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Joseph, Juda et les lumières de Hannouka.

Joseph, Juda et les lumières de Hannouka.

Parashat Miketz – Hannouka -

Depuis que les sages   de Babylone ont fixé le cycle annuel de la Torah, à l’époque talmudique, la parashat Miketz tombe presque chaque année au cours de la fête de Hannouka.

Les quelques rares années où cela ne se produit pas (en moyenne une fois tous les 10 ans), c’est la parasha   précédente qui est lue shabbat Hannouka, celle de Vayeshev. Ces deux sections de la Torah forment en fait un seul récit, celui de Joseph et de ses frères. Or, il est bien certain que [*cette rencontre temporelle entre la fête de la Lumière et la tradition de la Torah n’est pas fortuite*], et que les maîtres de l’époque désiraient sans doute, en organisant ainsi la lecture de la Torah, nous transmettre un message dont le secret demande à être déchiffré.

Le problème, dans ce déchiffrement, est que [*chaque commentateur, tout en cherchant à apporter sa contribution à la chaîne de la tradition, se trouve prisonnier de son propre univers mental, de sa propre approche du Judaïsme.*] Cette contribution est une part authentique du monde de la Torah, mais elle ne peut prétendre l’englober tout entier. Citant le livre de Job, où il est dit "Elle est plus étendue en longueur que la terre, plus vaste que l’océan" (Job, 11, 9), le midrash   Shemot rabbah applique ce principe de l’impossibilité d’appréhender toute la Torah à Moïse lui-même. Combien est-ce encore plus vrai pour ses modestes successeurs !

Donnons ici deux exemples d’interprétations sur la question qui nous préoccupe et qui montrerons comment celles-ci sont à la fois vraies, mais en même temps terriblement dépendantes de l’approche et des préoccupations de leurs auteurs respectifs.

Dans un de ses commentaires sur Miketz, notre maître Manitou zal (le rabbin   Léon Yéhuda Askénazi) interprète ainsi le lien entre la parashat miketz et la fête de Hannouka : [*Il s’agit de souligner l’opposition entre le type de messianité proposé par Joseph, qui croit dans la fécondation du Judaïsme avec le monde extérieur, et celle de Juda, en l’occurrence ici Juda Macchabée, qui cherche la clé du salut dans le sursaut interne.*] "(Joseph) est en cela le premier prototype de ce que l’on nomme aujourd’hui le Juif de diaspora. (..) Juda, à travers toutes les péripéties de la fidélité hébraïque à elle-même, reste, quant à lui, le paradigme de la restauration nationale d’Israël" (Ki Mitsion, pp. 109-110). Magnifique interprétation mais qui reste marquée au sceau de l’approche sioniste-religieuse de son auteur .

Notre deuxième exemple porte sur un commentaire du Rabbin   Igmar Schorsch, qui fut jusqu’il y a peu de temps le président du Jewish Théological Seminar à New-York. Pour lui, la clé du lien entre la parashat Miketz et la fête de Hannouka se trouve dans la question de l’assimilation. [*L’entêtement de Joseph a vouloir conserver son identité particulière pendant son séjour en Egypte, efforts soulignés abondamment par le midrash  , est à rapprocher de la lutte menée par les Maccabées contre la volonté d’Antiochus IV d’empêcher les Juifs de suivre leurs coutumes et leur tradition*] (voir le commentaire de l’année 5754 sur le site du JTSA). Pour Schorsch, la lutte armée des Maccabées ne peut plus être un modèle pour le Judaïsme américain, contrairement à l’approche de Joseph, admirant la culture égyptienne tout en gardant l’esprit du Judaïsme. Une interprétation diamétralement opposée à celle de Manitou, mais correspondant bien au besoin d’un discours destinés à des Juifs américains en perpétuelle tentation d’assimilation complète à la civilisation ambiante.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de vérité absolue au sein du Judaïsme ? Le rapprochement entre les circonstances de la parasha   et le contexte historique de la fête de Hannouka peut, peut-être, nous orienter vers une réponse, au moins partielle.

L’histoire de Joseph et de ses frères est une histoire d’affrontement, de haine fraternelle due à une difficulté de vivre ensemble en acceptant l’autre dans sa différence. La période de Hannouka a été, avant tout, une guerre civile entre Juifs hellénisés et Juifs traditionnels. Dans les deux cas, le choc s’est produit lorsque l’impossibilité du dialogue s’est avérée.

Or, [*c’est ce dialogue avec l’autre qui seul peut nous permettre d’atteindre la vérité à travers ce que le Rav Kook   nommait "Ribouï hashalom", la pluralité de la paix.*] Et peut-être peut-on comprendre comme s’adressant à notre société juive pleine de tensions la phrase célèbre de Zacharie que nous lisons dans la Haftara   de ce shabath Hannouka : "Ni par la puissance, ni par la force, mais par mon esprit a dit l’Eternel-tsevaoth".

Que cet esprit nous éclaire vers le chemin de l’unité dans la pluralité à travers les lumières de cette fête de Hannouka.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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