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Abraham Joshua Heschel (1907 - 1972)

Abraham Joshua Heschel (1907 - 1972)

Voici la biographie d’une des plus passionnantes personnalités juives du 20ème siècle. Le modèle du Juif Massorti   authentique.

Abraham Josua Heschel   (11 janvier 1907-23 Décembre 1972) né à Varsovie, Pologne, peut être considéré comme un des principaux théologiens Juifs du 20ème siècle.

Heschel   descendait de deux grandes lignées de Rabbins   d’Europe Centrale, (à la fois du côté de son père Moshé Heschel  , mort de la Grippe en 1916 et du côté de sa mère Reizel Perlow Heschel  ). Il était le petit fils d’un immense maitre du hassidisme   dont il portait le nom. Il était le plus jeune de six enfants : Sarah, Dvora Miriam, Esther Sima, Gittel, et Jacob. Il reçut dans sa jeunesse la traditionnelle éducation de Yeshiva, et obtint une Semiha (Diplôme Rabbinique) traditionnelle, puis il étudia à l’université de Berlin où il obtint un doctorat, puis à la Hoschshule für die Wissenschaft des Judentums où il obtint une seconde semiha libérale cette fois.

Heschel   eut pour maîtres quelques uns des meilleurs enseignants Juifs Allemands de l’époque : Chanoch ALBECK, Ismar ELBOGEN, Julius GUTTMAN et Leo BAECK. Il enseigna par la suite le Talmud   au séminaire berlinois.

À la fin des années 30, les nazis fermèrent les séminaires rabbiniques en Allemagne. C’est alors que Julian Morgenstern, President du « Hebrew Union College », le séminaire rabbinique américain de Cincinnati affilié au judaïsme réformé, mis tout en œuvre pour sauver le plus d’érudits juifs possibles des griffes des nazis. C’est ainsi qu’Abraham Joshua Heschel   fut invité à enseigner au séminaire de Cincinnati. Heschel  , toute sa vie, sera reconnaissant envers Julian Morgenstern pour lui avoir sauvé la vie.

De moins en moins à l’aise avec le peu d’observance de la Halaha (loi juive) du HUC (Hebrew Union College) Heschel   se mit à la recherche d’une institution universitaire qui permette une étude critique et moderne de la Bible tout en conservant les normes de la Halaha. Il trouva cette institution en 1946 lorsqu’il entra au Jewish Theological Seminary of America (JTS  ) le principal séminaire du Judaïsme Massorti   (Conservative   en Anglais) Il y accepta un poste de Professeur d’Ethique et de Mystique Juive qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1972.

Heschel   expliqua de nombreuses facettes de la pensée Juive parmi lesquelles des Etudes sur la Philosophie Juive médiévale, la Cabbale et le Hassidism. Il s’intéressa tout particulièrement aux prophètes, ainsi qu’à la meilleure façon pour les Juifs d’inclure la religion dans leur vie quotidienne. Dans ses livres, il lança des attaques toujours modérées mais néanmoins très fermes, contre ceux dans le Judaïsme Libéral qui ne restaient pas fidèles à la Halaha et aussi contre ceux dans le Judaïsme Orthodoxe   qui faisaient prévaloir le légalisme (argutie juridique) sur l’esprit de la loi.

Heschel   cependant, ne s’intégra pas totalement non plus dans l’esprit du JTS  . Il s’intéressait plus à la spiritualité, qu’à l’étude critique des textes (spécialité des élèves et des érudits du JTS  ). De même, il s’écartait de la pensée d’un bon nombre d’enseignants du JTS   surtout en raison de ses vues sur les Prophètes Hébreux et la justice sociale.

« Quand je défilais à Selma, je sentais que mes jambes priaient. »

Pour HESCHEL  , l’enseignement des prophètes Hébreux était un vibrant appel à l’action sociale, mais son activisme social fut jugé négligeable et récusé par la plupart des dirigeants du JTS  , qui considéraient leur fonction comme celle d’universitaires et d’éducateurs, en déléguant les activités sociales aux seuls Rabbins   de communautés et aux laïcs. Par la suite, il y aura un changement radical de cap de la part du JTS  . En effet, de nos jours, la plupart des enseignants du JTS  , sont beaucoup plus impliqués dans des activités sociales et certains ont même écrit que le JTS   avait commis une erreur en refusant de suivre le chemin tracé par HESCHEL   à l’époque.

HESCHEL   fut particulièrement méprisé par son collègue Mordechai KAPLAN, fondateur du Judaisme Reconstructionniste, et nombre d’étudiants du JTS   dans les années 50, se sentaient plus proches de KAPLAN que d’HESCHEL  .

Le 10 Décembre 1946, il épousa Sylvia STRAUS à Los Angeles. Ils eurent une fille nommée Susannah. Suzannah HESCHEL   à son tour devint très savante en Etudes Juives.

« Il fut plus facile pour les enfants d’Israël de traverser la mer Rouge qu’il ne l’est pour un Noir de traverser le campus de certaines universités. »

HESCHEL  , ami intime de Martin Luther King, fut aussi connu comme militant des Droits de l’Homme aux USA et comme militant en faveur de la liberté pour les Juifs d’Union Soviétique.

« La vie spirituelle n’est pas un rêve et nécessite une action constante. »

« L’amour véritable exige que les juifs soient acceptés en tant que juifs, et nous espérons sincèrement que le concile reconnaîtra l’intégrité et la valeur continue des juifs et du judaïsme. »

Il est un des rares théologiens Juifs largement étudiés par les Chrétiens.

Il fut un des initiateur du dialogue judéo-chrétien et fut largement consulté pour les travaux de Vatican 2.

« Comme je l’ai dit plusieurs fois aux personnalités importantes du Vatican, je suis prêt à aller à Auschwitz n’importe quand, si je suis placé devant l’alternative de la conversion ou la mort. »

L’opposition à la guerre du Vietnam

Dans les années 1965, Heschel   se lança avec éclat dans l’opposition à la guerre du Vietnam, bientôt suivit par son ami Martin Luther King.

« Parler de Dieu et rester silencieux au sujet du Vietnam est un blasphème. »

« L’Amérique a été séduite par sa propre force. Il n’y a rien d’aussi odieux que l’arrogance de la mentalité militaire. De tous les fléaux par lesquels le monde est maudit, de tous les maux, le militarisme est le pire : il présuppose que la guerre est une solution à l’agonie humaine. »

Heschel   appela même à la désobéissance civile et à la désertion évoquant le Talmud   (Baba Qama, 113a) : « si la loi de l’État est en conflit avec les lois religieuses et morales, il faut obéir au Maître de toutes choses et désobéir à ’État ». Il employa même une formule assez osée dans le contexte des années 1970.

« Les jeunes qui disent « non » à la guerre du Vietnam Sont les sages   femmes qui aident notre nation à mettre au monde une nouvelle conscience. » (allusion aux femmes hébreu refusant de tuer les nouveaux-nés en Égypte)


Pour un Judaïsme entier et équilibré

Il déplora toute sa vie l’écart qui se creusait, en Israël comme en Diaspora, entre les juifs orthodoxes   gouvernés exclusivement par la halakha   et les juifs laïques qui en refusaient l’autorité ; il fallait concilier « des enseignements moraux et éthiques de la religion et ses aspects purement légaux ». Or, chaque groupe négligeait l’une des trois composantes du judaïsme intégral : Dieu, le peuple d’Israël et la Tora.

Le judaïsme libéral ou reform délaissait la Tora et Israël en faveur d’un « monothéisme éthique » universel ; les ultra orthodoxes  , de leur part, mettaient en avant la Tora qu’ils assimilaient au code du Shoulkhan Aroukh   en oubliant Dieu et Israël ; le sionisme laïque restait hostile à la religion.

Pour Heschel   , seule la fusion de ces divers aspects offrirait les conditions de renouveler l’engagement religieux, surtout chez les jeunes.

On raconte à propos d’Avraham Yéhoshoua Heschel  , qu’il était un jour en visite dans une synagogue Conservative   au Canada, une communauté immense de plusieurs centaines de membres, dans laquelle les offices de chabbat étaient conçus comme un show "à l’américaine" avec une chorale très bien entrainée et un silence de plomb dans l’assistance car personne ne devait chanter pour ne pas gêner le Hazzan et les choristes. Tout à coup un bébé s’est mis à crier, et ses parents se sont dépêchés de le faire sortir pour ne pas déranger la solennité de l’office. On dit qu’Heschel  , lui qui avait été élevé dans une cour hassidique, aurait bondi en hurlant "laissez-le crier, c’est la seule chose naturelle et spontanée que j’aie entendu aujourd’hui !"

Heschel   est mort dans la nuit de Shabbat "Vayehi" (23 décembre 1972).

Ouvrages d’Abraham Heschel  

Les Prophètes :

Cette étude fut entamée comme thèse en Allemand de son Ph.D. (Doctorat de 3ème cycle) , qu’il élargit et traduisit par la suite en Anglais. Publié à l’origine en deux volumes, cette étude porte sur les Prophètes. Elle couvre leur vie AINSI QUE le contexte historique dans lequel se déroula leur mission, elle résume leurs travaux et aborde leur état psychologique. HESCHEL   étuidie en détails le phénomène de la prophétie.

Les bâtisseurs du temps :

Le Chabat : sa Signification pour l’Homme Moderne, est une étude sur la nature de la célébration du Chabat, du Chabat Juif. Cette étude prend par de l’idée que le Judaïsme est la religion du Temps et non de l’Espace, et que le Chabat symbolise la sanctification du Temps.
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L’Homme n’est pas Seul :

L’Homme n’est pas Seul : Philosophie de la Religion décrit les vues d’HESCHEL   sur la façon dont l’homme peut appréhender Dieu. Pour le judaïsme, Dieu est radicallement différent de l’homme, alors HESCHEL   explore les voies qu’enseigne le Judaïsme pour permettre à une personne de rencontrer l’ineffable. Un thème récurrent de cette étude, est la stupeur qui peut frapper un homme lorsqu’il fait l’expérience de la présence Divine. Puis HESCHEL   aborde les thèmes de la foi et du doute, de ce que veut dire le Judaïsme lorsqu’il affirme que Dieu est Un, de l’essence de l’homme et des problèmes des besoins humains, de la définition de la religion en général, et du Judaïsme en particulier, de l’aspiration de l’homme à la spiritualité. Il affirme sa croyance que le Judaïsme est modèle de vie. (un guide de vie).

Dieu en quête de l’Homme :

Dieu en quête de l’Homme : Philosophie du Judaîsme est un volume qui fait suite à L’homme n’est pas Seul. HESCHEL   y discute de la nature de la pensée religieuse, de la façon dont la pensée devient la foi, et dont la foi donne des réponses au croyant. Il évoque les façons dont l’homme peut rechercher la présence Divine, et la stupeur que l’homme reçoit en retour,. Il critique l’adoration de la nature, il étudie la solitude métaphysique radicale, et il expose sa théorie selon laquelle, nous pouvons considérer que Dieu est à la recherche de l’homme. La première partie se conclut par une étude sur les Juifs peuple élu. La deuxième partie de l’ouvrage, traite de la révélation, et de ce que cela signifie d’être un prophète. Dans ce chapitre, HESCHEL   nous présente sa conception de la révélation comme processus par opposition à évènement. C’est en relation avec l’alliance d’israël avec Dieu. La troisième partie expose sa conception de la façon dont un Juif devrait comprendre la nature du Judaïsme ne tant que religion. Il y discute puis y rejette l’idée que la seule foi (sans la Loi) est suffisante, et il met en garde contre les rabbins   qui rajoutent trop de restrictions dans la Loi Juive. Il discute du besoin de mettre en corrélation l’observance rituelle, la spiritualité et l’amour, il parle de l’importance de la Kavanah (intention) lors de l’accomplissement des mitzvot. Il engage un débat sur le behaviourisme religieux – lorsque les gens font de gros efforts pour se plier extérieurement à la loi, en négligeant l’importance d’une foi intérieure.
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Inspiration Prophétique d’après les Prophètes :

HESCHEL   écrivit une série d’articles, en Hébreu, sur l’existence de la Prophétie dans le Judaïsme suite à la destruction du Temple à Jérusalem en 70 après JC. Ces essais furent traduits en Anglais et publiés chez KTAV, Editeur américain d’oeuvres juives sous le titre de : Inspiration prophétique d’après les Prophètes : Maimonides et Autres.

L’Editeur déclare : « La conception Juive habituelle est que la prophétie prit fin avec les anciens prophètes, tôt dans la période du Second Temple. HESCHEL   démontre qu’il n’en est rien. Une croyance en la possibilité d’une continuation de l’inspiration prophétique et dans son occurrence effective apparut pendant une bonne partie de l’époque médiévale et même des temps modernes. Les travaux d’HESCHEL   sur l’inspiration prophétique au Moyen-Age parut à l’origine sous forme de deux longs articles en Hébreu, dans lesquels il concentrait son idée que l’inspiration prophétique était possible même dans les temps post-talmudiques et qu’en fait, elle avait eu cours à diverses périodes en diverses écoles, du Geonim   à Maïmonides et au-delà. »

Torah min HaShamayim (La Torah issue des Cieux)

Beaucoup considèrent l’œuvre d’HESCHEL   « Torah min HaShamayim BeAsafkariah shel HaDorot » (La Tora Issue des Cieux à la lumière des générations) comme son chef d’œuvre. Les trois volumes de cette œuvre sont une étude de la théologie et aggadah rabbiniques classiques, opposées à la halakha   (loi). Il y étudie les idées des rabbins   de la Michna  , du Talmud   et du Midrach   quand à la nature de la Torah, la révélation de Dieu à l’humanité, les prophéties, et la façon dont les juifs ont utilisé des exégèses scripturales pour étendre et comprendre ces textes Juifs centraux. Dans cet ouvrage HESCHEL   considère Rabbi Akiva et Ishmael, sages   du second siècle, comme des paradigmes des deux courants principaux de la Théologie Juive.

Deux volumes en Hébreu furent publiés de son vivant par Soncino Press et le troisième volume en Hébreu fut publié à titre posthume par les JTS   Press dans les années 1990. Une traduction en Anglais des trois volumes avec notes, essais et appendices fut traduite et éditée par le Rabbin   Gordon Tucker et intitulée Heavenly Torah : As Refracted Through Generations (la Torah venue des Cieux, à la lumière des générations). http://www.amazon.com/Heavenly-Tora...

Ouvrages sur Heschel  

La sainteté en paroles : Abraham Heschel   : piété, poétique, action
de Edward K Kaplan ouvrage traduit en français au Cerf
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Abraham Heschel  

Un prophète pour notre temps

Éditions Albin Michel, 2008

Collection « Présences du judaïsme/poche »

Citations d’Heschel  

« le judaïsme est une religion du temps, tendant à la sanctification du temps »

« Il suffit d’une personne, puis d’une autre…et d’une autre… et encore d’une autre… pour commencer un grand mouvement. »

« Plus que le doute, l’émerveillement est la source de toute connaissance »

« Un homme religieux est quelqu’un qui embrasse Dieu et l’homme dans une seule pensée, une fois… toujours… qui ne supporte qu’aucun mal ne soit fait aux autres, sa plus grande passion est la compassion, sa plus grande force : son amour et son mépris du désespoir. »

« Dieu est sans importance à moins qu’Il soit de la plus grande importance »

« Rien qu’être est une bénédiction, rien que vivre est sacré »

« Le respect de soi est le fruit d’une discipline, le sens de la dignité augmente avec l’aptitude à se dire non à soi-même »

« Une vie sans engagement ne vaut pas la peine d’être vécue »

« Quelques uns sont coupables, Tous sont responsables »

« la civilisation technique est la conquête de l’espace. C’est un triomphe auquel on ne parvient le plus souvent, qu’en sacrifiant l’une des composantes essentielles de l’existence : le temps »

« Il existe deux conceptions de la Loi juive qui se sont avérées particulièrement préjudiciables pour la survie de son application. La première est le présupposé qu’il faut nécessairement en observer tout ou rien, car toutes les règles seraient d’égale importance ; et si la moindre brique était enlevée tout l’édifice s’effondrerait. […] La seconde est que le moindre iota de la Loi a déjà été révélé à Moïse au Sinaï« .
(A.J. Heschel  , « Toward an Understanding of Halachah », in : Conservative   Judaism and Jewish Law, ed. Seymour Siegel, NY, 1977).

« Si une pensée engendre l’orgueil, la séparation d’avec ceux qui souffrent, l’inconscience des dangers du mal, nous pouvons être sûrs qu’il s’agit là d’une déviation hors du chemin de Dieu. Une idée n’a pas de sens pour un homme, si elle n’est pas susceptible d’avoir un sens pour tous les hommes. Dieu qui a fait ce qui est en tout temps, éclaire l’homme de pensées qui doivent demeurer valables en tout temps. Seul le bien de tous les hommes est bien pour chacun d’eux. Nul n’est véritablement inspiré pour son propre compte. Celui qui est béni, est bénédiction pour autrui. » (Dieu en quête de l’homme p.175)

Interview vidéo d’Abraham Heschel  

Une biographie d’Abraham Joshua Heschel  

présenté par Shlomo Malka, http://www.akadem.org/sommaire/seri...

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