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Foulard et contre-foulard

Foulard et contre-foulard

Rivon Krygier -

Une réaction rabbinique à l’avis public du grand rabbin   de France, Joseph Sitruk, sur la question du foulard à l’école publique.

Concédons d’abord que le grand rabbin   Sitruk n’a pas tort sur le fond lorsqu’il énonce de principe qu’il ne faut pas avoir une interprétation étroite ou agressive de la notion de laïcité. L’État ne doit pas au nom d’une prétendue neutralité, uniformiser les mœurs, et mettre en cause des libertés fondamentales comme la liberté de foi et de conscience, mais aussi la liberté de pratiquer sa religion, dans le respect et la dignité. À ce titre, l’école publique se doit autant que possible de ne pas faire entrave à l’exercice de ce droit.
Si la question du foulard à l’école, ou celle de la dispense des activités sportives, portait uniquement sur le sens de la pudeur, il n’y aurait aucune raison de ne pas procéder à certains aménagements vestimentaires, dans le respect de la pluralité qui, faut-il le rappeler, est une des valeurs-pilier de la démocratie. Si une société accepte que des femmes se promènent les seins nus sur les plages de France, ou en bikini dans les bains publics, il faut être capable de la même tolérance à l’égard de celles qui ont des normes sévères en la matière, même quand ce n’est pas au goût de la majorité, du mien ou du vôtre. En ce sens, la justification par le Conseil d’État, en 1989, du port du foulard à l’école publique, fut en son temps, exemplaire dans la défense des droits fondamentaux. Mais le fait qu’alors déjà, l’avis rendu fut assorti de la condition d’éviter toute manifestation prosélyte ou de trouble de l’ordre public, définissait ce que doivent être les limites du tolérable pour la République et appelait à une vigilance.
Le tort du grand rabbin   est de placer la question du foulard islamique sur le seul plan de la conscience religieuse ou des mœurs, en en ignorant la forte dimension politique et sociale. Il faut être aveugle pour ne pas voir que le foulard islamique est devenu l’étendard du communautarisme, du prosélytisme et du fondamentalisme musulman le plus étroit. Bien sûr, tous ceux et toutes celles, la majorité peut-être, qui ont ce type de revendication ne sont pas des extrémistes, mais là n’est pas la question, et de ce fait, beaucoup s’y trompent. Les extrémismes sont et ont toujours été le fait de minorités agissantes profitant d’une conjoncture, d’une faille ou d’un certain laxisme politique, pour gagner la main-mise sur la majorité. Il ne fait aucun doute que l’autorisation inconditionnelle du foulard à l’école publique créerait une pression immense sur les jeunes filles musulmanes qui se verraient tôt ou tard contraintes, ou se sentiraient moralement obligées, de s’aligner sur les normes identitaires de leur communauté.
Plus grave encore, dans le climat exacerbé qui voit surgir dans les écoles un antisémitisme primaire et virulent émanant notamment des cercles islamistes, le fait d’arborer des signes religieux très ostentatoires reviendrait à embrigader les jeunes dans une forme de conscription qui à terme pourrait mettre aux prises une milice musulmane face à une milice juive, et demain chrétienne ! Il ne faut pas se tromper de combat. La neutralité vestimentaire à l’école ne doit pas être présentée comme l’exigence d’une laïcité qui consisterait à laminer toute expression de la différence mais comme la volonté déterminée de garantir la survie du pacte social.
Mais pas seulement. Tout le monde sait aussi que la revendication du foulard n’est que la face dévoilée de l’iceberg ! Demain, ce sont d’autres revendications - elles se profilent déjà - qui s’enfonceront dans la brèche de prétendus « édits de tolérance » et qui pour le coup, toucheront de plein fouet à des droits fondamentaux dont la République française, laïque et démocratique se veut garante. Au nom de la pluralité, sous couvert d’anticolonialisme, on en viendrait à admettre une forme, sourde ou non, de ségrégation à l’égard de la femme, en matière de droit privé et personnel : polygamie, excision, mariages forcés, inégalité en matière de divorce, d’héritage, de témoignage, exclusion de l’éducation physique, de l’instruction des sciences naturelles et humaines, etc. Il ne s’agit donc pas de brimer la femme musulmane mais à l’inverse, de lui garantir la possibilité de vivre un islam moderne.
C’est là que l’émancipation des États modernes de la tutelle religieuse doit être considérée comme un des grands acquis de l’histoire ! Non pas parce qu’il s’agirait de se féliciter de la supériorité du pouvoir de l’État sur celui de la Religion, ou sur tout autre choix de conscience, ce qui risque, faut-il le rappeler, de confiner au fascisme mais parce que le droit démocratique des États modernes se donne pour vocation de constituer un contre-pouvoir ! L’indépendance des pouvoirs judiciaire et du législatif a pour mission de protéger les individus mais aussi les communautés, des abus, ségrégations, exclusions et atteintes diverses aux droits de l’homme, pouvant survenir, du reste, tant du fait du gouvernement des États que des chefs ou clergés religieux. Tel est, le sens profond du mot trop galvaudé de « laïcité ». Est-ce à dire que l’on exigerait des grandes religions traditionnelles de se faire les « vassales » de la religion des droits de l’homme ? Ma foi, oui, sauf à considérer qu’une religiosité éclairée qui peut cohabiter dans la République est forcément une religiosité qui considère les droits de l’homme comme une exigence au cœur de la religiosité elle-même, que seules des contraintes socio-historiques ont pu, en une période donnée, rendre encore inconcevable.
Ce n’est pas au nom de l’illégitimité de manifester des particularismes religieux ou sociaux qu’aujourd’hui la République se doit de faire montre de la plus grande fermeté face à la question du foulard, mais au nom de la défense de principes qui pour être devenus des slogans n’en demeurent pas moins des valeurs fondamentales menacées : liberté, égalité et fraternité. Elles ne sont la propriété ni d’un gouvernement, ni d’un clergé, ni même d’une Nation. Elles appartiennent à l’homo democraticus. C’est-à-dire, dans le fond, à nous tous.

Messages

Foulard et contre-foulard

Je ne suis pas de religion juive. Je trouve l’article sur le foulard très juste.
Au Liban on a découvert que l’Iran versait une somme d’argent pour que les femmes et fillettes mêmes, portent le voile. N’y a t’il qu’une question religieuse pour que ce pays islamiste étranger au pays du cèdre, souhaite une telle visibilité de cette religion ? J’en doute fort, et me demande si il n’y a pas une volonté de conquérant dans ce mode de faire.
Merci pour votre article.

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