvel hymne.
À partir de rien, nous avons construit une nation dont nous pouvons être fiers. Avec une armée forte, une économie de haute technologie incroyable, une culture au minimum très intéressante, 13 lauréats du prix Nobel, ce qui est plus que l’ensemble du monde arabe. [Il se tourne vers son conseiller.] Je sais que vous détestez quand je fais cette comparaison, mais ce sont les chiffres.
Et puis, vous savez, nous avons tous nos réactions aux choses qui nous arrivent. Je viens de relire La Trêve, de Primo Levi, un livre sur le retour de rescapés d’Auschwitz chez eux. Ils marchent, tout en sachant que leur foyer ne sera pas là, ou bien qu’il sera très différent… Mais ils ont ce besoin impérieux de bouger, de rentrer chez eux. J’ai lu ce livre parce que je pensais à ces gens dans les kibboutz et que je me disais que nous devions précisément rentrer chez nous…
Au cours des dix prochaines années, donc, nous devrons tout d’abord ramener cet esprit d’optimisme, d’entreprise, d’intelligence dans la joie.
Ensuite, nous devrons, procéder en deux phases.
La première est la refonte des structures de Gaza sans le Hamas, avec un accord fondé sur le monde sunnite modéré et la communauté internationale. Il faudra reconstruire Gaza en travaillant avec l’infrastructure de base dont dispose l’Autorité palestinienne.
Lors de la seconde phase, plus tard – et non pas plus tôt –, nous devrons rediscuter ou commencer à renégocier la possibilité de nous séparer des Palestiniens. Non pas parce que cela mettra fin au conflit, mais parce que ce sera une meilleure façon de le gérer…

Ce qui signifie un État palestinien, un vrai…

Oui, mais cela prendra du temps et le niveau de méfiance actuel n’est comparable à rien. Je vais vous donner un exemple : tout le monde dit depuis le début – je ne parle pas seulement des Israéliens, mais de l’Union européenne et des États-Unis – que, même si nous soutenons la solution à deux États, nous entendons que les conditions de sécurité doivent être aussi strictes que possible.
Si vous pensez aux accords de sécurité, à ces deux mots, « accords » et « sécurité », nous parlons d’une tout autre chose désormais.
Personne ne dira plus qu’il suffit d’avoir une clôture technologique ou des caméras. Nous aurons besoin d’une armée israélienne nombreuse entre nous et les Palestiniens pour nous sentir en sécurité.

Cela passe-t-il aussi, à un moment donné, par le démantèlement de certaines implantations en Cisjordanie ?

Vous m’avez posé une bonne question stratégique, et je vais vous répondre. Mais, avant d’en arriver là, je vais répondre à une autre question : quel est notre objectif dans cette guerre ? Car c’est cela qui dictera toutes les autres réponses, y compris celle à la question que vous avez posée, que je n’élude pas. Notre objectif stratégique dans cette guerre est de faire en sorte qu’à chaque frontière d’Israël les gens puissent vivre dans leurs villages et leurs villes avec un sentiment de sécurité totale. Et tant que nous n’y serons pas parvenus, il n’y aura pas de paix, pas de processus, rien. C’est la première promesse que chaque pays doit faire à ses citoyens.
Pensez-y, pensez à la France : croyez-vous qu’il soit possible qu’un gouvernement français puisse aller voir les habitants de Grenoble et leur dise : « Vous pouvez continuer à vivre ici, mais vous serez massacrés tous les dix ans » ? Je ne pense pas.
Nous avons besoin de cette sécurité, et lorsque nous l’aurons, nous pourrons discuter de la possibilité d’une solution à deux États, ce qui implique de dessiner une nouvelle carte.
Et lorsque vous dessinerez une nouvelle carte, vous devrez discuter des implantations, vous devrez discuter des zones, vous devrez discuter de tout.
Jusqu’à présent, les gens disaient que la chose la plus importante était l’emplacement de la frontière ou ce qu’il adviendrait des implantations. Aujourd’hui, nous savons que la première discussion que nous aurons portera sur la sécurité du peuple israélien.

Est-il politiquement impossible de parler de démantèlement de colonies ou d’implantations à l’heure actuelle en Israël ?

Pour l’instant, oui. Aujourd’hui, encore une fois, les gens ne veulent parler que de sécurité. À l’avenir, peut-être. En étant totalement conscient de l’impact que cela peut avoir sur la sécurité de tous ceux qui vivent près de la frontière.

Parlons des pays arabes. Que reste-t-il aujourd’hui des accords d’Abraham ? Peuvent-ils résister à cela ?

Je pense que oui. Curieusement, les structures que nous avons construites ces dernières années seront également utiles à Gaza. Et cela favorisera, voire accélérera, certains des processus dans lesquels nous étions impliqués. Je suppose que, comme moi, vous n’avez pas manqué de remarquer que les Saoudiens ont été interrogés à ce sujet et ont répondu qu’ils ne fermaient pas la porte à un accord futur, qu’ils n’avaient pas encore quitté la table. Nous comprenons maintenant que la partie de l’accord liée à la Palestine sera plus importante que ce que nous pensions au début. Mais c’est là. Et, bien sûr, nous discutons avec les Émirats arabes unis et Bahreïn. Prenons l’exemple des Émirats. Ils conçoivent le Moyen-Orient comme une lutte entre modérés et extrémistes. Et ils se rangent du côté des modérés dans toutes les batailles du Moyen-Orient. Je pense que nous pouvons faire valoir nos arguments auprès d’eux, des Saoudiens et d’autres, en leur disant : « Écoutez, si vous voulez soutenir les modérés, vous devez soutenir la reconstruction ou la réhabilitation de Gaza en tant que zone non Hamas. Et aussi promouvoir davantage ce que nous avons commencé à construire ensemble, c’est-à-dire cette alliance stratégique technologique très intéressante face à l’Iran. »

Cela signifie-t-il que les puissances qui devraient, selon vous, soutenir ou financer Gaza seraient plutôt l’Arabie saoudite ou l’Égypte que le Qatar ?

C’est la préférence de tout le monde, oui. Le Moyen-Orient est d’une certaine manière une lutte permanente entre Israël et l’Iran . Or on n’a pas manqué de remarquer ce qui arrive aux pays qui se rangent du côté de l’Iran dans sa lutte hégémonique : le Liban, la Syrie, l’Irak… Ils ont fini par être complètement ruinés. Beaucoup comprennent qu’il s’agit d’une lutte régionale, dont il s’agit de sortir vainqueur. Et nous devons travailler avec eux selon cette vision du futur Moyen-Orient.

Vous avez parlé, et c’est une réalité, de la start-up nation, des prix Nobel, etc. On pense aussi au Technion, université née bien avant l’État d’Israël. Tout cela peut-il durer dans un environnement de guerre ? N’est-il pas urgent de faire la paix ?

Vous parlez du Technion, mais c’est le cas aussi des syndicats, du système de santé et des transports publics, qui sont nés avant l’État d’Israël. Tout ce que nous avons, a, d’une manière générale, été construit alors que nous étions dans une guerre plus ou moins continue. D’une certaine façon, une partie de l’énergie nécessaire à la création de cette start-up nation et de cette incroyable société créative est le résultat des tensions constantes à nos frontières. J’ai ressenti la même chose lorsque je suis allé en Corée du Sud pour la première fois. Alors, oui, bien sûr, nous nous porterons mieux en vivant en paix. Mais notre capacité à nous relever ne sera pas affectée par la guerre.

Vous avez des liens amicaux avec Emmanuel Macron . Avez-vous été déçu par ses propos tenus à la BBC ?

Eh bien, contrairement à d’autres, j’ai tout lu. Et il a dit de bonnes choses. Je n’ai aucun problème lorsque les gens montrent de la sympathie pour les enfants qui sont tués à Gaza. J’ai de la sympathie pour les enfants tués à Gaza. Israël ne fait pas la guerre aux enfants. Quant à l’équilibre de ce qu’il a dit, peut-être qu’il a estimé que puisqu’il a apporté son soutien dès le premier jour il n’avait pas besoin d’expliquer tout cela une nouvelle fois. Et c’était peut-être, un peu, une erreur. Mais, fondamentalement, je ne doute pas de son soutien pour notre pays, pour le bien-être des Israéliens, ni de son sentiment d’horreur et du choc ressenti face à ce qui nous est arrivé le 7 octobre.

Ce que vous appelez de vos vœux est-il possible avec Benyamin Netanyahou au pouvoir ? Pensez-vous que son départ est un préalable ?

Je ne vais pas m’étendre sur ce sujet dans les médias internationaux. Mais je vais vous dire quelque chose : le fait même que l’on pose cette question montre à quel point nous sommes une démocratie vibrante et dynamique. Voilà la différence. Personne ne discute à Gaza de l’avenir de Yahya Sinwar. C’est cela, être en démocratie : débattre de qui est le plus capable de diriger le pays, surtout en période de crise. Vous avez dit que Benyamin Netanyahou avait une responsabilité dans ce qui s’est passé… Je le redis, je ne vais pas entrer dans ces considérations de politique intérieure dans les médias internationaux.

Abordons un autre aspect du débat en Israël. Dans l’un de vos romans, « Double Jeu », vous décriviez la communauté ultraorthodoxe d’une manière qu’elle n’a probablement pas appréciée… Comment voyez-vous l’avenir de la relation d’Israël avec cette partie de l’opinion ?

Je voudrais juste mettre les choses au clair : d’abord, il s’agissait d’un roman policier, ensuite, j’avais 25 ans ! [Rires.] Mais plus tard, c’est vrai, j’ai eu des difficultés avec la politique ultraorthodoxe. Cela dit, il y a aujourd’hui une ouverture pour un nouveau contrat israélien avec eux aussi. Je trouve extraordinaire qu’ils se soient engagés ainsi dans cette crise, d’une manière qui est respectée et appréciée dans le pays. Ils ont été parmi les premiers à se rendre sur place pour aider les blessés. Les jeunes ultraorthodoxes sont venus par milliers pour s’engager dans l’armée après avoir lutté avec nous sur cette question pendant très longtemps. Il faut bien comprendre ce qui se passe ici. Cela a changé l’âme de la relation entre la société laïque et la société ultraorthodoxe. Il arrive parfois que les nations, lorsqu’elles sont attaquées de l’extérieur, parviennent à surmonter leurs différences, qui leur paraissent tout à coup insignifiantes.

Il y a quelques mois, nous avons interviewé Salman Rushdie . Il nous a dit : « Les choses vont s’améliorer. Mais ce ne sera peut-être pas de mon vivant. » Et pour Israël ?

Vous souvenez-vous de la célèbre réponse de Zhou Enlai, dans les années 1970, à une question sur l’impact de la Révolution française ? « Il est encore trop tôt pour se prononcer. » L’Histoire est une affaire de longue haleine. Le seul outil dont je dispose pour prédire l’avenir, c’est de regarder le passé. Mon grand-père est mort dans un camp de concentration. Mon père a grandi dans un ghetto. Mes enfants ont grandi dans un État juif, fort, intelligent et indépendant. Nous nous en sortons de mieux en mieux, si vous regardez les choses non pas en années, mais en générations. Je vais être grand-père en mars ou avril pour la première fois. Et je crois que cet enfant va vivre dans un pays incroyable, qui, à partir de la douleur et de la souffrance de cette période, va trouver un moyen de se reconstruire et de se réinventer d’une manière que nous ne voyons pas encore .

  • L’historien Marc Knobel décrit avec ses mots, toute l’horreur de l’antisémitisme.
    19 novembre 2023

    Tag antisémite sur un bâtiment à Strasbourg. Le vendredi 3 novembre 2023. Photo : Twitter/@PJakubowicz
    C’est une vidéo qui circule sur X. Le plus tranquillement du monde, avec un petit sourire froid et carnassier, couverte d’un voile, voilà ce qu’une étudiante bien maquillée, rose aux lèvres, du Durham College au Canada débite devant une caméra. « Je soutiens le Hamas, l’Histoire a été écrite par eux. Très fière de mon peuple. Très, très fière. J’adorerai qu’ils recommencent. Et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore ». « Non, ce ne sont pas des terroristes. Je soutiens chaque décision. Ce qu‘ils ont fait était historique. Très fière. L’Histoire a été écrite ce jour-là. Bravo au Hamas [1] ». C’est une autre vidéo, qui a été prise le 17 novembre. Dans un amphithéâtre, on entend distinctement des hurlements. Un étudiant debout, éructe de haine et insulte un étudiant juif lors d’un débat à l’University College de Dublin. « Nous vous ferons encore et encore ce qui s’est passé le 7 octobre. Allah Akbar. » « Allah Akbar » retentit dans la salle, c’est la confusion, des étudiants se lèvent et quittent le lieu, pendant que des assesseurs tentent désespérément de calmer plusieurs étudiants [2]. En Australie, un jeune islamiste entre en voiture dans un quartier juif pour tenter de provoquer les habitants. Il a tatoué « 1453 » sur sa main, l’année où les forces musulmanes ont conquis Constantinople. Il se met à insulter des passants [3]. En France, Camille est étudiante. Elle est féministe. Sur Twitter, elle a vu une de ses connaissances, une militante, défendre l’idée du viol de guerre. Pour elle, les Palestiniens ont le droit de violer des femmes juives [4]. Depuis le 7 octobre, Max baisse la tête quand il passe devant ces tags qui ont fleuri un peu partout sur son campus universitaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). « C’est assez simple, le matin lorsque j’arrive devant les bâtiments, je vois des inscriptions antisémites. Lorsque je m’assois en amphi, je vois des croix gammées gravées sur les tables. Lorsque je veux écouter mon cours, je dois assister à des interventions d’étudiants pro-Palestine qui viennent nous expliquer que le Hamas a raison », souffle l’étudiant de 21 ans, de confession juive [5].
    Un témoignage de l’antisémitisme à Montréal

    Toute la journée, je vois se multiplier ces posts, les récits et les articles
    Je lis fébrilement les mots, mon ventre se noue, ma tête est compressée, oppressée. Dans ces multiples récits, quelquefois courts, quelquefois longs, chacun tente de raconter le désarroi, la stupéfaction, la sidération, la peur et le chagrin. Les vidéos se succèdent, de courtes séquences, toutes violentes. Des étudiants prêts à en découdre, hurlent. Fanatisés sûrement, en colère sûrement, les voilà qui veulent sauter, arracher, battre, se jeter sur, détruire et casser. Personne ne pourrait les retenir, tant l’ivresse de la vengeance est présente, tant la soif de mort se lit sur les visages, tant l’on entend de leurs bouches sortir les maux acides, tant l’on voit de leurs yeux, le regard assassin.

Je m’arrête de respirer. Je ferme les yeux, mon souffle se fait court. Mon cœur bat plus vite encore lorsque je lis les mots les plus vils, les mots les plus sales, les plus orduriers, ceux qui puisent et boivent des égouts, la fiente et l’odeur putride.

Je mesure cette vague déferlante qui secoue les miens, de partout à la fois.

Je pèse leur désarroi, je mesure la peur et l’effroi. Je frôle le souvenir de l’ivresse des pogroms, je scrute la mort, j’entends le cri de ralliement des bêtes assoiffées, lorsqu’ils crient « Mort aux Juifs ». Je m’arrête sur cette inscription « Un bon Juif est un Juif mort », sur les murs d’une école. C’est là, en six mots toute l’horreur de l’antisémitisme, son rêve ultime, sa seule jouissance.

Qu’est-ce qu’il y a dans ces esprits malades ? Qu’est-ce qu’il y a dans ces esprits dérangés et assassins ? Pour qu’ils se plaisent à jouir ainsi en offrant à la vue de tous et de toutes, les lettres, les mots et les virgules d’une folie furieuse, d’une soif de mort ?

Qu’est-ce que cela dit de la haine qui dévore ces gens ? Qu’est-ce que les « Mort aux Juifs » disent d’elles et d’eux ? Si ce n’est pas de la folie ? Si ce n’est la bestialité ? Si ce n’est l’obscurantisme ? Si ce n’est la monstruosité et le voyeurisme ?

Je dois expliquer cela à des journalistes sans perdre pied, rester maître de mes émotions. Je dois expliquer ce déferlement qui s’abat ici et là, de partout à la fois. Je dois mettre des mots intelligibles, additionner les chiffres, compiler les sondages, contextualiser calmement.

Pourtant, dans ma tête, pendant que je parle, je me demande si l’on comprendra seulement la douleur et la peur ? Si l’on sentira comment et pourquoi les Juifs n’en peuvent plus. Comment et pourquoi appellent-ils à l’aide. Comment et pourquoi ils se replient sur eux-mêmes, avant de quitter notre pays, parce qu’ils ne s’y sentent plus en sécurité.

Je n’ai plus de mots. Lorsque je n’ai plus de mots, c’est que le désespoir me gagne ou la rage.

Il ne me reste plus qu’à fermer mon ordinateur, attendre des jours meilleurs en fermant les yeux afin de s’envoler comme un oiseau au-dessus de cette mêlée folle, de cette mêlée revancharde et assassine. S’élever comme un oiseau, vers la liberté. Au loin, très loin, en haut, très haut de cette folie assassine. Vers un monde qui n’existe pas encore, d’autres cieux, où l’on s’aimera tout simplement, sans jamais offenser, sans jamais détruire, sans jamais vouloir tuer d’un seul sourire, un sourire carnassier, rose aux lèvres.

Marc Knobel est historien, il a publié en 2012, l’Internet de la haine (Berg International, 184 pages). Il publie chez Hermann en 2021, Cyberhaine. Propagande, antisémitisme sur Internet.

[1] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725802005908652101

[2] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725630655734620536

[3] https://twitter.com/AntonStruve/status/1725212397378367895

[4] https://twitter.com/uejf/status/1716845509116154052

[5] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mort-aux-juifs-a-la-fac-de-nanterre-l-antisemitisme-prospere-20231117

  • Réflexions sur Jean Luc Mélenchon
    par Richard Prasquier

« Jean-Luc Mélenchon vous explique que les patrons sont des salauds, que les policiers tuent et que maintenant les journalistes sont des fanatiques. À un moment donné, il faut se poser la question de la place qu’il occupe dans le débat public ». C’était la réaction de Olivier Véran aux injures de Mélenchon après l’entretien de Ruth Elkrief avec Manuel Bompard, un proche de celui que le sénateur Claude Malhuret a appelé le « leader minimo de la France soumise à Cuba ».
Je vous rappelle son tweet : « Ruth Elkrief. Manipulatrice. Si on n’injurie pas les musulmans, cette fanatique s’indigne. (...) Elle réduit toute la vie politique à son mépris des musulmans ». La Présidente des Verts, Marine Tondelier a réagi sobrement : « Efface » ; le Président du Sénat, plus brutalement, « Ferme ta gueule ».
En réaction , les Insoumis se moquent sur les réseaux sociaux du score des écologistes aux Présidentielles et fustigent Gérard Larcher. Ce sont là deux préceptes de leur chef : stigmatiser les adversaires, même quand ils sont des alliés, comme le sont les Verts, et tout rapporter au combat essentiel, celui des « vrais gens » contre la caste des dominants, journalistes ou dirigeants politiques.
Mélenchon n’a pas regretté ses mots, car il ne faut jamais s’excuser : ce serait donner un point à l’adversaire, et l’adversaire est un ennemi.
Est-ce un hasard que la journaliste insultée s’appelle Ruth Elkrief et pas Marie Christine Dupont ? Mélenchon suit les traces de Jean Marie Le Pen, qui avait déclaré en 1986 à ses partisans : « Je dédie votre accueil à Mrs. Jean-François Kahn, Jean Daniel, Ivan Levaï et Jean Pierre Elkabbach, à tous les menteurs de la presse de ce pays ». Et ce n’est pas la première fois qu’il prend exemple sur son glorieux ainé, avec qui il partage l’amour d’une langue française bien ciselée qui sert d’outil d’emprise sur des militants impressionnés par la dextérité verbale de leur chef.
Le récent dérapage de Jean Luc Mélenchon est loin d’être le premier. Ces dérapages sont de plusieurs sortes.
Certains sont des déclarations péremptoires et apparemment savantes. Hostile au nucléaire, il prétend quelques éoliennes en mer, 45 au plus, pourraient remplacer un réacteur. Les experts sollicités calculent après coup qu’il en faudrait au moins 300, ce qui est loin d’avoir les mêmes conséquences environnementales. Mais leurs conclusions ne seront pas lues par les électeurs, et ceux-ci s’en moquent.
Pour Gaza, Mélenchon se pose en humaniste accablé, appelle au cessez-le-feu immédiat et parle de génocide. Ses disciples reprennent ce mot, pour qu’il devienne une évidence. C’est comme si on disait que les Alliés en bombardant l’Allemagne, avaient commis un génocide du peuple allemand…
Pas question de regretter d’avoir accusé les Israéliens d’avoir tué 500 personnes en bombardant l’hôpital Al Ahli ou d’avoir nié que les événements du 7 octobre avaient un caractère terroriste. N’avouez jamais…
Il procède aussi par des allusions vicieuses qui éveillent les soupçons des électeurs complotistes : il préfère, parce qu’ils sont plus sûrs, des vaccins classiques à ceux que le gouvernement impose contre le Covid ; il constate en 2015 que Poutine est la vraie victime de l’assassinat de son opposant Boris Nemtsov (que Mélenchon accuse faussement en plus, d’avoir été antisémite) ou qu’un événement qui fait peur, tel les assassinats de Toulouse en 2012 vient « comme par hasard » en fin de campagne présidentielle, pousser les électeurs à voter sécuritaire….
Une critique modérée et documentée de Yonathan Arfi et voilà le Crif traité de mouvement d’extrême droite. Mais quand il s’agit de ses amis dictateurs, les Chavez, Maduro ou Castro, des chinois ou de Assad, c’est au contraire une profusion de nuances, d’euphémismes et de silences..Daniel Cohn Bendit a dit que entre la Corée du Nord et les États Unis, Mélenchon choisirait toujours la Corée du Nord. Cela me semble un bon résumé des obsessions politiques du leader de la France insoumise.
Quant à son extrême israélophobie qui ne recule plus devant des tonalités antisémites, chacun sait qu’elle est avant tout une posture électoraliste. Il fut un temps où Jean Luc Mélenchon était plutôt favorable à Israël et où il vitupérait toute revendication contraire à la laïcité. Aujourd’hui le mantra de la lutte contre l’islamophobie a tout emporté.
On rappelle beaucoup que Jean Luc Mélenchon a été dans sa jeunesse un militant lambertiste. Le lambertisme est un mouvement trotskiste sectaire qui dans les années 1970 a développé une tactique d’entrisme vers le Parti socialiste, l’Unef ou le syndicat Force ouvrière, qui se révéla étonnamment efficace. Mais cette efficacité même l’aura perdu, car certains de ses militants, tels Jospin, Cambadélis ou Mélenchon, ont fait une si belle carrière au PS qu’ils y sont restés et que le lambertisme en est devenu exsangue. Pierre Lambert, un pseudonyme pour le fils d’une famille d’immigrés juifs ukrainiens, était « en même temps » un terne fonctionnaire des Allocations familiales et un chef de parti à qui les militants devaient une obéissance absolue. Il procédait par exclusions successives et remplaçait ses premiers compagnons par de plus jeunes qu’il impressionnait par sa vivacité dialectique. Jean Luc Mélenchon a gardé les méthodes de son mentor, l’obéissance envers la parole du chef, la violence du discours et la constitution d’une garde rapprochée de jeunes qui lui doivent toute leur carrière. Mais il a remplacé le marxisme vieillot de lutte de classes par le combat intersectionnel des opprimés de toutes sortes contre les dominants et la laïcité intransigeante par la complaisance à l’égard de l’islamisme. Il a fait ainsi beaucoup plus que le 0,34% de voix obtenues par Pierre Lambert quand celui -ci s’est présenté aux élections présidentielles…..
Je pense qu’on a tort de croire Mélenchon déconsidéré par ses outrances. A peu près sûr de rester le premier dans l’électorat de gauche, il fait le pari que cet électorat votera utile et le propulsera au deuxième tour contre Marine Le Pen dont il est de fait, contre la droite modérée, le meilleur agent électoral.
Au deuxième tour, il agitera le drapeau de la liberté et de la République contre le danger de l’extrême droite.
Pour assurer son succès, il doit mobiliser son gisement électoral, qui réside dans la jeunesse et la population musulman. Ce sont deux segments où l’abstention électorale est particulièrement forte. Il fait le pari que cet électorat est sensible à un discours anti-système et qu’il apprécie avant tout le parler brutal, « dru et cru ». Ses outrances contre Ruth Elkrief font donc partie de la stratégie de Jean Luc Mélenchon qui usera d’un langage plus rassembleur quand il lui sera utile de ne pas effrayer les électeurs, par exemple au deuxième tour…..
Cette stratégie sera-t-elle un succès ? J’espère profondément que non.....
RICHARD PRASQUIER

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Beaucoup de personnes non-juives ont marqué leur solidarité avec le peuple juif attrocement attaqué le 7 octobre 2023, voici un texte magnifique d’un chroniqueur chrétien Emmanuel Godo.

Emmanuel Godo

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Roger Paul Droit : Que sommes-nous devenus ?

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